16 juin 2025 | Mise à jour le 16 juin 2025
Placée en redressement judiciaire en février, l'entreprise bicentenaire stéphanoise Verney-Carron a été reprise le 4 juin par la société Rivolier, un distributeur d’armes. Une issue permise par la mobilisation acharnée de la CGT et des salariés, qui sauve 56 emplois. Le syndicat reste vigilant sur le respect des engagements du repreneur et réaffirme son plaidoyer pour un pôle public national de Défense.
Le 4 juin, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a validé la reprise de l'entreprise Verney-Carron par la société ligérienne Rivolier, spécialisée dans la distribution d’armes. Cette décision met fin à une période d'incertitude marquée par le redressement judiciaire ouvert le 12 février dernier. La section CGT de l'entreprise, soutenue par les salariés, l'union départementale de la Loire, l'union des syndicats des travailleurs de la métallurgie (USTM42) ainsi que la Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie, s'étaient mobilisées sans relâche pour maintenir l'activité industrielle et préserver la soixantaine d'emplois. Leur engagement a permis d'éviter la liquidation et de sauvegarder 56 postes. Toutefois, « la CGT déplore le licenciement de 10 salariés, conséquence de cette reprise, et reste vigilante quant au respect des engagements de Rivolier, tant en matière d'activité industrielle que de droits sociaux », précise Pascal Darnon, représentant CGT de l'entreprise.
Maintenir les savoir-faire locaux
Le 28 mars, une délégation CGT de Verney-Carron avait rencontré le préfet de la Loire, Alexandre Rochatte, son secrétaire général adjoint, et la directrice de la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS). L'objectif était d'alerter les pouvoirs publics sur la situation préoccupante de l'entreprise et demander l'implication directe de l'État. « La CGT a insisté sur l'importance du maintien des savoir-faire locaux et de l'emploi. Nous avons plaidé pour l'entrée de l'État au capital comme garantie de pérennité », explique Pascal Darnon. Le préfet s'était montré attentif, mais réservé sur cette dernière possibilité, tout en rappelant que le dossier était suivi au niveau national, notamment avec les ministères des Armées et de l'Intérieur. D’ailleurs, les militants de la section syndicale sont entrés en contact avec les ministères des Armées et celui de l’Industrie et ont été reçus au Sénat puis au ministère de l’Industrie, le 2 Avril. La CGT avait aussi évoqué l'intérêt potentiel d'un acteur public étranger, FN Browning Group, entreprise belge historiquement proche du modèle Verney-Carron.
Verney-Carron, fleuron industriel stéphanois bicentenaire, fabrique depuis plus de deux siècles des armes de chasse et de tir sportif. Depuis les années 1980, elle produit aussi des équipements pour les forces de sécurité intérieure, et plus récemment, pour les marchés militaires. Cette diversification stratégique, jugée indispensable à la survie de l'entreprise, n'a pourtant pas permis de compenser les investissements, « notamment faute de vision industrielle et de décisions court-termistes », dénonce la CGT.
Deux repreneurs sur les rangs
Reconnue sur des marchés de niche pour la qualité technique de ses produits, Verney-Carron a vu sa situation se dégrader brutalement après son rachat en 2022 par le groupe Cybergun. « Ce dernier n'a pas tenu ses engagements et a précipité l'entreprise dans une spirale de difficultés : dès fin 2024, le recours au chômage partiel est mis en place jusqu’à un arrêt quasi total de l'activité. Le 12 février, Verney-Carron était officiellement placée en redressement judiciaire », rappelle Pascal Darnon. « La lutte engagée a été suivie par la quasi-totalité des salariés, anciens salariés et camarades de la CGT locale. » Un plan de cession est engagé, avec une audience prévue le 28 mai. Deux repreneurs manifestent leur intérêt, attirés par la conjoncture internationale favorable au secteur de l'armement.
Pour Pascal Darnon, « cette situation met en lumière les dérives du marché des armes, soumis aux logiques du capitalisme. La CGT défend de longue date la création d'un pôle public national de Défense, qui permettrait à l'État de contrôler et orienter les activités stratégiques du secteur. Notre position est claire : refuser la logique de profit fondée sur les conflits, mais garantir la capacité souveraine de la France – et de ses alliés – à assurer leur sécurité, de manière indépendante et responsable ».