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Vers un changement de cap radical

26 janvier 2015 | Mise à jour le 3 avril 2017
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Vers un changement de cap radical

La très large victoire de Syriza aux législatives du 25 janvier concerne tous les peuples européens. En jeu : une renégociation de la dette et la fin des politiques d'austérité.

« Cela semble être une victoire historique » et ce « message n’affecte pas seulement les Grecs mais résonne dans toute l’Europe et apporte un soulagement ». Au soir de la très large victoire de Syriza ou « gauche radicale » aux élections législatives grecques, dimanche 25 janvier, son porte-parole, Mega Panos Skourletis, s'est fait l'écho de ceux qui en appellent à un changement de cap économique et social en Europe.

Avec plus de 36% des voix et plus de huit points de plus que la droite de Nouvelle Démocratie, Syriza ne manque la majorité absolue au Parlement que de deux sièges. Les néonazis d’Aube dorée parviennent quant à eux à la troisième place, mais avec moins de 7 % des voix.

« L’AVENIR COMMUN DE L’EUROPE N’EST PAS CELUI DE L’AUSTÉRITÉ »

C’est ce qu’a déclaré Alexis Tsipras, leader de Syriza, ajoutant : « c’est celui de la démocratie, de la solidarité et de la coopération ». Lundi 26, Syriza a annoncé un accord avec un petit parti souverainiste (droite), pour la formation d'un gouvernement qu'Alexis Tsipras doit diriger.

CURE D'AUSTÉRITÉ

Après une cure d'austérité drastique imposée par la Troïka (UE, BCE et FMI), c'est d'abord au poids colossal de la dette, détenue principalement par l’Allemagne et la France, et qui représente 177% du PIB, que veut s'attaquer le parti vainqueur des élections pour relancer l'économie.

En annonçant que « le peuple grec laisse l’austérité derrière lui », Alexis Tsipras, qui entend maintenir la Grèce dans la zone euro, a rappelé « le nouveau gouvernement sera prêt à collaborer et négocier pour la première fois avec nos partenaires une solution juste, viable, durable, qui bénéficie à tous », plus qu'un simple « allégement » de la dette que les créanciers, qui se sont engagés à lui prêter 240 milliards d’euros, seraient prêts à envisager à la condition que la Grèce poursuive une politique de réformes drastiques dont le peuple ne cesse de faire les frais.

Or c'est précisément contre de telles politiques que se sont massivement prononcés les électeurs. Car les réformes exigées par la Troïka, loin de permettre au pays de sortir de la crise, l'y ont ces dernières années enfoncé un peu plus, avec un recul de plus de 20% du PIB depuis le début de la crise, un chômage qui dépasse 25% (soit le taux le plus élevé des pays de l’OCDE ) et même 50% parmi les jeunes, des salaires en baisse de plus de 20 points entre 2010 et 2014, une pauvreté qui s'étend tragiquement (plus de 2,8 millions de pauvres sur un peu plus de 10 millions d'habitants).

URGENCE HUMANITAIRE

Syriza entend augmenter le salaire minimum de 580 à 751 euros, rétablir le treizième mois de retraite pour les pensions inférieures à 700 euros, augmenter le nombre de bénéficiaires de l'assurance chômage, assurer l'accès gratuit aux soins, financer l'électricité et fournir des coupons alimentaires à au moins 300 000 ménages, protéger les résidences principales des saisies, supprimer la taxe sur le fuel domestique, remonter le seuil d'imposition à 12 000 euros annuels… Le programme de Syriza (estimé à quelque12 milliards d'euros) pourrait, précisément, trouver à se financer par la renégocation de la dette, mais aussi par une réforme de l'Etat, qui passe notamment par la lutte contre la fraude fiscale.

DETTE ET NÉGOCIATION

La négociation pour la révision de la dette sera probablement difficile. Alors que se réunissaient lundi 26 les ministres des finances de la zone euro, la chancelière allemande Angela Merkel a répété que le gouvernement grec doit « respecter les engagements pris ». Evoquant quant à lui les principes de « solidarité » et de « responsabilité », François Hollande a lui aussi avancé : « des engagements ont été pris et ils doivent être tenus ».

Dans un article de 2013 (pour Le Monde diplomatique), Alexis Tsipras le rappelait déjà : « Février 1953. La République fédérale d'Allemagne (RFA) croule sous les dettes et menace d'entraîner l'ensemble des pays européens dans la tourmente. Préoccupés par leur propre salut, ses créanciers — dont la Grèce — prennent acte d'un phénomène qui n'a surpris que les libéraux : la politique de « dévaluation interne », c'est-à-dire la réduction des salaires, n'assure pas le remboursement des sommes dues, au contraire.

Réunis à Londres au cours d'un sommet exceptionnel, vingt et un pays décident de réévaluer leurs exigences à l'aune des capacités réelles de leur partenaire à faire face à ses obligations. Ils amputent de 60 % la dette nominale cumulée de la RFA et lui accordent un moratoire de cinq ans (1953-1958), ainsi qu'un délai de trente ans pour rembourser. Ils instaurent également une « clause de développement » autorisant le pays à ne pas consacrer au service de la dette plus d'un vingtième de ses revenus d'exportation. L'Europe vient de prendre le contre-pied du traité de Versailles (1919), jetant les fondations du développement de l'Allemagne de l'Ouest après la guerre. » La leçon mérite d'être méditée.