18 novembre 2019 | Mise à jour le 18 novembre 2019
Publiée en juillet, une étude de France Stratégie montre que l'immigration coûte très peu aux finances publiques et n'a pas de véritable incidence sur le marché du travail. À croire que l'exécutif ne l'a pas lue, lui qui depuis la rentrée exacerbe fantasmes et préjugés à l'encontre des immigrés.
Les Premiers ministres n'écoutent pas toujours ce que disent leurs services. « Nous voulons reprendre le contrôle de notre politique migratoire» a ainsi annoncé Édouard Philippe le 6 novembre dernier. C'était plus de trois mois après que France Stratégie a publié son étude sur « L'impact de l'immigration sur le marché du travail, les finances publiques et la croissance », une « revue de littérature » très chiffrée et surtout toute en nuances.
Las ! Les poussées de fièvre gouvernementales sont récurrentes sur la question migratoire et, lancé à la reconquête de l'électorat populaire tendance Rassemblement national, dès la rentrée de septembre, l'exécutif a décidé de brandirle dossier de l'immigration.
France Stratégie bat en brèche les préjugés et les fantasmes concernant l'immigration sur le terrain économique et social
L'extrême droite et ses émules accusant les demandeurs d'asile et autres réfugiés de contourner la loi pour profiter de la protection sociale française ou encore d'occuper des emplois qui devraient revenir aux nationaux, le président de la République en personne a, dès septembre, exprimé sa volonté de « réformer la maîtrise des flux migratoires » et « la protection du droit d'asile ».
Objectifs : réduire leurs droits en matière de santé et réviser la liste des métiers en tension permettant de délivrer des titres de séjour aux étrangers susceptibles d'occuper des postes qui ne trouvent pas preneurs dans la population.
Autrement dit, le gouvernement cède aux préjugés et fantasmes qui, douze ans plus tôt, avaient réactivé le vieux concept de « quotas » d'immigration dans l'esprit de Nicolas Sarkozy et font de l'immigration un problème notamment économique et social.
Les travaux de France Stratégie les battent en brèche. « Ainsi, porter un jugement absolu sur le fait que l'immigration serait intrinsèquement « bonne » ou « mauvaise » économiquement n'a guère de sens » précise l'institution.
L'immigration n'a pas d'incidence sur la situation économique et sociale du pays
Réalisée à la demande de l'assemblée nationale avec l'accord du premier ministre l'étude établit un « diagnostic de l'état des connaissances » en restreignant son champ aux coûts et bénéfices de l'immigration pour le marché du travail, les finances publiques et la croissance économique.
Elle se concentre donc sur la population immigrée installée en France depuis un an et plus : il y a en France 6,7 millions d'immigrés – personnes étrangères nées à l'étranger – soit 9,7% de la population résidente en 2018 selon l'Insee (37% des immigrés ayant acquis la nationalité française).
« Même si près d'un résident français sur dix est immigré, aucun des impacts mesurés sur le marché du travail, sur les finances publiques et sur la croissance n'est de grande ampleur, quel qu'en soit le signe » affirme l'institution qui estime qu'il faut « contextualiser les évaluations obtenues, tributaires » notamment « des politiques publiques du pays d'accueil » (formation des non qualifiés, apprentissage de la langue, suivi, lutte contre les discriminations, etc.)
Une analyse chiffrée et toute en nuances
Non seulement la part des immigrés dans la population est moindre en France que dans la majorité des pays de l'OCDE (des États-Unis à l'Allemagne) mais l'impact des flux d'entrées sur l'évolution du nombre d'immigrés sur le territoire – question qui agite beaucoup l'opinion publique – doit être correctement calculé.
En effet ces flux ne s'additionnent pas les uns avec les autres au fil des ans puisqu'il faut prendre en compte les décès (accueillie de longue date la population immigrée en France est vieillissante) et les départs (au-delà des étudiants qui pour la grande majorité ne s'installent pas en France).
Si « globalement » l'immigration n'a qu'un faible impact sur le marché du travail (emplois et salaires des non-immigrés) dans un pays comme la France (notamment en raison de l'existence d'un SMIC) elle représente un très léger coût pour les finances publiques (-0,3% du PIB).
L'étude explique cette dernière situation par le fait que l'insertion professionnelle des immigrés est plus défavorable en France que dans d'autres pays et entraîne pour cette population des salaires faibles et des cotisations moindres (d'environ 15%).
Reste que l'effet sur la croissance par tête est positif à long terme, l'augmentation de la population active stimulant la consommation et l'investissement.
Autant de données qui auraient dû ramener l'exécutif à davantage de mesure dans ses propos. À moins que le gouvernement ait délibérément choisi d'alimenter les fantasmes et les préjugés à l'encontre des immigrés. Et qu'Emmanuel Macron entende faire sienne la vieille politique du bouc émissaire, au risque de fracturer davantage encore la société française.
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