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LOI TRAVAIL

Toutes les inquiétudes de la CGT sont confirmées

25 août 2017 | Mise à jour le 31 août 2017
Par | Photo(s) : Daniel Maunoury
Toutes les inquiétudes de la CGT sont confirmées

Fabrice Angéi et Catherine Perret, représentants de la CGT, à la sortie du ministère du Travail après la dernière séance de consultation sur les ordonnances.

Fabrice Angéi et Catherine Perret, représentants de la CGT étaient reçus au ministère du Travail le 23 août pour une ultime consultation des syndicats sur les ordonnances. Les syndicalistes estiment que le gouvernement donne des signes d'inquiétude, tandis que l'heure est à la mobilisation.
NVO : Vous avez été reçus mercredi au ministère du Travail, quel était le menu de cette rencontre ?

Fabrice Angéi : Nous devions avoir connaissance de l'état d'écriture des ordonnances de la loi Travail. C'était donc une information du cabinet sur ce que le gouvernement envisageait de retenir et qui n'était pas encore arbitré. Et tout cela, en nous disant que ce qui était envisagé pouvait malgré tout être revu…

Ce n'est pas très clair…

Fabrice Angéi : Précisément, cela veut dire que plus que jamais la mobilisation est à l'ordre du jour et qu'elle est de nature à influer sur le contenu des ordonnances. On nous a présenté quelques lignes retenues, par exemple sur ce qui relève de l'accord de branche ou de l'entreprise, mais ils ont indiqué qu'il n'y avait pas de certitude que cela ne bouge pas.

Et quelles sont les orientations générales qui ont été présentées ?

Fabrice Angéi : L'orientation générale, c'est que les inquiétudes formulées par la CGT sont confirmées. La philosophie d'ensemble des projets d'ordonnances ne vise pas à favoriser le dialogue social au niveau de la branche ou de l'entreprise, ni à améliorer la situation de ceux qui ont un emploi et de ceux qui n'en ont pas. Il s'agit de la précarisation pour tous qui ne sert que l'intérêt de quelques grandes entreprises et protège les dividendes aux actionnaires.

Catherine Perret : Il y a des exemples précis qui ont été donnés en ce sens avec ce qui relève exclusivement des branches et de ce qui peut être déverrouillé au niveau des entreprises. Ainsi, sur les contrats précaires, il y aura la possibilité de négocier au niveau de la branche un nombre de renouvellement sans limite de CDD. Il y a aussi la possibilité de retravailler la durée des CDD au niveau de la branche.

Fabrice Angéi : De ce point de vue, il faut noter que la limite opposable du CDD dans le droit européen et de cinq ans avec un nombre de renouvellement non limité.

Catherine Perret : Et pour ce qui concerne le CDI, il y a désormais le CDI de chantier qui va être élargi sous le vocable de CDI d'opération. Celui-ci inclut missions et projets. Concrètement, cela signifie la possibilité de généraliser les règles des CDI d'opération à toutes les professions dans la branche. C'est une attaque frontale contre le CDI qui vise à généraliser la précarité.

Le cabinet de la ministre ne l'a pas caché : le CDI de chantier n'a pas vocation à se limiter au secteur de la construction.

Fabrice Angéi : Le cabinet de la ministre ne l'a pas caché : le CDI de chantier n'a pas vocation à se limiter au secteur de la construction. Il va permettre, à partir d'un accord de branche, de rattacher n'importe quel métier à une opération. A terme, c'est donc la fin du CDI pour tous, et ce, sans même passer par la case prime de précarité.

Catherine Perret : On peut faire le lien avec la volonté de ne pas gêner les employeurs voyous qui licencient illégalement les salariés. Il est prévu de nombreuses mesures de simplification qui concernent notamment les CDD. Par exemple, un contrat en CDD doit normalement être transmis dans les 48 heures au salarié. Le manquement à cette obligation était souvent utilisé aux prud'hommes pour requalifier le CDD en CDI. Désormais, c'est terminé. L'employeur pourra attendre quinze jours et plus avant l'envoi du contrat sans aucune conséquence.
Fabrice Angéi : C'est un feu vert pour le travail illégal puisque l'employeur n'a plus de délais pour déclarer une embauche. Dans le même temps, cela met le salarié sous pression avec des heures à n'en plus finir et des indemnisations non respectées.

La feuille de route du gouvernement n'est visiblement pas finalisée. Y aura-t-il d'autres concertations ?

Catherine Perret : Non. Il nous a été soumis mercredi une trentaine de pages sur les quelque 200 prévues pour les ordonnances. Ces trente pages ne sont pas finalisées et en plus elles peuvent bouger. C'est vraiment très flou.

Fabrice Angéi : Il s'agit d'un document partiel avec des points non arbitrés, tels que la possibilité pour l'employeur de déclencher un référendum à sa seule initiative. Or on sait que le résultat d'un référendum d'entreprise initié dans ces conditions est souvent le reflet de la peur de perdre son emploi. Il en va de même quand l'employeur pourra négocier un accord en dehors des organisations syndicales. Cela suppose une négociation avec un salarié non protégé et en lien de subordination. En attendant, nous avons une épée de Damoclès avec la pochette surprise du 31 août puisque c'est à cette date que nous aurons les textes.

Catherine Perret: Ce n'est qu'au moment de la conférence de presse de la ministre du Travail du 31 août que les organisations syndicales se verront remettre les textes des ordonnances.

Et qu'en est-il des réactions et des échanges avec les autres organisations syndicales ?

Fabrice Angéi : Des échanges ont lieu et je constate que toutes les organisations syndicales convergent sur un certain nombre de lignes rouges. Face à ces points de convergence, le gouvernement est en difficulté. La méthode qu'il choisit consiste à éviter de les faire émerger pour différer le plus possible ses annonces parce qu'il sait que sa réforme ne passera pas sans contestation. Il tente donc de diviser pour donner moins de temps à la mobilisation qui est seule de nature à bouger réellement le contenu des ordonnances. Nous traduisons l'absence de bougés dans les textes présentés comme le symptôme d'un gouvernement beaucoup plus inquiet qu'au début de l'été.

Catherine Perret : On voit aussi des évolutions dans les positions et expressions de la CFDT et de FO sur des sujets sur lesquels nous sommes d'accord.

Fabrice Angéi : Quand la CFDT pose la question de savoir si ça favorise le dialogue social, lorsqu'elle dit que ça sert la financiarisation des grandes entreprises, nous ne sommes pas loin d'avoir la même analyse. On voit que la position de tous les autres syndicats évolue donc de manière de plus en plus critique.

Toutes les organisations syndicales convergent sur un certain nombre de lignes rouges
Et pour le 12 septembre ?

Catherine Perret : On voit aussi la CFE-CGC qui réagit notamment sur les CDI d'opération où les cadres seront les premiers touchés. Nous espérons donc pouvoir réaliser l'unité la plus large.

Fabrice Angéi : Nous avons pris acte que les organisations attendaient de voir le contenu des ordonnances – que nous n'avons toujours pas – pour pouvoir se prononcer sur la mobilisation ou pas.

Catherine Perret : Nous pensons aussi qu'au niveau des entreprises il y aura des appels à la grève unitaires plus larges en raison de différents sujets. Par exemple, dans le commerce ou des secteurs très féminisés, nous savons aujourd'hui en l'état de ce qui nous a été présenté qu'un accord d'entreprise va pouvoir agir sur le congé maternité. Ces sujets sont de nature dans plusieurs entreprises à rassembler les différentes organisations syndicales pour entrer en mouvement dès le 12 septembre.

Fabrice Angéi : Le gouvernement prétend déconstruire 120 ans de code du travail en dix heures de discussions. Derrière, s'annoncent d'autres chantiers sur la retraite, la formation professionnelle, la protection sociale. On en voit les dommages collatéraux avec la hausse de la CSG, le gel du point d'indice et la réintroduction du jour de carence dans la fonction publique. Le 12 septembre n'est pas un mouvement fourre-tout mais un mouvement intergénérationnel des jeunes, des retraités, des salariés, des privés d'emploi à travers leurs propres portes d'entrée. À partir des cahiers revendicatifs de chaque entreprise, cela doit amener à de réelles converges de luttes contre le modèle social libéral porté par ce gouvernement.