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Le partenariat qui lie la France à l’Égypte ne peut se développer dans un contexte de violations des droits humains et syndicaux massives. ”

Lettre au président Macron - des dirigeants de la CGT, CFDT, FO , CFTC, CGC, UNSA
19 octobre 2017 | Mise à jour le 23 octobre 2017
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Les premiers dirigeants de six confédérations syndicales françaises ont écrit au président de la République qui doit recevoir le chef de l'État égyptien. Ils s'inquiètent dans cette adresse commune des violations commises en Égypte contre les droits fondamentaux et les libertés syndicales.

Vous allez recevoir prochainement le Maréchal Sissi. A cette occasion nous souhaitons porter à votre attention les violations des droits fondamentaux du travail à grande échelle qui pour nous syndicalistes ne sont pas compatibles avec une normalisation des relations de notre pays avec l'Égypte.

Nous relayons ainsi le rapport de la Confédération syndicale internationale qui est parvenu à vos services et qui détaille de façon précise les faits mentionnés ci-après.

Cette année a vu en Égypte une répression sans précédent des droits humains et syndicaux. De façon récurrente les normes du travail sont bafouées dans ce pays en particulier la convention 87 de l'OIT sur les libertés syndicales. Lors de la dernière Conférence internationale du Travail, les membres de la Commission d'application des normes où siège le gouvernement français ainsi que les partenaires sociaux ont une fois de plus adopté des recommandations au gouvernement égyptien qui à ce jour n'ont pas été suivies.

Un projet de loi sur les syndicats, déposé actuellement devant la Chambre des représentants pour adoption, n'est en rien conforme aux normes internationales du travail en matière de liberté syndicale. Il a même été considéré en Égypte comme anticonstitutionnel. Aucun dialogue n'a été engagé par le gouvernement malgré les amendements transmis par les syndicats indépendants. Ce projet vise à instituer l'ingérence des autorités dans le fonctionnement interne des syndicats, exiger un seuil d'adhésion, instaurer de fait une discrimination dans l'affiliation à un syndicat. Ainsi, les travailleurs de l'agriculture, du secteur informel et les travailleurs étrangers ne seront pas autorisés à s'affilier à un syndicat. L'indépendance financière sera strictement limitée. Les subventions d'aide par des organisations étrangères qui incluraient le soutien de solidarité des syndicats internationaux seront interdites. Le projet de loi va institutionnaliser de facto le syndicat unique.

Par ailleurs, un décret du Conseil consultatif d'État de décembre 2016 vise  directement les syndicats indépendants. Elle a pour effet d'interdire leur enregistrement et de les assécher financièrement. La répression à l'égard des syndicalistes indépendants se généralise alors que les mouvements sociaux se multiplient depuis la dévaluation de la livre égyptienne fin 2016 et l'instauration des mesures d'austérité visant le secteur public. Des procès militaires ont été intentés contre des travailleurs civils, notamment à l'encontre de 26 employés de l'Alexandria Shipyard Company à Alexandrie détenus et condamnés en 2016 pour avoir refusé de travailler et incité à la grève.

Six syndicalistes représentants les travailleurs des transports publics ont été enlevés par la police et ont disparu. Six agents de l'autorité des transports ont été arrêtés parce que membres d'un syndicat indépendant. Les dirigeants du syndicat des travailleurs des autobus du Caire ont été incarcérés en 2016 et plusieurs ont été condamnés à une peine d'emprisonnement de deux ans pour « incitation à la grève ». En outre, des dizaines de militants ouvriers ont été arrêtés après que les forces de sécurité égyptiennes aient pris d'assaut la raffinerie IFFCO d'huiles et de savons de Suez pour briser une grève. Des dizaines de salariés ont été licenciés du fait de leur appartenance à un syndicat indépendant, notamment à la société Ceramica Cleopatra de Suez et chez Exxon Mobil.

Cette année, les mouvements de salariés sont encore plus durement réprimés : assaut des forces de sécurité à la Tura Cement Company et arrestation de 22 travailleurs actuellement toujours détenus. En septembre, les forces de sécurité et la police égyptiennes ont procédé à une vague d'arrestations violentes contre des syndicats indépendants pour des motifs « antiterroristes ». Une dizaine d'activistes sont emprisonnés et leurs avocats ont été empêchés de prendre connaissance des procès-verbaux et des accusations sous prétexte de l'état d'urgence. Nos partenaires syndicaux en Égypte nous alertent régulièrement et nous font part des dangers qu'ils courent. Nous sommes de plus en plus préoccupés par leur situation qui ne cesse de s'aggraver.

Monsieur le Président, le partenariat qui lie la France à l'Égypte ne peut se développer dans un contexte de violations des droits humains et syndicaux massives.

Un partenariat avec l'Égypte doit inclure à notre avis des contraintes de conformité au droit international et l'arrêt de la répression syndicale. La croissance économique ne peut être favorisée si les droits fondamentaux ne sont pas respectés et en l'absence de dialogue social.
Monsieur le Président, nous souhaitons que la France accorde à sa politique de coopération envers l'Égypte un cadre qui assure la protection des droits humains et syndicaux ainsi qu'un dialogue social effectif. Ce cadre doit également s'appliquer aux financements privés du développement avec des mesures garantissant l'application des instruments internationaux relatifs aux droits de l'Homme et des droits du travail.
Nous pensons que cela s'applique également à l'Union européenne alors que celle-ci a approuvé en juillet dernier des priorités de partenariat UE-Égypte pour la période 2017-2020 dans le cadre de son accord d'association.