Hôpital public : un démantèlement programmé ?
Samedi 14 septembre, à Nantes (Loire-Atlantique), près de 300 personnes se sont mobilisées pour dénoncer « le démantèlement du service public de santé ». Un appel... Lire la suite
L'affaire du « CHU leaks » continue de faire grand bruit. Au point d'engendrer l'union sacrée des plus respectables autorités du monde hospitalier et médical face à la publication, par le site d'information Mediacités, de 26 173 fiches d'incidents et de dysfonctionnements rédigées depuis septembre 2013 par le personnel de l'établissement toulousain. La direction, la fédération hospitalière de France, les conférences des doyens des facultés de médecine, des directeurs généraux de CHU et des présidents de commission médicale d'établissement dénoncent en effet l'acharnement dont seraient victimes le service public de la santé et le CHU de Toulouse.
Cette prise de conscience suffit-elle ? Quitte à dénoncer une quelconque forme d'acharnement, la direction du CHU ne devrait-elle pas s'attaquer aux causes de la dégradation du quotidien des personnels et des patients ? Exemple avec ces toilettes prodiguées en gériatrie : « Douze en 2 heures 45 », décrit une infirmière. « Il arrive aussi, au titre des procédures dégradées, qu'on nous demande de ne pas couvrir les parties intimes des patients pendant qu'on les lave, ajoute une autre. Pour limiter l'usage des draps et des serviettes, pour économiser sur les coûts de blanchisserie, pour gagner du temps… »
Le mal est profond. Le personnel est à bout. Il alerte sur l'aggravation constante de ses conditions de travail, sur la dégradation de la qualité des soins prodigués aux patients et sur les politiques hospitalières sans considération pour le service public de la santé. Le 12 avril, à la station Purpan qui fait face à l'hôpital des enfants, des infirmiers et des aides-soignants, des sages-femmes et des auxiliaires de puériculture ralentissent le tramway. Ce sont les grévistes des douze services du pôle I3LM (inflammation, infection, immunologie, locomoteur) à Pierre-Paul Riquet et de la maternité Paule-de-Viguier. « Depuis le début de l'année, dix parturientes ont souffert d'escarres, raconte une auxiliaire de puériculture qui souhaite conserver l'anonymat. Des parturientes ! C'est du jamais vu pour ce type de complication qui touche des personnes alitées et immobilisées de façon prolongée. On n'arrive même plus à réaliser des gestes préventifs simples comme veiller au bon positionnement du patient dans le lit ou le bouger régulièrement. » L'épuisement, physique et psychologique, revient également parmi les expressions les plus fréquentes : « On craque, de fatigue et de colère, ajoute-t-elle. Réorganisation de service, restriction de moyens et de personnel, mépris et maintenant des vacances que la direction voudrait nous imposer, nous empêchant de partir avec nos familles ! On ne peut plus tout accepter. »
Le pôle I3LM et la maternité viennent grossir la cohorte des nombreux services en souffrance au CHU de Toulouse. En pédopsychiatrie, en décembre, l'activité a cessé quinze jours durant. Le motif ? Le non-remplacement d'un arrêt maladie. Le « 801 », le service transports et prélèvements, détient quant à lui la palme de la longévité : la grève dure depuis le 16 octobre. « C'est partout pareil », résume Bruno Paredes, élu CGT au CHSCT et gréviste du « 801 ». La souffrance est générale, depuis les agents dans leur travail jusqu'aux usagers dans leur accès aux soins. « Les patients sont en danger, les personnels harcelés : ça ne passe plus du tout, martèle une infirmière du service « post-urgences » au pôle I3LM. Nous, on est en grève illimitée depuis trois mois pour dénoncer le sous-effectif des douze services du pôle et les solutions avancées par la direction pour y répondre : l'auto-remplacement, les assignations, la tentative d'imposer le changement de la période de congés annuels. Aujourd'hui on demande des embauches, l'arrêt des suppressions de postes sur l'autel de la rentabilité, le respect des accords d'établissement. »
Des témoignages qui s'ajoutent aux 26 173 autres révélés par le fameux « CHU leaks » : un dispositif d'alerte mis en place au sein de l'établissement toulousain. Les agents, persuadés qu'ils répondent alors à l'injonction d'amélioration de la qualité des soins et des prestations, de préservation de la sécurité et de la satisfaction des patients, font remonter tout ce qui ne va pas. Comment ne pas faire le lien entre ces signaux d'alerte, la situation de sous-effectif structurel et la dégradation de l'accueil et des soins ? La CGT du CHU le fait, jusqu'à dénoncer le sabotage organisé d'un hôpital public transformé en « hôpital entreprise ». Chiffres 2016 à l'appui, le syndicat de l'établissement livre son équation dans l'édition spéciale de son bulletin Le saviez-vous ? Sachant que Toulouse accueille chaque année 10 000 à 20 000 nouveaux habitants – et autant d'activités et de besoins sanitaires supplémentaires –, que peut provoquer la suppression de 148 équivalents temps plein (ETP) depuis 2014 ? Réponse : l'accroissement de la productivité, la dégradation des conditions de travail, des prises en charge et de la qualité des soins.
Le diagnostic est dressé, sans perspective d'amélioration compte tenu des choix opérés tant à la tête du CHU qu'à celle de l'État. Pour solder sa dette (14 millions d'euros) et satisfaire au remboursement des prêts, l'hôpital toulousain rend aux banques l'équivalent de 1 497 ETP. La direction souhaite opérer au plus vite, quitte à abaisser elle-même le montant des dépenses autorisées pour payer des personnels non médicaux : moins 3,4 millions d'euros sur l'exercice prévisionnel 2016, l'équivalent de 85 ETP hospitaliers. Quant à l'État, son gouvernement et ses services n'envisagent pas l'annulation de la dette. Pas plus qu'ils ne renoncent à la perception de la taxe sur les salaires (43,7 millions d'euros) et de la TVA (1,5 million d'euros) qui équivalent à 1 125 ETP. Ne restent donc que le bruit et la colère pour que s'exprime le grand corps malade de l'hôpital public… Gare !
– Santé, l'affaire de tous
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