Lehman Brothers : dix ans après, les leçons n’ont pas été tirées
Que reste-t-il de la crise démarrée en 2007 ?
Le shadow banking désigne les opérations financières opérées par des intermédiaires financiers hors du système bancaire traditionnel : banques d'affaires, hedge funds, fonds de titrisation, fonds monétaires, fonds de pension, d'assurance-vie, les fonds négociés en Bourse…Mais aussi, les entreprises de capital investissement, les sociétés de garantie de crédit, les trusts de gestion d'actifs (immobiliers par exemple), les sociétés d'affacturage (crédit inter-entreprises), opérateurs de crédit-conso ou de crédit-auto, et même de microcrédit, sites de crowdfunding (financement participatif), plateformes de monnaies virtuelles (bitcoins par exemple).
Cette crise a été provoquée d’un côté par l’avidité et l’aveuglement des marchés financiers et de l’autre, par le développement prodigieux du crédit et la titrisation [les subprimes, NDLR] inventée aux États-Unis. Dans les deux ou trois premières années de cette crise, il y a eu l’idée qu’il fallait remettre en cause la domination de la finance. Mais ce qu’on constate depuis, c’est qu’elle est toujours forte. C’est toujours elle qui domine les entreprises qui sont chargées d’augmenter la valeur des actions au bénéfice des actionnaires. L’exubérance financière s’est un peu ralentie, il y a certes un contrôle un peu plus sévère du crédit, des banques, mais on a aussi laissé se développer le shadow banking [voir l’encadré ci-dessous]. On a toujours des mouvements spéculatifs incontrôlés, toujours le trading à haute fréquence. On n’a pas tiré les leçons de la crise en se disant qu’un monde où la croissance est basée sur les revenus sociaux et salariaux, la consommation et les dépenses publiques serait plus stable qu’un monde où la croissance est basée sur l’endettement. Il n’y a pas de politique robuste, telle que la taxation des transactions financières, pour lutter contre la spéculation.
La reprise qu’on nous annonce est-elle une réalité ?
Il y a une reprise sensible en France et dans la zone euro, mais nous partons d’un niveau extrêmement faible. La France a perdu 10 % de PIB par rapport à la tendance d’avant la crise. Il y a un certain nombre de facteurs qui jouent favorablement : des taux d’intérêt extrêmement bas, un euro bas par rapport au dollar, des prix du pétrole relativement bas et le fait qu’on ait limité les politiques d’austérité. Mais les stigmates de la crise persistent : un taux de chômage élevé, un déficit public important. On n’est pas dans une croissance équilibrée. Les exigences du capitalisme financier sont incompatibles avec une croissance équilibrée. Si on augmente la rentabilité des entreprises, qu’on applique une politique d’austérité, on exerce une pression sur les salaires et les revenus sociaux, du coup on étouffe la consommation et on tue le moteur de la croissance.
Comment sortir de cette situation et soutenir une croissance plus saine qui nous exposerait moins à une nouvelle crise ?
Les solutions relèvent d’un choix politique. On a besoin d’investissements publics dans des programmes sociaux importants et structurants comme la construction et la rénovation de logements, la rénovation urbaine, la transition écologique. Mais on peut aussi faire un autre choix. Celui d’investir dans des secteurs innovants, dans les start-up qui représentent des masses faibles et répondent à des besoins inexistants au détriment de l’industrie. C’est l’inverse de la société sobre qu’il nous faut construire pour tenir compte des contraintes écologiques.