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RÉPRESSION SYNDICALE

« Une décadence accélérée du schéma du maintien de l’ordre »

1 décembre 2025 | Mise à jour le 1 décembre 2025
Par | Photo(s) : Thibaud Moritz / AFP
« Une décadence accélérée du schéma du maintien de l’ordre »

Les manifestations contre la construction d'une mégabassine à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) ont été durement réprimées par les forces de l'ordre. 29 mars 2023

Traduit en justice pour avoir organisé une manifestation interdite le 29 octobre 2022 contre le projet de mega-bassine à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), David Bodin, secrétaire général de l'Union Départementale de la CGT, se présentera devant la Cour d'appel de Poitiers, le 3 décembre 2025. L'occasion de revenir avec lui et Jean-Yves Melka, trésorier de l'Union locale de Melle (Deux-Sèvres) sur les violences policières de mars 2023 qui ont réprimé dans le sang les manifestants anti-bassines à Sainte-Soline.

Alors que les images et vidéos des violences policières ont été rendues publiques par Mediapart et Libération, dans quel état d'esprit affrontez-vous ce procès en appel ?

David Bodin : Sereinement. Je demande et compte bien obtenir ma relaxe parce qu'il n'y a pas d'éléments à charge permettant de me condamner. Les images, vidéos et sons qu'on nous refusait depuis 2023 et qui ont fuité dans la presse vont, je l'espère, peser et permettre de donner les suites judiciaires attendues de tous. Certes, la mobilisation de Sainte-Soline de 2023 avait été interdite par le préfet et ce, à l'appui de la loi Valls de 2012 (loi relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, ndlr) qui a ouvert la voie aux procès en « éco-terrorisme » et qui a abouti à la restriction des libertés publiques. On l'a faite quand même, grâce au soutien de la CGT, mais en renonçant à tout l'attirail habituel : pas de sono, pas de mégaphones, pas de fourgons estampillés CGT, juste avec des militants pacifistes de tous bords (Les soulèvements de la Terre, Bassines non Merci !, la Confédération paysanne, etc), qui marchaient vers un trou, à mains nues. On l'a faite parce que, depuis l'occupation nazi, la CGT ne peut pas se permettre d'être condamnée pour une manifestation interdite par un préfet.

Comment analysez-vous la violence inouïe qui a déferlé sur les manifestants en 2023 ? 

D.B. Il y a eu Sainte-Soline acte 1 en octobre 2022 où on avait pu atteindre la bassine en contournant les dispositifs de la gendarmerie pourtant déjà très violents. Lors de l'acte 2 en 2023, on a pu confirmer ce qu'on avait déjà pu observer six mois plus tôt, à savoir une décadence accélérée du schéma du maintien de l'ordre, soutenue et intensifiée par les médias qui diffusaient en boucle l'argument de l'éco-terrorisme et autres éléments de langage.

Jean-Yves Melka :  Lors de Sainte-Soline 2, on s'est clairement fait piéger. Les Forces de l'ordre avaient comme une volonté de revanche, de vengeance. Avec des contrôles incessants des personnes et des voitures, des hélicoptères assourdissants qui nous surplombaient pour nous empêcher d'atteindre la bassine. Ca a été un « Fort Alamo » avec un déchaînement de violences sans précédent qui a fait un mort et des dizaines de blessés graves, alors que nombre de manifestants, dont moi étaient venus accompagnés de leurs enfants. On a tous compris que pourvu de nous réprimer, les forces de l'ordre étaient prêtes à tout, y compris à tuer. C'était comme dans un jeu vidéo avec déchaînement de gendarmes assoiffés de sang, armés d'une artillerie disproportionnée comme le montrent les images et les vidéos publiées par Mediapart et Libération.

Quels enseignements tirez-vous de cette expérience, deux ans après les faits ? 

J-Y-M : Ces images, enfin rendues publiques,  et ce vécu à Sainte-Soline resteront gravées à vie dans les corps meurtris et dans les têtes. Cette volonté manifeste de faire mal en en tirant plaisir valide que ce qu'on défend est un combat juste et nécessaire contre un capitalisme agricole qui détruit les possibilités de vie sur terre. En tant que militant CGT, je m'interroge sur les modalités et les formes de militantisme possibles face à des forces de l'ordre qui, comme le montrent les images et les sons, ont clairement basculé du côté obscur de l'extrême droite. Cela fait peur, mais ça pose aussi cette question de savoir comment amener la société à réagir contre de tels abus de pouvoir. Car au fond, ce qu'on a défendu à Sainte-Soline, c'est le combat pour l'eau, un bien commun essentiel pour la vie. C'est une question d'intérêt général et pas un simple problème agricole au profit d'une catégorie minoritaire. Raison pour laquelle le syndicalisme se doit d'y participer. On ne peut plus se contenter de militer dans son entreprise avec son CSE mais travailler à des prises de conscience des enjeux de société majeurs. La CGT a toujours su le faire par le passé : durant l'occupation en s'engageant dans la résistance ; contre la colonisation ; pour la paix ou encore, et j'en suis fier, en militant contre le génocide des Palestiniens à Gaza.