Le renouveau de l'économie sociale et solidaire
Traditionnellement le mois de novembre est celui de l'économie sociale et solidaire. Alors que se déroule, cette année, la 11e édition du mois de l'ESS, il nous faut nous interroger sur où en est l'économie sociale et solidaire aujourd'hui. Il faut en premier lieu se défier des chiffres magiques fréquemment agités, les 8 à 10 % du PIB, les 12 % de l'emploi salarié privé. Ces chiffres recouvrent des situations trop différentes ; ils agrègent en effet SCOP TI et le Groupe Leclerc, la NEF et le Crédit Agricole ; la nouvelle Mutuelle communale de Montreuil et de grands groupes « complémentaire santé » qui ont pratiqué le dumping pour gagner des marchés dans le cadre de l'ANI ; l'AMAP de Ménilmontant et le groupe laitier Sodiaal. Toutes les familles de l'ESS sont confrontées aux politiques libérales.
Au sein de banques coopératives, des grandes mutuelles, des grandes structures associatives, certains dirigeants et militants aux convictions ESS sincères tiennent des discours mettant en avant leurs principes fondateurs : propriété collective, gestion démocratique, solidarité ; mais ils se retrouvent face à des cadres législatifs nationaux ou européens qu'ils n'ont pas su ou voulu affronter. De plus, la politique gouvernementale actuelle, essentiellement fondée sur le développement d'un très ambigu « entrepreneuriat social » favorise les dérives.
Résistance au libéralisme
Et pourtant, la présence même de ces élus et militants sincères, mais surtout l'émergence de nouvelles générations ESS, de nouvelles entités retrouvant les ressorts des pères fondateurs ou définissant de nouveaux types d'intervention doivent nous conduire à une appréciation plus optimiste. Au-delà des SCOP de lutte et de reprise, dont SCOP TI ou La Belle Aude (ex-Pilpa) sont des symboles, mais loin d'être isolés, on note chez de jeunes professionnels, de jeunes créateurs la volonté d'un « entreprendre autrement » et cela dans les secteurs les plus divers.
Il faut ainsi relever la part des structures ESS dans le développement des logiciels libres, dans le secteur environnemental. On voit réémerger des initiatives de coopératives de consommation. Les CAE, coopératives d'activités et d'emplois, les formes émergentes de résistance chez les victimes de l'économie de plateformes constituent des réponses « de rupture » à la dé-salarisation. Ce sont des associations qui assument le plus souvent au jour le jour les effets de la désertion de l'État ou des faiblesses des collectivités locales.
… et acteur de transformation sociale
Les sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC) qui associent des parties prenantes diverses autour d'un projet commun, avec entrée possible des collectivités publiques, assurent, ici et là, de nouvelles activités solidaires, culturelles, des projets de développement territorial. Elles portent aussi des projets écologiques, des expériences de redynamisations de services publics locaux. C'est sous cette forme juridique de SCIC que la Caisse centrale d'activité sociale (CCAS) d'EDF a choisi de transformer, leur Centre national de Santé devenu ces jours derniers « Coopérative de santé Richerand ».
L'objectif étant de l'ouvrir à tous et le rendre plus efficace au service des électriciens-gaziers. Une première en France. Par petites touches, ou par mouvements significatifs, une nouvelle ESS apparaît dont la croissance peut constituer un facteur important de résistance et d'alternative au libéralisme, un facteur de transformation sociale. De ce fait des convergences sont non seulement possibles et nécessaires, car riches en potentiels de changements.
Le mutualisme, le coopératisme, l'associationnisme dans leurs principes démocratiques et solidaires se sont constitués dans le même creuset que le syndicalisme. Fernand Pelloutier dans ses Bourses du travail voulait la réunion des coopératives et des mutuelles ouvrières, des associations d'éducation populaire et des syndicats. Il est important de retrouver de pareilles dynamiques au bénéfice des salariés et des populations confrontées aux prédations libérales.