11 août 2019 | Mise à jour le 11 juillet 2019
Au musée de l'Histoire vivante
de Montreuil,
la rétrospective « #Ouvrier·e·s
au musée » tente une plongée
dans l'histoire des travailleurs, d'hier à
aujourd'hui. Pour les commissaires, c'est une préfiguration
de ce que pourrait être le futur musée du mouvement
ouvrier souhaité
par la direction.
Le propos de l'exposition – présenter sous différents angles et par diverses approches ce que fut, est et sera l'histoire du monde ouvrier – est ambitieux. Quitte, si l'on n'y prend pas garde, à se perdre dans le dédale des salles du rez-de-chaussée de cette maison bourgeoise en plein cœur du parc Montreau à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Telle la section, qui présente, en plein milieu du parcours, l'histoire du lieu. On ne sait pas très bien ce qu'elle fait là, jusqu'à ce que l'on comprenne que le musée, qui fête son 80e anniversaire cette année, souhaite se transformer pour devenir le premier musée français de l'histoire du mouvement ouvrier.
C'est donc le fil qu'ont choisi de suivre les deux commissaires, en débutant le parcours par un questionnement sur le sens du mot « ouvrier » et ses déclinaisons, de prolétaire à travailleur, et la façon dont leur corps est représenté. Ainsi, ils courbent l'échine chez Émile Zola mais redressent la tête, torse nu et corps musclé, dans une affiche de la CGT de 1934, issue d'une collection privée. « Il n'y a pas un seul XIXe siècle, explique Éric Lafon. Il y a toujours une pluralité de discours, d'images, de sensibilités et de cultures, avec des approches très différentes. »
Une complexité que les deux commissaires restituent en abordant chaque thème d'un point de vue politique et social : des grandes figures du monde ouvrier que sont les métallos, les cheminots et les mineurs, à l'usine, en passant par les luttes, les réformes et les grands penseurs du mouvement ouvrier comme Jean Jaurès, dont on peut admirer le bureau et la bibliothèque.
L'exposition est aussi l'occasion, à l'heure de l'intelligence artificielle, des algorithmes et des premiers robots, de s'interroger sur l'avenir des ouvriers. Ou de questionner le regard qu'ont porté le cinéma ou la BD sur les ouvriers. C'est riche, foisonnant. Le visiteur passe sous une bannière des chapeliers de 1878, prêtée par la CGT. Il fait une pause devant des photos de mineurs marocains. Se retourne sur des affiches du PSU, des photos du port de Cotonou (Bénin) ou de l'occupation de l'usine Lip, en 1973.
On se prend alors à réfléchir, comme le faisaient à l'époque les travailleurs, à la condition ouvrière. Il y a là aussi une affiche de 1892 du député Christophe Thivrier, ouvrier et homme politique français, qui se rendait à l'Assemblée en blouse de travail. Anodin ? Pas tant que ça, puisque c'est pour lui une façon de dénoncer le manque de représentation des ouvriers dans l'institution parlementaire. Un débat d'actualité, comme en témoigne juste à côté une photo de Philippe Poutou, ouvrier à l'usine Ford de Blanquefort (Gironde), candidat à la présidentielle de 2017. On passe devant une affiche atypique de la fédération socialiste du Nord. Et, pour Éric Lafon, autant de fils à tirer pour les expositions qui se tiendront dans le futur musée. Pour peu qu'il puisse voir le jour.
« #Ouvrier·e·s au musée »Jusqu'au 29 décembre 2019 au
Musée de l'Histoire vivante, parc Montreau, 31, bd Théophile-Sueur à Montreuil.
Tél. : 01 48 54 32 44
Ouvert du mercredi au vendredi de 14 h à 17 h. Le samedi et le dimanche de 14 h à 17 h 30.