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INTERMITTENTS

Denis Gravouil : « Il faut un plan de relance publique triennal pour la culture »

14 mai 2020 | Mise à jour le 14 mai 2020
Par | Photo(s) : Stéphane de Sakutin/AFP
Denis Gravouil : « Il faut un plan de relance publique triennal pour la culture »

Il y a une semaine, Emmanuel Macron annonçait depuis l'Élysée ses mesures pour la culture. Que faut-il en retirer ? Quelles perspectives pour la culture, alors que les salles de spectacles restent fermées et que les festivals d'été ont été annulés les uns après les autres ? Décryptage avec le secrétaire général de la CGT Spectacle, Denis Gravouil.

C'était à quelques jours de ce déconfinement progressif. Mercredi 6 mai, Emmanuel Macron annonçait ses mesures pour « protéger les acteurs de la création culturelle » devant douze artistes conviés à une visioconférence par l'Élysée. « Sur la forme, c'est toujours la même façon de faire. On reçoit les premiers de cordée, mais pas les organisations représentatives, et encore moins celles qui ont bossé sur la question», déplore Denis Gravouil, secrétaire général de la CGT Spectacle (FNSAC-CGT).

Pour ses annonces, on aura vu un président de la République en bras de chemise, parler de Robinson Crusoé — la petite phrase sur le fromage et le jambon à aller chercher dans la cale du bâteau aura fait depuis le tour des réseaux sociaux… Mais qu'en est-il sur le fond ? Et comment lire les annonces gouvernementales, alors que les salles de spectacles restent fermées ? Et que cet été, les festivals ne se tiendront pas ?

Quelle « année blanche » pour les intermittents ?

L'annonce qui a le plus marqué les esprits, c'est une « année blanche » pour les intermittents du spectacle jusqu'à fin août 2021. « Une année blanche, ça peut être plein de choses différentes. On demande que jusqu'au 31 août 2021, on renouvèle les droits de tous ceux qui arrivent en fin de droit, même s'ils ne parviennent pas à avoir des droits. Là, ils nous disent qu'on va prolonger les droits jusqu'au 31 août 2021 », explique Denis Gravouil.

Des sujets mis sur la table par la FNSAC-CGT n'ont pas été abordés non plus. « Pour les nouveaux entrants et les femmes qui reviennent de congés maternité, la situation n'est pas réglée », poursuit-il. Les autrices et auteurs sont aussi fragilisés, n'ayant pas d'accès à l'assurance-chômage la plupart du temps.

Les Gafa doivent mettre la main au portefeuille

Si 50 millions d'euros ont été annoncés pour le Centre national de la musique (CNM), un plan global de relance de la culture pourrait s'élever à 3 milliards d'euros, selon les observateurs du secteur. Emmanuel Macron a annoncé une taxe sur les géants du numérique, notamment pour financer le cinéma. Face à des plateformes qui rechignent déjà à payer leurs impôts en France et, plus encore, à financer la culture, la bataille est loin d'être gagnée.

« On saura si on est entendu, selon comment tout ça va être traduit. S'il s'agit juste de faire une piqûre indolore sur les immenses bénéfices des Gafa [Google, Apple, Facebook, Amazon, ndlr], on n'aura pas avancé. La question, c'est la contribution aux politiques publiques et le partage des richesses, notamment en direction des artistes et des auteurs dont les œuvres sont exploitées sur Internet », pointe Denis Gravouil.

Une reprise, d'accord, mais laquelle ?

Beaucoup de professionnels du spectacle vivant (théâtre, danse, cirque, musique…) espèrent une reprise de la saison culturelle en septembre. Mais dans les faits, la reprise pose le problème de la santé au travail d'artistes qui auront bien du mal à faire avec les gestes barrière, les distances de sécurité, voire les masques. Quant à l'accueil du public, la question n'est pas réglée.

« Sur la reprise sanitaire, on est dans des injonctions contradictoires, comme pour tout avec ce gouvernement. On nous affirme : “Pas de festivals avant fin août, et puis, en même temps, on va pouvoir faire plein de manifestations.” Il y a un mépris de la création artistique par Macron, qui nous dit en gros : “Prenez votre guitare, et puis on va faire un petit spectacle sur le bord de la route.”», s'agace le responsable de la fédération du spectacle.

Une solution : un plan de relance publique

« La culture ne pourra survivre dans toute sa diversité que si on a une politique publique ! » poursuit-il. Le secteur repose en France sur un tissu TPE, des PME et d'associations, qu'il faut préserver face à des mastodontes. Bien au-delà de l'été, la CGT Spectacle plaide pour un véritable « plan triennal », qui permette de « sortir du saupoudrage, où l'on mise tout sur l'aide au projet ».

Il s'agit notamment de renforcer les structures existantes dans la durée (Centres dramatiques nationaux, Centres chorégraphiques nationaux…) et d'aider à la diffusion des spectacles. « Le nombre moyen de représentations d'un spectacle, c'est trois. On peut venir en aide pour faire tourner les spectacles, plutôt que de proposer aux artistes de remplacer les animateurs sociaux dans les quartiers », pointe le secrétaire général de la CGT Spectacle. Denis Gravouil « applaudi[t] ceux qui se sont mobilisés » mais « ne crient pas du tout victoire », loin de là, et appelle à « être extrêmement vigilant » dans les prochaines semaines et les prochains mois.