19 mai 2020 | Mise à jour le 19 mai 2020
La France et l'Allemagne ont proposé lundi 18 mai un plan de relance européen de 500 milliards d'euros pour l'économie. Mais en s'attaquant à la politique de la BCE, la Cour constitutionnelle allemande cherche avant tout à protéger les avoirs des petits épargnants allemands. Bien loin d'une solidarité entre pays de l'Union pourtant nécessaire.
La belle unité affichée, lundi 18 mai, par le couple franco-allemand proposant un plan de relance de 500 milliards d'euros pour l'économie européenne, plan qualifié d'historique puisqu'il ouvre les portes d'une mutualisation de la dette au niveau européen, suffira-t-elle pour redorer l'image d'une Europe et surtout d'une Banque centrale dont les politiques sont aujourd'hui remises en cause ? Rien n'est moins sûr.
Depuis le 5 mai, la BCE est, en effet, sommée par la Cour constitutionnelle allemande de s'expliquer sur ses rachats de dettes publiques, lesquels ne seraient pas faits de manière
« objective ». « Il y a la raison officielle et ce qui peut n'être qu'un prétexte », explique Victorien Pâté, conseiller au pôle économique de la CGT. « La première repose sur le fait que la BCE n'a pas de mandat démocratique puisque ses membres ne sont pas élus. La Cour constitutionnelle allemande considère donc que, de par ses actions, la BCE fait de la politique alors qu'elle n'a reçu aucun mandat pour cela. »
Une explication qui peut s'entendre d'un point de vue juridique, mais est vite balayée par le « prétexte » sous-jacent à cet ultimatum allemand. « Les Allemands consomment peu et épargnent énormément, notamment pour préparer le vieillissement de leur population. Les mesures de la Banque centrale européenne, qui visent à sauver, entre autres, les économies de la France, de l'Italie et de l'Espagne en faisant baisser les taux d'intérêt, bénéficient à ceux qui empruntent. À l'inverse, elles portent atteinte aux épargnants. Plus la BCE rachète d'actifs, plus elle émet d'euros et plus il y a d'euros en circulation, moins il vaut cher. Ce qui selon la Cour constitutionnelle allemande porte atteinte aux intérêts de l'État, des fonds de placement ou même des épargnants individuels allemands. » CQFD.
En pleine crise sanitaire
Reste que cette attaque tombe au plus mauvais des moments, en pleine crise du coronavirus. Certes, la Commission européenne et la Cour de justice européenne ont immédiatement répondu. Taclant sévèrement la Cour allemande et réaffirmant l'indépendance de la BCE. Mais le principe de « solidarité européenne », déjà fortement mis à mal lors de la gestion européenne de la crise du Covid-19, en prend un nouveau coup.
« Si l'on sort de la question économique pour aller sur celle de la construction européenne, c'est sûr que cela risque d'ouvrir des brèches pour des pays ouvertement eurosceptiques puisqu'il y a là l'idée que le droit allemand prime sur le droit européen », constate Victorien. « Et si cela devait faire jurisprudence pour la suite, c'est tout simplement le début de l'effondrement de l'Europe. »
Une menace que va devoir gérer la chancelière allemande Angela Merkel dont le pays va, au 1er juillet prochain, assurer la présidence du Conseil de l'Union européenne. « Cela va être une prise de pouvoir et un mandat assez particuliers. Avec des institutions internes qui montrent autant de défiance vis-à-vis de l'Union européenne, ils vont devoir marcher sur des œufs », prévient Victorien Pâté. La future présidence ne sera d'ailleurs pas la seule. « Il y a maintenant cette épée de Damoclès au-dessus de la tête Christine Lagarde et de la BCE. La Banque centrale pourrait se montrer frileuse et y réfléchir à deux fois avant d'annoncer de prochaines mesures. »