À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
CLIMAT

Raphaël Tillie : « Il n'y aura pas d'emplois sur une planète morte »

9 décembre 2025 | Mise à jour le 9 décembre 2025
Par | Photo(s) : Agência Senado © CC BY-SA 4.0
Raphaël Tillie : « Il n'y aura pas d'emplois sur une planète morte »

La COP 30, qui s'est tenue à Belém au Brésil en novembre, s'est conclue par un accord qui "échoue" à préserver le climat, selon la CGT.

Alors que les experts du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) se réunissaient à Saint-Denis (93) la semaine dernière, Raphaël Tillie, syndicaliste à la CGT dans l’Indre et représentant de la centrale lors de la COP 30, parle à la Vie Ouvrière des défis et perspective pour le monde du travail face au dérèglement climatique.

Quel bilan tirez-vous de la COP 30 en tant que participant ? 

L'accord final est décevant, forcément, au vu des enjeux du dérèglement climatique qui sont de plus en plus prégnants. Le problème, c'est qu'on se heurte en permanence à des intérêts de pays ou d'entreprises qui doivent trouver des compromis. C'est très long et le moindre grain de sable peut enrayer la machine. C'est dur d'avancer. En revanche, la prise en compte de la société civile, des associations, des syndicats, des ONG, progresse à chaque édition et ça, c'est une chose très positive. Dans les rapports du GIEC, la question de l'impact social est de plus en plus mise en avant, ce qui force les décideurs à ne pas l'ignorer. Ça évolue dans le bon sens. 

Les pays européens jouent-ils leur rôle dans cette prise en compte du paramètre social ? 

C'est plus compliqué. La France est dépendante dans le système des COP de décisions européennes. Il y a sans cesse un mauvais jeu où on est repoussés à une autre entité. Si on dit à la France « agissez sur tel dossier », ils répondent « oui, mais ça c’est décidé au niveau de l'Europe ». C'est pourquoi on a besoin, au niveau de la CGT notamment, et de toutes les organisations sociales en France, d’aller voir les autres échelles. Que ce soit au niveau de l’Europe, mais aussi mondial, à travers la Confédération Syndicale Internationale (CSI), qui est une des parties prenantes dans le groupe Tungo, Trade Union Non-Gouvernemental Organization, qui intervient à la COP. Depuis la COP 21, la CSI peut commencer à travailler sur les dossiers des mars-avril, ce qui permet de bien se préparer. Cette année, on a pu pour la première fois participer aux discussions préliminaires où la feuille de route des négociations est établie, c'est une étape décisive. 

En quoi les rapports du GIEC nourrissent votre action à la COP ? 

Le GIEC nous donne des éléments factuels, très concrets, sur la manière dont le dérèglement climatique va impacter les travailleurs. Les rapports permettent d’avoir un consensus international dans trois domaines distincts (trois groupes de travail sont dédiés respectivement à l'aspect scientifique, la vulnérabilité des systèmes socio-économiques et aux solutions envisageables, ndlr). Là, c’est la première fois à Saint-Denis que les trois groupes se sont réunis. Ils sont essentiels parce qu'ils ont des données, des statistiques. Alors bien sûr, ils vont proposer des scénarii différents suivant les efforts à faire. Mais aujourd’hui, ils sont en capacité de dire dans telle région du monde ou dans tel endroit, on va arriver à des seuils mortels. En outre, le calcul du GIEC devient de plus en plus précis. Le quadrillage qu’ils avaient au départ était très grand. Maintenant, on arrive à avoir des quadrillages qui sont extrêmement fins. On sait par exemple que la région Centre aura des zones humides et d'autres qui vont manquer d'eau. Ça donne un cadrage essentiel pour les discussions.

Quels types de métiers seront touchés par les changements ? 

Tous. On aurait tendance à penser aux emplois en extérieur car ceux-là sont dores et déjà touchés, notamment l'été. Mais ça va plus loin, car, si le réchauffement progresse, il faudra encore de l’énergie suffisante et en quantité pour climatiser les bureaux et les espaces de travail en intérieur. Sans compter les enjeux opérationnels. J’ai travaillé pendant dix ans en imprimerie et on savait qu’au-delà de 35 degrés, on ne pouvait plus gérer le mouillage à alcool. Une entreprise qui n’est pas bien conçue, qui a une mauvaise isolation, ou qui ne fonctionne pas dans un milieu sain et climatisé, sera forcément impactée. Les gouvernements en France, mais aussi dans d’autres pays européens, n’ont pas encore compris que la disponibilité de l'énergie va poser problème rapidement. Les coûts ne vont pas nécessairement exploser, mais entre les pays producteurs et les pays consommateurs, il va y avoir une scissure. Alors, qu’est-ce qu’on va donner aux industries pour fonctionner ? Ce qui est à défendre aujourd’hui, ce sont les compétences et le savoir-faire de chaque ouvrier. Comment faire pour qu’il ne perde pas son emploi tout en transformant le processus de production et le produit ? Pour préserver le travail et la planète en même temps ? C'est une réflexion à mener collectivement, parce qu'il n'y aura pas d'emplois sur une planète morte, c'est une certitude.

Comment faire pour dépasser les blocages des COP ?

Il faut que ça passe absolument par le tissu syndical et associatif pour mettre en corrélation le besoin des populations avec l'avenir. Parce qu’on parle de l’industrie, mais le problème des denrées alimentaires se pose également. Le dérèglement climatique crée des moments où, comme cette semaine, il fait dix degrés de trop par rapport à la normale, et la semaine prochaine, il va geler à nouveau, c'est très mauvais pour l'agriculture. Est-ce qu’on va devoir arrêter des grands pans de l’agroalimentaire ? Comment rémunérer les gens qui ne peuvent plus travailler pendant quelques temps ? Tous les acteurs sociaux et associatifs doivent apporter leur contribution à ces réflexions. Enfin, il faut réussir à maintenir un lien au niveau international avec les autres travailleurs. On ne peut plus dire « Comme je n’ai pas un salaire suffisant, je vais acheter à bas coût pour que l'ouvrier à tel endroit ne gagne que 100, 200, 500 euros par mois », ce n’est plus possible. Il faut penser aux intérêts de l'humain et du vivant. La planète n’est pas une addition de frontières et de pays. Le changement climatique concerne tous les humains et tous les travailleurs, pas seulement les gouvernements.

Communiqué de la CGT à l’issue de la COP 30.