Grève à la RATP : « On est à flux tendu »
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C'est un tableau Excel administratif tout ce qu'il y a de plus banal, en apparence. Mais à y regarder de plus près, au fil de sa vingtaine d'onglets, c'est, bien plus qu'un fichier, une mine de renseignements très détaillés sur tous les aspects de la vie au travail de chacun des quelque 1000 machinistes-receveurs (conducteurs de bus) du dépôt d'Ivry Quai de Seine.
Minutieusement documentée au fil d'une vingtaine d'onglets, cette base de données recense des informations d'une précision qui interroge sur la finalité de son usage par l'encadrement du centre d'Ivry-Quai-de-Seine : nombre de jours d'arrêt de travail pour maladie ou accident (responsable ou non), nombre de jours de participation à des grèves, nombre de jours de conduite, temps supplémentaire (en cas d'embouteillage) ou encore, nombre de jours de congé maternité, nombre de redressements disciplinaires, etc.
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À quoi s'ajoutent des commentaires et appréciations du directeur du centre qui en disent long sur l'exploitation que les cadres sont censés faire de ces données. Exemples en vrac : untel est « À surveiller sur le TS (temps supplémentaire »), un tel autre, sur des “motifs graves » ayant généré des rapports tels que « rentre son bus suite panne » ; « non-port du badge » ; « MR se plaint de la régulation » ; « conteste la régulation » ; « 3 minutes de retard sur un départ », etc.. Bref, autant de critères qui fleurent bon l'intention discriminatoire, voire l'entrave au déroulement de carrière des agents.
À l'instar du fichier découvert début mai au centre Bords de Marne de Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis), ce nouveau fichier transmis à la CGT par un ou des « lanceurs d'alerte » anonymes n'a fait l'objet d'aucune déclaration préalable à la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés), contrairement à l'obligation légale faite à l'encadrement d'informer les salariés des critères de leur fichage et de l'usage qui en est fait. De quoi singulariser, en l'aggravant, le caractère illicite et hors la loi dénoncé par la CGT qui envisage d'ailleurs de se pourvoir en justice contre la RATP. D'autant que ce fichier aurait servi, depuis au moins 2018, de document de base à la préparation des « commissions de classements », ces réunions annuelles où l'encadrement d'un centre décide des évolutions de carrière et donc de salaire des agents.
Début mai, lors de la découverte du fichage des agents du dépôt de Bords-de-Marne, à Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis), la direction de la RATP avait assuré à la CGT qu'il s'agissait là d'un cas exceptionnel, imputable au seul directeur du site — lequel a d'ailleurs été sanctionné pour ces agissements — et qu'aucun autre fichier de ce type n'existait au sein du département « Bus » de la RATP. Seulement voilà, la découverte de ce deuxième fichier d'Ivry en tous points similaire, en structure comme en usage, à celui de Neuilly-Plaisance confirme les analyses de la CGT qui dénonce depuis des années l'existence d'un système de déroulement de carrière discriminatoire, indexé sur l'arbitraire hiérarchique et fondé sur des critères illégaux.
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Contactée par la NVO, la direction de la RATP a répondu avoir pris connaissance de ce qu'elle qualifie « d'allégations de la CGT RATP 94 » (au sujet d'un fichier non conforme aux règles édictées en matière de traitement des données personnelles). Manière, sans doute, de se désolidariser de ses directeurs de centre et de déjouer le projet de la CGT 94 de démontrer l'existence d'un système discriminatoire généralisé au sein du département « bus » et non, comme l'affirme la RATP, de « cas exceptionnels » dus à l'arbitraire de directeurs locaux.
Pour couper court à ce deuxième scandale du fichage et du flicage des agents à des fins discriminatoires dans le déroulement de leur carrière, la RATP a annoncé le lancement d'un audit interne. Pas de quoi satisfaire la CGT qui, elle, se bat depuis des années pour la fin du protocole actuel de déroulement de carrière des machinistes-receveurs et la mise en place d'un système d'avancement juste, avec passage automatique à l'ancienneté tous les trois ans.
La direction de l'entreprise a pris connaissance des allégations portées par la CGT RATP 94 au sujet d'un fichier faisant état d'informations qui seraient non conformes aux règles édictées en matière de traitement des données personnelles, au centre bus d'Ivry Quai de Seine. La RATP tient à rappeler qu'elle se conforme aux nouvelles règles du RGPD, à travers un plan d'action global, engagé depuis plus de 3 ans. Le respect de ces règles fait partie du référentiel managérial de l'entreprise, et la RATP se montre particulièrement vigilante sur le sujet.
Les formations au bon respect des prescriptions de la loi informatique et libertés de 1978 puis du règlement RGPD sont d'ailleurs obligatoires pour tous les managers de l'entreprise. Compte tenu de ces nouveaux éléments sur des pratiques entrant en contradiction formelle avec les règles en vigueur au sein de l'entreprise, la RATP, dans un souci de transparence, a immédiatement pris la décision de lancer un audit interne. Toutes les expertises nécessaires, y compris externes le cas échéant, seront mobilisées pour vérifier le respect de ces règles.
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