Conférence sociale : tout ça pour ça !
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«Une porte s'ouvre », affirme Denis Meynent, représentant de la CGT au Comité économique social européen (CESE), organe consultatif rassemblant représentants des employeurs, des salariés, des agriculteurs et d'organisations de la société civile des vingt-sept États membres pour intervenir sur les propositions, les décisions de la Commission, du Conseil et du Parlement européens.
La porte : celle ouverte par Ursula von der Leyen au lendemain de son investiture à la présidence de la Commission européenne, lorsqu'elle annonçait, le 14 janvier 2020, le lancement d'une consultation sur « des salaires minimaux équitables dans l'Union européenne ». Les deux phases de cette consultation ont pris fin le 28 octobre dernier.
La CGT défend depuis longtemps l'idée d'un salaire minimum européen. Elle progresse, aujourd'hui en particulier, du fait des bas salaires en Europe et des conséquences de la crise. Mais « le patronat européen y est opposé par principe. Avec ceux pour qui le travail est toujours trop cher et ceux qui veulent absolument éviter toute mesure sociale adoptée au niveau européen, en particulier sur les salaires », précise le représentant syndical. Le patronat peut aussi compter sur l'appui à peine dissimulé de certains gouvernements.
« Certains États membres ont un modèle économique assis sur ce que l'on appelle le “Cheap Labor” [travail à bas coût, ndlr] et font tout pour combattre cette idée avec pour principal argument de prétendre qu'il n'y a pas de base juridique dans les traités sur le sujet. C'est le cas des pays d'Europe centrale et orientale, insérés dans des chaînes de production avec leurs voisins, notamment allemands. »
En outre, « dans certains États, les salaires minimaux sont fixés par la législation, c'est le cas pour vingt et un pays. Mais d'autres [Autriche, Chypre, Danemark, Finlande, Italie, Suède, ndlr] ont un autre système, tout aussi légitime, qui repose sur la négociation collective avec des organisations syndicales et les rapports de force », rappelle Denis Meynent. « Une partie du syndicalisme nordique, notamment suédois ou danois, pense que cette proposition va mettre en danger leurs relations professionnelles et diminuer l'autonomie du dialogue social. Or, ce n'est pas ce que dit la Commission. C'est aux forces sociales des États membres de décider par elles-mêmes. »
Comment définir le montant de ce minimum salarial ? Difficile d'y répondre alors que l'écart entre le plus haut minimum européen, 2 200 euros brut mensuels pour un emploi non qualifié au Luxembourg, et le plus bas, à 332 euros en Bulgarie, semble impossible à combler. « Dans ses considérants, qui n'ont pas de valeur contraignante, la Commission fait référence à un certain seuil, sans que cela soit réellement fixé. En revanche, dans le corps de la directive, il n'y a absolument rien », constate le représentant de la CGT qui, au sein de la Confédération européenne des syndicats, plaide pour un minimum équivalent à « 60 % du salaire médian et 50 % du salaire moyen de l'État membre en question ».
Sans pour autant faire « du fétichisme des chiffres » : « si l'on dispose de 60 % du salaire médian sans pouvoir vivre avec cela, cela ne sert à rien », la question à poser devant être celle de « la satisfaction des besoins fondamentaux des travailleurs ». Se posent aussi celles de la rémunération du travail et des qualifications et du partage de la répartition de la richesse créée.
Avec la pandémie de Covid-19, nul travailleur ou travailleuse n'est épargné sur le continent. Avec pour conséquences, à l'instar de ce qui se passe en France, des restructurations dont beaucoup étaient prévues de longue date, des fermetures d'usines et des licenciements, du chômage partiel ou total plus ou moins bien rémunéré, bref, une baisse plus que sensible du pouvoir d'achat pour beaucoup et un accroissement de la précarité et de la pauvreté dans tous les pays européens où, globalement, « le volume des heures travaillées a diminué de 17 % ».
« Cette question salariale n'est pas la seule, ce n'est que l'un des éléments de rééquilibrage », précise cependant Denis Meynent, qui entend replacer cette demande dans un contexte plus global mais aussi « plus pertinent ».
« Nous sommes face à des communautés de travail transnationales. Le défi pour nous est donc d'affronter des régulations qui demeurent à la fois nationales et qui, dans certains domaines, sont européennes. Il en résulte une asymétrie entre un marché unique, dont les principales régulations et réglementations sont adoptées au niveau européen, et des réalités sociales dans lesquelles les pouvoirs restent pour beaucoup au plan national. Le capital profite et joue de cette asymétrie. »
Déséquilibre contre lequel le syndicaliste propose « une politique territoriale qui travaille plus les solidarités que les mises en concurrence des territoires, au niveau européen ».
Autre enjeu sur lequel les syndicats doivent pousser leurs revendications : celui de la restauration des institutions de la négociation collective, détruites ou très réduites, notamment dans les États membres du sud de l'Europe, par les programmes d'austérité inflexibles de ces dernières années.
« On nous a longtemps expliqué par toute une série de justifications théoriques et politiques que le seul moyen de s'en sortir après la crise de 2007-2008, c'était d'ajuster le travail. Comment ? En détruisant les instruments de la négociation collective », évoque le représentant de la CGT au CESE. « Le discours de la Commission a aujourd'hui changé. Il y a dans la proposition de la directive un passage, même s'il est un peu vague, dans lequel il est écrit qu'il faudrait développer la négociation collective. On a là une possibilité d'aller plus loin. »
Quant à d'éventuels nouveaux plans d'austérité à venir, Denis Meynent remarque que « même des institutions internationales qui ne sont pas des repères de « gauchistes » disent que cela serait contre-productif ». D'autant que, côté finances, l'Europe a au moins transitoirement été contrainte de changer son fusil d'épaule. « Un certain président nous disait qu'il n'y avait pas d'argent magique. Manifestement, on en a trouvé et même beaucoup. » Ainsi, la règle d'or des 3 % de déficit budgétaire à ne pas dépasser a-t-elle dû être mise de côté dans cette période. Le syndicaliste constate donc que le verrou du dogme monétariste se desserre. « Est-ce que l'on n'est pas en train de changer la politique monétaire en Europe ? À court terme, c'est une évidence. À moyen et long terme, il est trop tôt pour le dire », et ce sera probablement une réelle bataille.
« Le néolibéralisme dur que l'on a connu sous les deux Commissions Barroso est un peu derrière nous. Le projet reste néolibéral cependant. Mais les états membres ne peuvent se permettre d'ignorer les questions sociales », anticipe Denis Meynent. « L'espace européen ne peut se permettre un chômage de masse avec les questions de cohésion sociale et politique qui pourraient alors se poser ».
La porte est donc ouverte. Il serait dommage de ne pas l'ouvrir en grand. « Il faut mettre en avant nos revendications et être à l'offensive. Au niveau national et européen », exhorte le délégué CGT auprès du CESE.
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