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JUSTICE

Ikea France jugé pour avoir mis en place un « système d'espionnage » de ses salariés

22 mars 2021 | Mise à jour le 22 mars 2021
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Le procès de la filiale française d'Ikea, accusée d'avoir mis en place un système de surveillance illégal de salariés dont des syndicalistes, s'est ouvert lundi devant le tribunal correctionnel de Versailles.

Dans cette affaire dite d'espionnage, la filiale du géant de l'ameublement suédois, poursuivie comme personne morale et représentée légalement par sa directrice générale Karine Havas, encourt jusqu'à 3,75 millions euros d'amende.

Quinze personnes physiques sont également jugées dont des directeurs de magasins, des fonctionnaires de police, mais aussi des anciens dirigeants, tels que l'ancien PDG Stefan Vanoverbeke (2010-2015) et son prédécesseur Jean-Louis Baillot, tous deux présents au tribunal.

« On est là aujourd'hui pour démontrer qu'il y a ce type de manœuvres dans les entreprises qui fliquent les organisations syndicales et surtout les salariés », a lancé avant l'audience Amar Lagha, secrétaire général CGT commerce et services.

Révélée par Le Canard Enchaîné et Mediapart en 2012, l'affaire instruite après la plainte d'un syndicat, avait ébranlé Ikea France, alors contrainte de licencier quatre de ses hauts responsables.

L'instruction a ainsi dévoilé, selon les termes du parquet de Versailles, un « système d'espionnage » d'employés, mais aussi de candidats à l'embauche s'étendant sur l'ensemble du pays, d'Avignon à Reims en passant par l'Île-de-France.

Selon l'accusation, plusieurs centaines de personnes, dont des syndicalistes, ont ainsi été passées au crible, leurs antécédents judiciaires ou leur train de vie scrupuleusement examinés. 74 parties civiles se sont constituées avant le procès, rejointes par d'autres, lundi.

Enquête critiquée

Mais pour certains avocats de la défense, l'enquête contient de nombreuses faiblesses. Trois d'entre eux ont plaidé lundi en préambule la nullité des éléments de la procédure concernant leurs clients : Dariusz Rychert, ancien directeur financier, Claire Héry, ex-directrice des ressources humaines et Jean-Pierre Fourès, patron d'une société d'investigations privée.

Tous trois ont regretté l'absence, dans l'ordonnance du juge d'instruction, « de dates » et « de lieux » pour les faits reprochés à leurs clients.

« A la première lecture », l'ordonnance de renvoi peut « peut-être poser question », a reconnu la procureure Paméla Tabardel, mais « il ne faudrait pas confondre imprécisions et complexité », a-t-elle ajouté en demandant au tribunal de rejeter leurs demandes. « Vous avez affaire à un dossier complexe, hors normes ».

Le tribunal a suivi l'avis du ministère public en annonçant que les débats se poursuivraient lundi après-midi.

Dans ce procès qui doit durer jusqu'au 2 avril, les prévenus auront notamment à répondre des chefs de collecte et divulgation illicite d'informations personnelles, violation du secret professionnel ou encore de recel de ces délits, ce qui expose certains d'entre eux à une peine maximale de dix ans d'emprisonnement.

Si les prévenus comparaissent pour des faits couvrant la période 2009-2012, les pratiques d'Ikea remontaient, selon l'accusation, au début des années 2000.

Listes de personnes à tester

Au cœur de ce « système », Jean-François Paris, ex-directeur de la gestion des risques d'Ikea France, présent à l'audience lundi.

D'après l'instruction, M. Paris envoyait des listes de personnes « à tester » à des sociétés d'investigations privées auxquelles la filiale allouait un budget de 30 000 à 600 000 euros par an.

Ces listes, que l'ex-responsable assure avoir reçues de directeurs de magasins, étaient notamment adressées à Jean-Pierre Fourès, dirigeant de la société en « conseil des affaires » Eirpace, également présent.

Jean-Pierre Fourès est notamment accusé d'avoir eu recours, par l'entremise de policiers, au STIC (système de traitement des infractions constatées), un fichier de police informatisé, leur permettant d'accéder à des données confidentielles.

Les quatre fonctionnaires de police impliqués ont tous assuré lors de l'enquête n'avoir reçu aucune contrepartie financière. L'avocat de l'un d'entre eux, Me Hervé Lehman, a évoqué auprès de l'AFP une simple « imprudence ».

Devant les enquêteurs, M. Paris s'est défendu d'avoir « fliqué » les personnels de l'entreprise, en assurant avoir suivi une consigne généralisée de Jean-Louis Baillot, des affirmations que l'ancien directeur conteste.

Balayant les accusations « d'espionnage », le conseil d'Ikea France, Me Emmanuel Daoud, a plutôt évoqué « des faiblesses organisationnelles » de l'entreprise.

En amont de l'audience, il a tenu à souligner auprès de l'AFP la mise en place d'un « plan d'action » adopté par l'entreprise après la révélation des faits en 2012, comprenant notamment « une refonte totale du processus de recrutement à l'ouverture de nouveaux magasins ».