Hôpital public : un démantèlement programmé ?
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« Déjà, en 2019, les internes en France travaillaient en moyenne 58,4 heures par semaine. Et cela ne s'est pas amélioré », notamment avec la crise du Covid-19, alerte Gaétan Casanova, président de l'Intersyndicale nationale des internes (Isni), selon qui ils sont « dans un sale état ».
« On se met en danger sur le plan physique, psychologique », martèle l'interne en anesthésie réanimation, enquêtes à l'appui.
Une étude de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) concluait en mai que le fait de travailler 55 heures ou plus par semaine était associé à une hausse estimée de 35 % du risque d'AVC et de 17 % du risque de mourir d'une cardiopathie ischémique.
Une autre, réalisée en 2017 à l'initiative de l'Isni, indiquait que 23,7 % des internes avaient déjà eu des idées suicidaires, 28 % avaient souffert de troubles dépressifs, 66 % de troubles anxieux.
« Et c'est également dangereux pour le patient », ajoute Gaétan Casanova. « Quand, en fin de garde, on a du mal à faire une phrase sujet/verbe/complément, j'aimerais bien qu'on m'explique comment on peut prendre en charge un patient de façon optimale ».
L'internat, troisième cycle des études de médecine, débute sept ans après le bac et dure de trois à six ans selon les spécialités. La France compte un peu plus de 30 000 internes travaillant au sein de ses hôpitaux.
Après deux rencontres au ministère de la Santé, infructueuses selon l'intersyndicale même si Olivier Véran s'est engagé à « améliorer leurs conditions de travail », un appel à la grève a été lancé pour vendredi et samedi. Il pourrait être suivi, même si des mesures d'assignation ou de réquisition ne sont pas exclues.
En outre, une manifestation est prévue à Paris samedi après-midi pour réclamer « le décompte horaire du temps de travail », premier pas vers des semaines de 48 heures de travail conformes au droit européen.
« Les réglementations existent, elles sont connues, mais elles ne sont pas systématiquement appliquées à l'hôpital et qui plus est chez les internes », explique François Jaulin, qui vient de terminer son internat en anesthésie-réanimation et demande une réflexion approfondie sur la formation des futures générations. « Il existe toute une panoplie de possibilités, complètement inconnus en médecine, du fait de l'entre-soi ».
Aux semaines à rallonge s'ajoute « la peur de faire des erreurs », note-t-il. Et « ce n'est pas la seule forme de violence » auxquels peuvent être soumis les jeunes internes, relèvent Amélie Jouault et Sara Eudeline, généralistes, citant des violences psychologiques, physiques voire sexuelles.
Pour leurs thèses de doctorat, soutenues en octobre dernier, les deux jeunes médecins ont enquêté sur les violences subies par les étudiants en médecine générale. Le résultat est sans appel : 93,6 % des internes ayant répondu au questionnaire (soit 2 179 internes, 20 % des effectifs) « ont déclaré avoir subi des violences psychologiques de façon occasionnelle ou répétée au cours des études », 53,5 % des violences de nature sexuelle et sexiste, 49,6 % des violences physiques.
« Tu vois la fenêtre ? Tu l'ouvres et tu sautes » après une mauvaise réponse ; « Tu vas tenir les écarteurs, t'as l'habitude de les écarter » ; lancers de compresses tachées de sang ou coups de pinces… Les faits et propos recueillis sont accablants.
Des actes « en majorité commis par des supérieurs hiérarchiques » et que les étudiants ne signalent pas. Pourtant, un peu plus de quatre victimes sur dix jugent que cela a des conséquences sur leur santé physique et mentale, et 36,1 % sur leur professionnalisme.
« Les violences diminuent les capacités de mémorisation, de concentration, bloquent la réflexion », souligne Amélie Jouault. « Cette situation a donc également des répercussions sur la prise en charge des patients », fait valoir sa consœur.
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