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École

Rentrée scolaire : quid des décrocheurs ?

13 septembre 2021 | Mise à jour le 13 septembre 2021
Par | Photo(s) : Lionel Urman / ABACA
Rentrée scolaire : quid des décrocheurs ?

Rentrée scolaire. Golf-Juan, Côte d'Azur, France le 26 avril 2021.

L'Éducation nationale aborde sa deuxième rentrée à l'ombre de la crise sanitaire. Parmi les enjeux, comment ramener vers l'apprentissage les élèves qui ont décroché au cours de dix-huit mois chaotiques ?

Bis repetita ? Cette année encore, l'Éducation nationale aborde la rentrée lestée d'incertitudes. Parmi les préoccupations, le sort des élèves dont le lien à l'école s'est distendu sous l'effet des mesures anti-Covid, parfois même jusqu'à rompre. Les absences dues aux malades du virus et aux « cas contacts », les cours en demi-jauge ou en alternance (en ligne et sur place), ainsi qu'un climat général peu propice, ont pénalisé l'année.

« Entendre parler de la mort, s'interroger sur le fait de savoir si l'on est vecteur de contagion ou non, voir les personnes se masquer, renoncer à tout ou partie de ses activités sportives ou associatives, de ses relations… Tout cela a fragilisé psycho­logiquement les enfants et les adolescents, et a eu des conséquences sur leurs apprentissages », confirme Philippe Meirieu, chercheur spécialiste des sciences de l'éducation et auteur de Ce que l'école peut encore pour la démocratie (Éditions Autrement, 2020).

Des retards difficiles à chiffrer

Si l'on ignore la part exacte du « décrochage », on évalue « entre un quart et un tiers des élèves de primaire et de collège aurait accumulé un retard qui pourrait compromettre leur scolarité future », explique-t-il. Coprésidente de la FCPE, Carla Dugault témoigne « d'anxiété, de dégâts sur la motivation et la confiance en l'avenir » qui gagnent les enfants et inquiètent les familles. Les enfants déjà fragilisés sur le plan scolaire ou social payent le plus lourd tribut.

« Les CAP comptent beaucoup d'élèves primo-arrivants, issus de Segpa [sections d'enseignement général et professionnel adapté, ndlr] ou d'Ulis [unités localisées d'inclusion scolaires], touchés de plein fouet par la fracture numérique, illustre Philippe Dauriac, prof de lettres-histoire et secrétaire national à l'enseignement professionnel pour la CGT Éduc'action. En bac pro, il est arrivé que seuls trois ou quatre élèves répondent à mes demandes de travaux. » L'année n'a pas permis de leur offrir le cadre stable, le rythme régulier et la proximité qui font d'ordinaire rempart au décrochage. « C'est le face-à-face pédagogique qui permet que le lien se tisse », soutient-il.

Alerte sur des moyens durables

Comment empêcher que ces effets perdurent ? Tous les interlocuteurs alertent sur le besoin de moyens supplémentaires et pérennes. À la rentrée 2020, le ministère avait annoncé 1,5 million d'heures supplémentaires pour renforcer le soutien scolaire, mais la mesure n'a pas eu les effets escomptés.

« Beaucoup d'heures n'ont pas été consommées car impossibles à caler dans les emplois du temps, déplore Philippe Dauriac. La réponse aurait dû être des classes dédoublées et des recrutements. » Et ce pour assurer un suivi personnalisé. « Créer des petits groupes permet aux élèves d'être dans les meilleures conditions possibles, complète Carla Dugault. Les enseignants peuvent plus facilement adapter les programmes par rapport à ce qui est acquis. »

Quitte à « lisser les apprentissages sur ­plusieurs années », recommande Philippe Meirieu, afin « d'éviter le stress et d'avancer sereinement ». Le chercheur exhorte aussi à ne pas concentrer les efforts sur les fondamentaux au détriment d'autres matières. « Si l'on veut que les élèves reprennent confiance et se remettent au travail avec plaisir, il ne faudra pas négliger l'éducation physique, l'éducation artistique, les “ateliers philo” et les formes de travail qui donnent du sens aux apprentissages : la pédagogie de projet, la pédagogie coopérative, la classe dehors, etc. », encourage-t-il.

Des enseignants fragilisés

Reste à savoir si l'Éducation nationale prend le chemin de cette école plus attentive à tous. « Je ne vois pas les conditions réunies pour remettre tout le monde d'équerre, s'inquiète Sandra Gaudillière, professeure documentaliste et militante CGT Éduc'action. Les moyens financiers baissent, on n'a pas le nombre d'heures nécessaire pour dédoubler. On va repartir avec des classes entre 28 et 30 élèves, y compris en 6e. »

Un pessimisme partagé par Philippe ­Meirieu. « Je crains que les enseignants n'en aient pas les moyens. En raison des effectifs, des programmes très lourds qui les culpabilisent s'ils ne vont pas assez vite, mais aussi parce que la formation continue nécessaire pour programmer, mettre en œuvre et accompagner des suivis personnalisés est sinistrée. » Dernière inquiétude, et non des moindres, les profs sortent eux-mêmes fragilisés de la période. « Ils se sentent méprisés par un ministère qui ne les consulte guère et leur impose des directives caporalisantes, prévient Philippe Meirieu. Cela contribue à leur casser le moral et à les démobiliser ».

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