25 novembre 2021 | Mise à jour le 1 décembre 2021
Après un an de manifestations, et quelque 700 morts, les agriculteurs indiens ont eu gain de cause. Le Premier ministre, Narendra Modi, annonçant, vendredi 19 novembre, l'abrogation des lois ouvrant les portes de ce secteur aux grandes entreprises de l'agrobusiness.
« Tout le monde a été surpris », reconnaît Gautam Mody, secrétaire général de la NTUI, syndicat indien avec lequel la CGT entretient des relations. Et pour cause. Alors que syndicats et agriculteurs se préparaient à célébrer, le 27 novembre, le premier anniversaire d'un mouvement rassemblant des centaines de milliers, voire des millions de paysans opposés à des lois visant à faire passer ce secteur jusque-là protégé, et employant près de 60 % de la population active, sous la coupe des grandes entreprises indiennes et des multinationales de l'agrobusiness, l'annonce de l'abrogation de ces lois, vendredi 19 novembre au matin, par le Premier ministre, Narendra Modi, a été un coup de tonnerre.
« C'est absolument fantastique ! », se réjouit le responsable syndical indien. « Ce gouvernement autocratique et antidémocratique qui avait juré de ne rien céder a finalement plié devant ceux qu'il désignait hier encore comme des éléments “antinationaux” , des professionnels des manifestations payés pour cela. » Une volte-face aussi soudaine qu'inattendue, donc, et une première pour le gouvernement de Modi, pourtant habituellement toujours prêt à vanter les bienfaits de la privatisation.
Un mouvement très populaire
« Ce gouvernement a mésestimé l'élan de solidarité autour de ce mouvement et, surtout, du fait qu'il refuse d'écouter ces gens. Il commence à comprendre que son arrogance l'a rendu impopulaire », avance Gautam. Pas vraiment une bonne nouvelle alors que ce profilent, au premier trimestre 2022, des élections législatives dans plusieurs États indiens, dont l'Uttar Pradesh, fief du BJP, le Parti du peuple indien et organe du Premier ministre. « La population est en train de prendre conscience de toutes les contre-vérités émises par ce gouvernement. Malgré ses efforts pour nous faire croire que, si l'économie va mal, c'est à cause de la Covid, nous étions déjà dans une situation catastrophique avant, la pandémie n'a fait qu'empirer les choses. »
Un réveil des consciences que le syndicaliste entend bien mettre à profit. « Les agriculteurs nous ont montré la voie et la bataille ne fait que commencer », affirme Gautam, rappelant au passage que cette voie peut être « longue et dangereuse ». Les attaques, les violences, dont ont été victimes les agriculteurs, le décès de quelque 700 d'entre eux « morts de froid ou de coup de chaleur, de fatigue », en témoignent. « Nous devons maintenant, certes, nous battre pour défendre les droits des travailleurs et recouvrer ceux qui nous été systématiquement retirés pendant la pandémie, mais aussi défendre notre démocratie, car c'est ce qui est au cœur de tout cela. On ne peut pas en effet avoir de représentations syndicales démocratiques en l'absence de démocratie. »
Une victoire et un message aux parlementaires
L'abrogation de ces lois anti-agriculteurs marque donc une étape plus que significative. « Cette victoire des agriculteurs envoie un message très clair aux parlementaires de tous bords et à la classe politique dans son ensemble : même si votre groupe dispose de la majorité parlementaire à l'Assemblée, vous ne pouvez pas gouverner sans le soutien de la population », prévient le représentant de la NTUI, qui veut ainsi éviter à la démocratie indienne de « tomber dans l'autoritarisme, la bigoterie, la xénophobie qui ne cherchent qu'a diviser ».