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Réforme des retraites

À l'incinérateur d'Ivry-sur-Seine, éboueurs, égoutiers et techniciens poursuivent la grève

14 mars 2023 | Mise à jour le 15 mars 2023
Par | Photo(s) : Pauline Porro
À l'incinérateur d'Ivry-sur-Seine, éboueurs, égoutiers et techniciens poursuivent la grève

Depuis plus d’une semaine, les éboueurs et égoutiers de la ville de Paris bloquent l’accès au centre de valorisation énergétique d’Ivry-sur-Seine. Les salariés de l’incinérateur eux, sont en grève reconductible depuis mardi pour faire échec à la réforme des retraites. Reportage.

 

Une fois à l’intérieur de l’usine d’incinération d’Ivry-sur-Seine, une odeur âpre prend à la gorge. « Nous on ne s’en rend même plus compte, explique Yvon N’Goma, 31 ans, technicien dans l’usine depuis cinq ans. C’est un exemple de nuisance parmi beaucoup d’autres avec lesquelles on compose au quotidien. » La liste des nuisances auxquelles sont confrontés les 104 salariés du site donne le vertige : chaleur, émanations de fumées et de gaz (dont de l’hydrogène sulfuré hautement toxique), rejet de poussières et de micro-particules de résidus d’incinération (le mâchefer)…  « On sait qu’on sera vite usé, abonde Romain Le Saint, 37 ans, technicien de maintenance depuis 12 ans sur le site. On travaille dans un milieu insalubre, au milieu des polluants. Les poussières que l’usine recrache sont remplies de mercure et nous on respire ça tous les jours… Mais le plus pénible, c’est le bruit. » Mais ce mardi 14 mars, l’usine est silencieuse. Les chaudières sont à l’arrêt depuis sept jours, début de la grève reconductible votée par les salariés de l’usine pour réclamer l’abandon de la réforme des retraites. La quasi-intégralité des salariés du site est en grève, à l’exception de la direction, d’une partie des ingénieurs et des jeunes recrues, pas encore titularisées. Hier, les salariés de l’usine ont tenu leur assemblée générale : la grève se poursuivra jusqu’à jeudi inclus, au moins.

Le centre de valorisation énergétique d’Ivry-sur-Seine, exploité depuis 2011 par Suez et propriété de la ville de Paris, est le plus grand incinérateur d’Europe. Il traite et valorise les déchets d’Île-de-France en créant de la vapeur alimentant les réseaux de chaleur de la Compagnie Parisienne de Chauffage Urbaine (CPCU) et de l’électricité utilisée pour le fonctionnement du centre dont le surplus est vendu à EDF. Les salariés ont donc le statut d’électricien-gazier. Aujourd’hui, l’âge légal de départ d’un salarié du centre non soumis à la pénibilité est de 62 ans. Ceux qui bénéficient de la reconnaissance de la pénibilité et de l’insalubrité peuvent partir à 57 ans. La réforme décalera de deux ans cet âge de départ. « Avec l’allongement de l’âge de retraite et l’attaque contre les statuts, les salariés sont fortement mobilisés, déroule Julien Lambert, secrétaire fédéral chargé de la politique énergétique et industrielle pour la fédération des mines CGT et ancien salarié du site. Avec la disparition des régimes spéciaux, la profession sera encore moins attractive dès lors que la pénibilité ne sera plus prise en compte.

«On va crever au boulot »

Depuis le 6 mars, des éboueurs et égoutiers grévistes de la ville de Paris occupent l’incinérateur et se relaient pour bloquer également ceux de Saint-Ouen et d’Issy-les-Moulineaux. Les six garages de la ville où stationnent les bennes à ordures sont également bloqués, les chauffeurs étant nombreux à participer à la grève. Depuis plus d’une semaine, plus aucun camion n’a accès aux incinérateurs d’Île-de-France, et une partie des ordures collectées sont envoyées dans un site d’enfouissement à Claye-Souilly ou plus loin encore. Dans les arrondissements où le ramassage des ordures est effectué par les agents de la ville de Paris ( XXe, XIVe, Ve, VIe, XIIe et IIe ), les tas de poubelles s’accumulent. « Sur les 8000 agents égoutiers ou éboueurs de la ville de Paris, 20 à 30% sont en grève, estime Régis Vieceli, secrétaire général du syndicat CGT nettoiement (FTDNEEA) et éboueur à la ville de Paris. La maire de Paris soutient la grève et est opposée à la réforme des retraites. Mais cette nuit, elle a fait déblayer les ordures par des sociétés privées… »

Pour l’instant, pas d’interventions des forces de l’ordre à l’horizon mais il est hors de question pour les grévistes de lâcher l’occupation. Ce mardi, ils sont une soixantaine derrière la grille malgré la pluie intermittente, déterminés. Certains dorment ici depuis lundi. Ainsi de Yoann Lefevre, 44 ans et éboueur à la ville de Paris : « On est fatigué mais il faut poursuivre le mouvement et tout faire pour ne pas se faire déloger. » Pour lui, la reconduction de la grève s’impose comme une évidence : « Je souffre d’hernie discale, j’ai eu plusieurs opérations du genou… Dans nos professions, à un moment donné le corps dit stop, on en peut plus. Ce n’est tout simplement pas possible de travailler deux ans de plus. » Même analyse du côté de Frédéric Aubisse, 53 ans, égoutier à la ville de Paris depuis 1999 : « On a une espérance de vie de 17 ans inférieure à celle d’un cadre et pour les éboueurs, c’est 12 ans de moins. Pour nous ce n’est pas possible de rempiler deux années de plus. Sinon on va crever au boulot. » Des étudiants de l’université Paris-Cité, ont fait le déplacement pour soutenir le mouvement et faire le lien avec les étudiants mobilisés contre la réforme des retraites. Á 11h, les grévistes décident de reconduire la grève et le blocage jusqu’à lundi inclus. Demain se tiendra une nouvelle journée de mobilisation à l’appel de l’intersyndicale. La commission mixte paritaire se réunit ce mercredi également pour tenter de trouver un accord sur le texte. À l’Assemblée, où doit revenir le texte ensuite, l’issue des débats est encore incertaine. Cette semaine sera décisive.