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Opération coup de poing au Auchan de La Défense : « Tenir jusqu'à 64 ans, pour les caissières, c'est impossible ! »

19 avril 2023 | Mise à jour le 27 avril 2023
Par | Photo(s) : Daniel Maunoury
Opération coup de poing au Auchan de La Défense : « Tenir jusqu'à 64 ans, pour les caissières, c'est impossible ! »

Ce mercredi 14 avril, environ 300 manifestants ont envahi l’hypermarché Auchan du centre commercial Westfield Les 4 Temps à La Défense (Hauts-de-Seine) à l’initiative de la Fédération CGT des personnels du Commerce, de la Distribution et des Services. Le but ? Donner de la visibilité aux luttes en cours dans le secteur et exiger le retrait de la loi sur les retraites.

10h43, les allées de l’hypermarché Auchan, à La Défense, du côté des fruits et légumes et des promotions. Des petits groupes de clients se forment, discutent, se cherchent du regard. Une certaine fébrilité flotte dans l’air. La sécurité, qui a flairé l'embrouille, s’agite. Quelques secondes plus tard, un coup de sifflet et le magasin s'embrase. Les militants enfilent leur gilet rouge, sortent les drapeaux et les sifflets, chantent à tue-tête. L’ambiance est digne d’un stade de foot. Débordée, la sécurité laisse faire. Les manifestants se dirigent alors vers les caisses, y installent la sono et improvise un joyeux dance-floor. Auchan baisse le rideau. L’opération est réussie.

Le lieu n’a pas été choisi au hasard. « La Défense est l’une des vitrines du capitalisme, explique Amar Lagha, secrétaire général de la Fédération CGT des personnels du Commerce, de la Distribution et des Services, à l’initiative de l’opération. C’est l’un des plus grands Auchan d’Île-de-France, et l’un des plus rentables. » En contraignant l’enseigne à fermer, les manifestants entendent frapper le groupe au portefeuille. Selon la CGT, le manque à gagner, pour Auchan, est « supérieur à un million d’euros. » Quant au choix de l’enseigne : « Le groupe Auchan réalise des milliards de bénéfices et, pendant ce temps, il refuse d’augmenter les salaires ! », abonde le secrétaire général.

« La réforme des retraites ? On est les premiers concernés ! »

Les salariés du magasin poursuivent, amusés, la mise en rayon. Mais ils n’en pensent pas moins. « S’ils le pouvaient, mes collègues feraient grève », assure Martine*, en rangeant des briques de jus de fruit. « La réforme des retraites ? On est les premiers concernés ! Ici, vous ne verrez aucun salarié de plus de 60 ans. À cet âge-là, les collègues sont en invalidité ou déjà décédés. Tenir jusqu’à 64 ans, pour les caissières, c’est impossible. » 

Chez Auchan, une nouvelle organisation du travail, mise en place le mois dernier dans tous les magasins, a dégradé des conditions de travail déjà pénibles. « On demande toujours plus de polyvalence aux salariés, désormais, c’est comme s’ils avaient plusieurs métiers, dénonce Fatima, délégué syndical du site. Le savoir-faire du personnel est nié, on leur enlève des responsabilités. Pour eux, le travail n’a plus de sens. » Aux demandes de revalorisations salariales, la direction oppose la baisse du chiffre d’affaires de l’enseigne Auchan. « Sauf que le groupe Mulliez [ propriétaire de Auchan, Decathlon, Leroy Merlin, Norauto, Boulanger… ] se porte très bien ! », affirme Fatima. Les primes de progrès, indexées sur les bénéfices de l’entreprise, ont été plafonnées à 6%.  Les salariés des magasins Auchan, ont vu leur salaires augmenter de façon différenciée, selon la profession. « Pour les métiers de bouche, où ils peinent à recruter, l’augmentation est de 9 %, pour les autres, de 5 à 6 %, explique Martine. Insuffisant selon elle : « Pendant ce temps-là, on a les augmentations des prix devant les yeux tous les jours… »

Castorama, Casino, Vertbaudet, Brico Dépôt, Galeries Lafayette, Truffaut…

Les travailleurs du commerce et des services ont fait le déplacement en nombre pour soutenir leurs collègues, salariés du groupe Mulliez, et rendre visible leurs propres luttes. Le secteur se distingue, en effet, par des conditions de travail particulièrement âpres et des salaires à la traîne. Les mouvements sociaux, donc, ne manquent pas. À Vertbaudet, enseigne de vente à distance et chaîne de magasins de vêtements, meubles et articles de puériculture à Tourcoing, une centaine de salariés sont en grève depuis cinq semaines pour réclamer des augmentations de salaires : avec ou sans ancienneté, tous sont payés au Smic. Ainsi de Nadia, préparatrice de commandes et formatrice depuis dix-sept ans, venue avec 48 autres collègues depuis Tourcoing pour l’opération : « Les fins de mois sont très difficiles, d’autant plus qu’il y a de nombreuses mères célibataires parmi les employés de la boîte. La direction nous annonce qu’il y aura des augmentations en octobre, mais c’est bien trop tard ! » La CGT exige une augmentation de 20 % et l'embauche des intérimaires. « En réponse à nos demandes, la direction nous propose de travailler plus pour gagner plus et nous explique que des augmentations de salaires priveraient les salariés de la prime d'activité, versée par la Caisse d'allocations familiales ! », s’insurge Mohamed, délégué syndical de l’enseigne. Une cagnotte Leetchi a été mise en place pour soutenir la lutte.

« On nous a expliqué qu’on était les salariés essentiels pendant le Covid et, depuis, rien, à part une prime de 100 euros, soupire Sylvie Vachoux, 40 ans d’ancienneté chez Casino, payée 1600  euros net par mois. Les trois premiers niveaux de la branche sont au niveau du Smic. C’est inacceptable, surtout lorsque l’on connaît le chiffre d’affaires du groupe…» 33,6 milliards d’euros en 2022. Mickaël et Anthony, respectivement treize ans et sept ans d’ancienneté à la jardinerie Truffaut, sont toujours au Smic. « Avec l’inflation, il y a un réel tassement des salaires au niveau du Smic. On nous propose des primes, mais on exige des salaires décents, afin de payer des cotisations pour abonder les caisses de retraite. » Myriam, déléguée syndicale centrale (DSC) de Brico Dépôt, est venue depuis les Côtes-d’Armor : « On est tous payés au Smic. Aux dernières NAO, la direction a proposé 3% d’augmentation. En fait, ils ont juste anticipé l’augmentation du Smic à venir au mois de mai ! » 

 15h45. Les manifestants quittent les caisses pour déambuler dans le centre commercial. Espérant qu’à force de crier, ils finiront pas être entendus.

* Le prénom a été modifié.