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SALAIRE

À Vertbaudet, une augmentation générale sinon rien

7 avril 2023 | Mise à jour le 11 avril 2023
Par | Photo(s) : FB SELA CGT NORD
À Vertbaudet, une augmentation générale sinon rien

AG du 2 avril 2023. A l'issue de deux mois de grève, les salariées de Vertbaudet ont fini par obtenir la signature d'un accord salarial.

La grève sur les salaires a été lancée par la CGT le 20 mars dans l’entrepôt nordiste de la marque. La direction de Vertbaudet n’a jamais voulu négocier. Ce 7 avril, elle est contrainte de s’asseoir à la table de la commission régionale de conciliation. Les grévistes réclament également des embauches d’intérimaires.

« Je suis particulièrement attaché à avoir une écoute particulière et un dialogue ouvert et franc. […] Je vous propose de vous rencontrer, seul(e) ou aux côtés d’autres salariés grévistes (4-5 personnes afin de garantir de bonne condition d’échange), pour mieux comprendre votre situation. » Aïcha Barbez, ouvrière polyvalente préfère rire du courrier qu’elle vient de recevoir, comme tous les autres grévistes. Le DRH de Vertbaudet s’intéresserait enfin à son sort après trois semaines de grève ? La veille, il a lancé aux grévistes que les augmenter les priverait de la prime d’activité, versée par la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) aux salariés à faibles salaires. Manon Ovion, délégué syndicale CGT, s’en étrangle encore : « On est payé par la CAF ici ? C’est une honte ! » Ses collègues rapportent aussi « le mépris, les injures et les grossièretés » proférés par un autre dirigeant, le directeur logistique.

Pinault a vendu à un fonds d’investissement, qui a cédé à un autre

Créée en 1963, passée des mains de François Pinault au fond d’investissement Alpha Private Equity, qui a revendu en 2021 à Equistone Partners Europe, l’entreprise Vertbaudet est à la fois enseigne de vente à distance et chaîne de magasins de vêtements, meubles et articles de puériculture. En 2021, son chiffre d’affaires a explosé, atteignant 350 millions d’euros. L’entrepôt logistique de Marquette-lez-Lille (Nord) et le siège de Tourcoing emploient environ 600 personnes, les 70 magasins étant intégrés dans une autre entité. A Marquette, sur environ 280 salariés permanents – majoritairement des femmes – plus de très nombreux intérimaires, on compte une centaine de grévistes depuis le 20 mars. Le mouvement a débuté après la signature de la négociation annuelle obligatoire (NAO) par FO et la CFTC, sans augmentation de salaire. La direction sert une autre version aux médias, évoquant une hausse de 6%, en additionnant choux et carottes : une prime de partage de la valeur (PPV), une journée annuelle de congé supplémentaire après vingt ans d’ancienneté, une journée pour déménagement ou encore cinquante centimes de plus pour la prime de panier. « Ça vous arrive souvent de payer une facture avec un congé d’ancienneté ? », interroge Manon Ovion. Quant à la PPV, théoriquement de 650 euros, elle est amputée des absences pour maladie.

« On nous a dit que la trésorerie se portait très bien »

« On a toujours été augmenté, même les années difficiles. Récemment, on nous a dit que la trésorerie se portait très bien », rapporte la déléguée CGT. Embauchée il y a dix ans, elle a senti un changement d’ambiance il y a un an environ, à l’arrivée du nouveau directeur logistique. La CGT, qui a consulté les salariés revendique une augmentation de 20% et des embauches d’intérimaires. Car ici, les salaires ne décollent pas du Smic, environ 1 300 euros net par mois. Le treizième mois est versé en trois parties : en novembre, en juin, le reste étant divisé mensuellement. « Si on n’avait pas cette partie mensuelle [environ 40 euros par mois, NDLR], on serait en-dessous des minima de branche », assure Manon Ovion.  Pas mieux côté conditions de travail : « Mon dos est mort », témoigne Régine Dos-Santos, 33 ans d’ancienneté. « On est statique et debout toute la journée. Un gars nous amène les colis dans un chariot, on est sept heures dans notre box, comme des poules en cage. C’est de l’esclavage moderne », s’énerve l’ouvrière, reconnue travailleuse handicapée.

La section CGT a doublé ses effectifs

L’arrivée de la CGT à Vertbaudet est née du ras-le-bol de Manon Ovion. Un jour, elle a poussé la porte de l’union locale CGT de Tourcoing. Elle s’est syndiquée, puis a été nommée représentante de section syndicale, en attendant les élections de fin 2022, où la CGT est arrivée en deuxième position. La grève, soutenue par la CGT Commerce, l’UL de Tourcoing et l’UD du Nord, lancée en plein mouvement des retraites, a suscité un grand élan de solidarité. Des anonymes passent quelques heures sur le piquet de grève, donnent de l’argent – environ 500 euros par jour dans la caisse de grève -, de la nourriture… « Cette grève est le résultat du travail mené en interne, témoigne Samuel Meegens, de l’UL de Tourcoing. C’est un grand espoir pour la suite, plus rien ne sera comme avant. » La section CGT est déjà passée de 25 à 50 membres. Ce jeudi 6 avril, la direction a rencontré les syndicats en début d’après-midi. Sans résultat. « Comme on a rien, on ne s’est pas éternisé », résume la déléguée CGT à la sortie de la réunion, agacée mais pas surprise. La préfecture des Hauts-de-France a, à la demande de la CGT du Nord, convoqué la commission régionale de conciliation ce vendredi 7 avril au matin. La CGT posera à nouveau sur la table ses revendications salariales et d'embauches. Elle évoquera aussi ses suspicions de recours accru à l’intérim pour remplacer des grévistes. Une question dont elle a déjà saisi l’inspection du travail, qui mène son enquête.