Où est passée la démocratie sociale ?
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Paris, place Olympe de Gouges, 3e arrondissement. 19 heures. La fête a commencé depuis un peu plus d'une heure. Présents dès le début, trois jeunes Allemands au rire joyeux chantent « Nous on veut vivre », parodie de I will survive, de Gloria Gaynor. Installés en France depuis un an, ils se sont retrouvés par hasard dans un cortège de la CGT, le 7 mars. « L'ambiance était super, il y avait un aspect festif qu'on ne voit pas ailleurs », dit Inès. Plus loin, un groupe d'amis. Tous travaillent dans la mode et « on est tous précaires depuis la fin de nos études », précise Margot. « On n'est pas syndiqués, mais on a été de toutes les manifs. Ensemble, on peut changer les choses, c'est sûr. » Anne, elle, a franchi le pas de la syndicalisation au cours de ces mêmes mobilisations contre la « réforme » des retraites. Juriste dans le secteur hospitalier, elle a été choquée par « la manière dont le gouvernement a dévoyé les institutions et l'esprit de la Ve République ». Elle est l'une des 805 travailleuses et travailleurs qui ont rejoint la CGT depuis janvier, portant le nombre total de syndiqués à Paris à plus de 37 000. Parmi les différents profils, un se détache en particulier : une femme, plutôt jeune, de statut cadre, le plus souvent salariée d'une société d'études. « C'est intéressant, dit Benoît Martin, secrétaire général de l'union départementale, car c'est un secteur où nous sommes peu présents. Nos places fortes sont traditionnellement les transports, l'AP-HP, la Ville de Paris, le commerce, aussi, bien que le salariat soit plus éclaté. »
S'inspirant de la CGTeuf, organisée en mai par le collectif jeunes diplômés de l'Ugict (qui s'adresse aux cadres, ingénieurs, techniciens et agents de maîtrise), la CGT Paris a profité de ce 21 juin, jour de la Fête de la musique et du premier jour de l'été, pour réserver un accueil festif à ses nouveaux syndiqué.e.s. « Beaucoup de celles et ceux qui nous ont rejoints ont d'abord milité avant de s'engager. En général, c'est l'inverse. Et même si la loi sur les retraites a été promulguée, ils sont fiers de ce qu'ils ont fait et ne veulent pas céder au découragement, notamment sur la question des salaires. Aussi, on doit tout faire pour les intégrer le mieux possible, favoriser les rencontres, sans oublier de s'interroger sur les raisons qui poussent certains à nous quitter », assure Benoît. Arrivé deux heures plus tôt pour aider à la préparation des festivités, Nil a découvert le syndicat, fin 2022, à l'occasion d'une grève des ouvreurs à la Philharmonie de Paris, dans le 19e arrondissement. « Les liens se sont faits tout seuls avec l'union locale. Ils se sont montrés disponibles, ils assistaient aux AG. Leur aide au plan juridique a été précieuse. Ce qui m'a un peu surpris quand j'ai adhéré, c'est de ne pas avoir de carte. Je n'avais rien qui montrait que j'étais à la CGT. J'avais l'impression de payer, et c'est tout. » Anne, la juriste, trouve l'organisation complexe et la communication un peu obscure, parfois. « J'ai du mal à me repérer dans les différents niveaux, professionnels, territoriaux, les fédérations, les organisations… Pour le reste, c'est bien que le syndicat soit là quand il y a un souci, mais ce serait bien de le voir aussi quand il n'y en a pas, pour pouvoir échanger sur son rôle, sur le quotidien au travail. »
20 heures. La musique s'interrompt. Souleymane et Ibrahim, employés de Gorillas, prennent la parole. Représentants CGT de l'entreprise spécialisée dans le quick commerce et les dark stores, ils ont appris la veille de la bouche de l'actionnaire allemand, Getir, que le groupe se retirait du marché français. « Un vrai choc pour 350 salariés de la filiale », nous confiait un peu plus tôt Ibrahim. Emu, Souleymane tient d'abord à remercier tous les syndiqués de leur soutien. Avant de donner rendez-vous à toutes celles et à tous ceux qui le pourront au tribunal de commerce, le lundi suivant, il annonce que trente livreurs à vélo seront bientôt régularisés grâce au collectif « migrants » de la CGT. Les clameurs et les applaudissements laissent la place à la musique et à un DJ. La nuit est à la fête et ceux qui ne peuvent pas rester promettent de se retrouver le samedi 24 juin après-midi, à la Marche des fiertés LGBTQIA+.
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