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Aide alimentaire

L’anti-gaspi dans les grandes surfaces nuit aux associations alimentaires

28 mai 2024 | Mise à jour le 28 mai 2024
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Alors que les normes incitent les grandes et moyennes surfaces à réduire le gaspillage alimentaire, les associations voient la qualité de leurs dons décliner et doivent gérer une partie des déchets des grandes surfaces.

Depuis la loi, dite Garot, de février 2016, contre le gaspillage alimentaire, le temps « où les grandes surfaces balançaient de la Javel sur leurs déchets » est révolu, rappelle Gérard Casolari, secrétaire national de l'association pour l'information et la défense des consommateurs Indecosa CGT. Dorénavant, les commerces de plus de 400 m2 doivent proposer leurs invendus aux associations alimentaires. Encore récemment, un nouveau label de l'État est venu s'ajouter à la lutte contre le gaspillage dans les grandes surfaces et récompense les acteurs du secteur, engagés dans ce combat. Un bon point pour la planète ? Sûrement, mais les associations d'aide alimentaire, elles, se sont en partie organisées sur le modèle productiviste des grandes surfaces dont les dons représentent maintenant 38 % de leurs approvisionnements, selon la Fédération française des banques alimentaires.

Les grandes et moyennes surfaces ont optimisé leurs ventes pour éviter au maximum les pertes

C'est un peu le serpent qui se mord la queue. Car si à un moment donné la loi Garot a contribué à augmenter le tonnage des dons, « la grande distribution a resserré les boulons pour faire toujours plus de profit. Elle a donc imaginé son fameux panier inflation, a baissé ses prix, et en même temps, elle essaye de vendre le maximum de produits. Résultat, moins de déchets et donc moins de produits pour les associations », soulève Gérard Casolari. Une étude de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), publiée en octobre 2023, confirme cette tendance. Les grandes et moyennes surfaces (GMS) ont optimisé leurs ventes pour éviter au maximum les pertes, en s'entourant parfois de partenaires comme la start-up Phénix, qui les accompagnent dans leur démarche anti-gaspillage. Or, en face, les associations, dernières étapes de cette rationalisation, font face à la hausse de l'inflation, de la précarité et de la pauvreté. Rappelons-nous de l'appel des Restos du cœur en septembre 2023.

Moins 65 millions pour l'État

Les quantités de dons « se sont sensiblement réduites » mais c'est surtout leur qualité qui trinque. Après avoir optimisé leurs stocks et écoulé le maximum de produits, les enseignes « donnent tout ce qui ne leur conviennent pas. Et dedans, il y a des produits de mauvaise qualité, des produits dont la date est dépassée ou trop courte », rapporte Gérard Casolari. Qui précise que « 16 % de ces dons partent à la poubelle », selon l'Ademe, 38 000 tonnes, dont les « deux tiers sont liés à un problème de qualité ». In fine, les GMS s'adaptent donc aux nouvelles préconisations et, après avoir profité d'une image verte et sociale, basculent une partie de leurs frais inhérents à la gestion des déchets sur les structures associatives. C'est la double peine. Car, outre la perte de temps et d'argent pour les associations, l'État perd au passage une partie de ses recettes fiscales, 65 millions d'euros par an selon l'Ademe, puisque les entreprises bénéficient d'une défiscalisation sur les dons aux associations.

« L'aide alimentaire n'est pas une fin en soi mais ce palliatif est quasiment étatisé », note Gérard Casolari, qui estime pourtant que l'État français, « septième puissance mondiale, se désengage complètement de la situation ». Dans un article qu'il signe dans la revue Indecosa de mai, le représentant d'Indecosa note l'omniprésence des dirigeants de la grande distribution sur les plateaux télé et rappelle les propos d’Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, à l'adresse de ses équipes en 2020. « Vous n’êtes plus seulement Carrefour ; vous êtes le service public de l’alimentation. Vous nourrissez les Français et vous rappelez à tous que notre rôle est un rôle vital, un rôle social, un rôle profondément humain. » Le gouvernement déléguerait-il aux grandes surfaces le soin de faire la pluie et le beau temps ?