La 111 ème édition du Tour de France se déroule du 29 juin au 21 juillet 2024. Pour la première fois de son histoire, son départ se fait depuis l'Italie, pour atteindre non pas les Champs-Élysées parisiens, mais la ville de Nice, Jeux Olympiques obligent ! Comme chaque année (ou presque !) depuis 1947, notre journal la Vie Ouvrière est de la partie. Une présence culturelle et historique.
Le Tour de France est créé en 1903 par le journal « L'Auto ». Les motivations de son directeur, Henri Desgrange sont moins connues. En concurrence avec un autre magazine sportif « Vélo », il n'arrive cependant pas à faire décoller ses ventes. Il missionne Géo Lefèvre, le meilleur de ses journalistes, pour trouver l'idée géniale qui assoirait définitivement la notoriété du journal. À l'époque, si le cyclisme est déjà très populaire, les compétitions n'en sont qu'à leurs balbutiements. La plupart sont organisées par le titre concurrent « Vélo ». C'est donc de ce côté-là que Lefèvre concentre ses efforts. « Et si on organisait le tour de la France à vélo ? » lance-t-il à Desgrange ? Desgrange le prend pour un fou. Mais devant une courbe des ventes en baisse constante, la « raison » va l'emporter. Le coup de folie de Géo Lefèvre se transforme en coup de génie. Le Tour de France cycliste est né. Paradoxe : il est organisé par un magazine spécialisé dans… l'automobile. Reste que la popularité du Tour de France ne se manifeste pas d'emblée. Pas plus que l'embellie escomptée sur des ventes. Qu'il va bien falloir doper… Pour cela, il faut du spectacle. Déjà !
En prenant de la hauteur, le Tour acquiert ses lettres de noblesse
Alors Lefèvre récidive : en 1905, il fait passer les montagnes aux coureurs. Ce sera le Ballon d'Alsace, en 1910 les Pyrénées et, en 1911, les Alpes. En prenant de la hauteur, le Tour acquiert ses lettres de noblesse. Le public ne se détachera plus de cette épreuve que rien n'a jamais arrêté sauf les deux guerres mondiales. Malgré les affaires récurrentes et le dopage qui l'ont fait maintes fois vaciller et mettre un genou à terre, le Tour de France reste un joyau du patrimoine culturel de notre pays.Quel que soit l'intérêt qu'on lui porte, qu'on l'aime ou pas ou qu'il nous laisse indifférents, on n'échappe pas au Tour de France. Sans lui, le mois de juillet ne serait pas tout à fait le même. C'est qu'on a tous en nous quelque chose du Tour de France. Une image, des sons, des couleurs, des odeurs ou un simple objet jeté par la caravane publicitaire, récupéré et conservé. Comme une relique… Le Tour de France est le seul spectacle sportif de cette ampleur, gratuit et… livré à domicile. Sur le pas de la porte. Entrée, plat et dessert… service compris ! On l'attend des heures, des jours parfois. Puis la clameur monte.
Le sport de la classe ouvrière
Les voilà ! Les coureurs semblent glisser, accompagnés par le sifflement aigu des boyaux et le bruissement harmonieux des chaînes sur le pédalier. Vite, trop vite. Ils sont passés. Un souffle encore, puis le vrombissement des voitures… C'est fini ! On replie les chaises, les tables et les parasols. On range les restes du pique-nique dans la glacière… Un instant furtif dont on se souvient ensuite toute sa vie. Le Tour est une fête populaire qui fait d'un jour ordinaire un souvenir extraordinaire. C'est sans doute cela que l'on appelle la magie du Tour ! « De plaines en forêts, de vallons en collines, au grand soleil d'été qui courbe la Provence, des genêts de Bretagne aux bruyères d'Ardèche… », sa longue caravane, sonore et multicolore, serpente les routes de l'hexagone à la géographie souvent … débordante ! Jusqu'en Italie, Espagne, Allemagne, Belgique, Danemark, Pays bas… Parfois même jusqu'en Angleterre…
Le Tour de France, c'est aussi le Tour de la France. De cette France populaire, chaleureuse et familiale. Celle qui travaille, qui résiste et qui lutte. Surtout en cet été 2024 où son histoire et les valeurs de la République sont foulées au pied.
Mais le Tour de France, c'est aussi le Tour de la France. De cette France populaire, chaleureuse et familiale. Celle qui travaille, qui résiste et qui lutte. Surtout en cet été 2024 où son histoire et les valeurs de la République sont foulées au pied. Celle qui donne au Tour de France ces belles couleurs de fête. Et ce goût du bonheur éphémère que l'on respire à pleins poumons et qui rend les lèvres sèches. Le cyclisme a été durant très longtemps, le sport de la classe ouvrière. Il y a un lien étroit entre la difficulté de ce sport et celle de la vie quotidienne des gens. La France de juillet est une France authentique et courageuse. Avec qui la vie n'est pas toujours tendre. Depuis 1947, la Vie Ouvrière (VO) , le journal de la CGT, fait partie de cette fête. Sa présence sur cet événement est culturelle et historique. Lors de la Seconde Guerre mondiale, un certain nombre de journaux entrent dans la clandestinité. Ce fut le cas notamment de la Vie Ouvrière. Une page d'histoire à la fois tragique et glorieuse racontée par l’ancien rédacteur en chef de la Vie Ouvrière Jean-Claude Poitou dans Les VO de la nuit (NDLR). À la Libération, les dirigeants du journal l'Équipe, qui organisait le Tour avant-guerre, sont soupçonnés de collaboration avec l'Occupant. La question de savoir s'ils doivent garder le Tour de France se pose. L'Humanité, alors organe central du Parti communiste français, est pressentie par le tout nouveau Conseil national de la Résistance pour reprendre le flambeau.Il est même envisagé une organisation tournante du Tour entre les journaux qui ont contribué à la libération du pays. Cette solution s'avéra vite impossible à mettre en œuvre. Au final, le Tour reste à l'Équipe et repart en 1947. Les titres de presse ayant résisté à l'occupant sont invités gratuitement dans la caravane publicitaire. Ils vendent au public leurs journaux à la poignée. C'est ce que feront longtemps, l'Humanité, Le Parisien libéré, Libération, la VO et d'autres.
Porter la voix de la CGT
Pour la VO, alors seul titre syndical, la plus-value originale de sa présence militante est de porter les couleurs de la CGT auprès d'un public populaire, chaleureux et familial. Constitué pour l'essentiel d'ouvriers, d'employés et de retraités. De gens qui connaissent l'âpreté et la dureté du travail et qui se reconnaissent dans l'effort fourni par ceux que le journaliste Albert Londres qualifia, en 1924, de « forçats de la route ». Le même public à qui s'adresse la CGT à l'entreprise et dans les territoires. Un public pour qui le Tour est une fête. Une fête qui passe devant chez lui et qui coïncide avec les congés payés. Un public qui n'imagine pas le mois de juillet sans le Tour de France. C'est dans ce contexte que depuis toutes ces décennies, le journal de la CGT est toujours invité sur le Tour. Sauf entre 1993 et 1997, où Jean-Claude Killy, alors aux manettes de la Société du Tour de France, décide d'y mettre un terme. Pas philanthrope pour deux sous, le champion… Ceux qui viennent sur le Tour pour vendre paient un droit d'entrée. Tout schuss en direction des coffres de l'entreprise… Business is business ! Ne pouvant plus vendre de titres dans ces conditions, la VO, comme d'autres, est alors contrainte d'abandonner la course. Puis de la reprendre en 1997 à l'invitation de la direction du Tour qui rétablit les conditions antérieures. Depuis, les véhicules aux couleurs de la VO et de la CGT vont à la rencontre d'un public estimé à près de 15 millions de personnes. Parallèlement à cette présence dans la caravane publicitaire, de nombreuses UD, UL ou régions traversées par l'épreuve saisissent cette formidable caisse de résonance qu'est le Tour afin de sensibiliser le public et s'exprimer largement sur les problématiques sociales et économiques locales ou nationales.
Un événement festif et revendicatif
Ces dernières années, ce fut le cas notamment des campagnes menées contre les privations d'EDF, pour la reconnaissance d'un statut pour les saisonniers, pour les salaires, l'emploi, la sauvegarde de la sécurité sociale et bien sûr, contre la réforme des retraites… Traditionnellement, le secrétaire général de la CGT est toujours invité par la direction du Tour de France pour suivre une étape. Sûr que cette année encore, la présence de Sophie Binet, en phase avec une majorité de l'opinion ne passera pas inaperçue… Ainsi, d'un été si particulier où de lourds nuages noirs s'accumulent, l'actualité sociale économique et politique sera présente sur les routes d'une France encore fortement imprégnée d'un contexte politique inédit. Le passage du Tour de France 2024 devrait être l'occasion d'une autre forme de mobilisation, à la fois originale, festive, chaleureuse et conviviale. L'équipe de militants CGT présente sur le Tour, comme elle le fait chaque année, va mettre un bon coup de pédale pour le progrès social. Alors vous aussi, venez faire un tour avec la CGT.
Voir également le livre de Denis Cohen et Valère Staraselski :
Un siècle de Vie Ouvrière, 2009, Le Cherche Midi éditeurs.