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JUSTICE

A la Protection judiciaire de la jeunesse, un avenir aux couleurs d'incertitude et d'inquiétude

9 août 2024 | Mise à jour le 9 août 2024
Par | Photo(s) : REMY GABALDA / AFP
A la Protection judiciaire de la jeunesse, un avenir aux couleurs d'incertitude et d'inquiétude

La Direction de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) a annoncé un plan d’économies qui pourrait entraîner plusieurs centaines de non-renouvellements de CDD. Des forces dont ne peuvent pourtant se passer ces professionnels, confrontés à un sous-effectif et à une surcharge de travail et chargés de suivre les mineurs concernés par une décision de justice. Un préavis de grève est posé pour le 14 août.

Avec la Direction de la Protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), avec ses directions interrégionales, avec le cabinet du ministère de la Justice : depuis fin juillet, à chaque audience accordée à l’intersyndicale de la PJJ (FSU, CGT, Unsa, CFDT), le discours est différent. Insuffisant en tout cas pour éviter le « vrai plan social digne du privé » dénoncé par l’intersyndicale, qui maintient son préavis de grève à partir du 14 août. Des débrayages ont déjà eu lieu aujourd'hui à Béthune, Lyon et Annecy.

Budget raboté et primes non anticipées

Tout commence le 31 juillet, lorsque la directrice de la PJJ, Caroline Nisand, convoque l'intersyndicale, en présence des neuf directeurs interrégionaux, « ce qui n’arrive jamais », assure Ludivine Gagneau, du Bureau national de la CGT PJJ. Caroline Nisand rappelle alors les 700 000 euros de budget annulés par décret en février dernier, ainsi que les primes « Jeux Olympiques » et de fidélisation du personnel de Seine-Saint-Denis, qui n’auraient pas été anticipées. Elle annonce 1,6 à 1,8 million d’euros d'économies, sur un budget global de 490 millions, avec non-renouvellement des CDD arrivant à échéance (1), sans chiffrer le nombre de personnes concernées.

Selon l’intersyndicale, « 240 à 480 contrats » sont dans le collimateur, en plus des «économies préalablement réalisées par le gel des contrats d’apprentissage, des détachements ou des mises à disposition entrants [de fonctionnaires venant d’autres ministères] ». Le 6 août, nouvelle réunion, cette fois avec le cabinet du ministère de la Justice, qui l’assure : une enveloppe de trois millions d’euros est débloquée pour la période de septembre à décembre, ce qui permettra de maintenir les contrats de travail déjà signés par les intéressés et en attente de validation par l’administration, ceux qui ont fait l’objet d’une promesse d'embauche et ceux qui n’ont pas été dénoncés dans les temps.

Etude au cas par cas pour les plus précaires

Mais, dans les heures qui suivent, le son de cloche provenant de DPJJ est tout autre. « On nous a dit qu’il n’y avait pas de changement, car on n’avait pas réussi à faire suffisamment d'économies », résume Ludivine Gagneau. Seule petite avancée promise ce vendredi matin : les contrats déjà signés seraient sauvés et la situation des contractuels qui n’ont pas effectué un CDD suffisamment long pour prétendre à une indemnité de chômage serait étudiée « au cas par cas ». « Ces revirements incessants nourrissent une incertitude et une inquiétude qui ne peuvent qu’aggraver les gros problèmes d’attractivité de la PJJ », souligne Ludivine Gagneau. Surtout, ces coupes sombres causent « une mise en danger immédiate de notre institution et de ses missions, notamment dans la qualité de la prise en charge des jeunes suivis », dénonce l’intersyndicale.

Educateurs, psychologues, assistants sociaux, cuisiniers…

La PJJ suit les mineurs concernés par une décision du juge des enfants – suivi dans sa famille, placement en hébergement, contrôle judiciaire, détention… – et assure des investigations pénales et civiles demandées par ce dernier. Les effectifs comptent majoritairement des éducateurs, mais aussi assistants sociaux, personnel administratif, psychologues, cuisiniers… « On fait beaucoup de route », confie Magali Souchu, éducatrice à Angers et secrétaire régionale de la CGT PJJ pour le Grand-Ouest, évoquant les visites de mineurs placés ou détenus à des centaines de kilomètres. Dans le Grand-Ouest, qui compte 987 agents titulaires et contractuels, 34 contrats pourraient ne pas être reconduits. «Concrètement, une jeune éducatrice de 27 ans, qui travaille depuis presque deux ans chez nous, a dû donner son préavis à son propriétaire. »

« C’est un métier qui épuise psychologiquement »

«Après les annonces du 31 juillet, se souvient Magali, c’était séance de larmes à tous les étages, y compris chez les titulaires, estomaqués de perdre des collègues de façon aussi brutale ». D’autant que la surcharge de travail et le sous-effectif sont déjà un mal chronique : « On ne compte pas nos heures. Le Code de justice pénale mis en place en 2021 a accéléré les procédures, mais il a aussi multiplié le nombre de rapports à écrire. »« Ce qui fait le plus de mal aux collègues, c’est la perte de sens, estime-t-elle. Quand a-t-on le temps de rencontrer les jeunes ? Je viens toujours dans mon service avec plaisir, car on se soutient, mais dans d’autres, on en est réduit aux stratégies de survie personnelle. Nous sommes confrontés à des histoires de vie lourdes à supporter. C’est un métier qui épuise psychologiquement. Quelle crédibilité aurai-je à 64 ans, face à un gamin de 15 ans ? »

(1) La DPJJ emploie environ 9 200 agents, dont une majorité de fonctionnaires et un peu plus de 20% de contractuels.