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Économie

Idée reçue sur le budget : les retraités sont des privilégiés

25 août 2025 | Mise à jour le 25 août 2025
Par | Photo(s) : Bapoushoo
Idée reçue sur le budget : les retraités sont des privilégiés

C'est une petite musique qui revient régulièrement dans le discours dominant. Notre système de retraite basé sur la répartition serait insoutenable à cause de la démographie et de sa trop grande générosité envers les retraités. Ces derniers seraient une catégorie non productive, de nantis, une charge financée par les seuls actifs à qui l'on demande de plus en plus de sacrifices… et qui ne bénéficieront pas des mêmes avantages.

Lorsque François Bayrou présente le 15 juillet dernier le gel des pensions de retraite en 2026 comme élément du plan de redressement budgétaire de 43,6 milliards d'économies, d'aucuns estiment que la mise à contribution de cette catégorie de privilégiés ne relève que du bon sens. La spirale des retraites peau de chagrin, qui a déjà commencé, est ainsi justifiée politiquement. Et on ne voit pas comment la rhétorique sera différente les années suivantes dans la poursuite du processus.

Prophétie autoréalisatrice

Réforme après réforme, ne sommes-nous pas passés d'une retraite à 60 ans à taux plein avec 37,5 années de cotisations calculée sur la base des dix meilleures années de cotisations, à une retraite à taux plein à l'âge légal de 64 ans pour 43 ans de cotisations et un calcul sur la moyenne – de fait plus faible – des 25 meilleures années ? S'y ajoutent quelques mesures sournoises telles que le gel du barème de la CSG (contribution sociale généralisée) ou les déremboursements de médicaments, et l'on s'aperçoit que la condition des retraités a déjà subi une sérieuse dégradation au cours des dernières années. Les politiques d'austérité s'appuient sur les précédentes régressions pour justifier la réforme suivante et s'acheminer un peu plus vers l'idée de l'insoutenabilité du système. Ici se joue une bataille idéologique auprès des actifs sur le consentement au versement des cotisations. Quatre décennies de sape des droits à la retraite ont érodé la confiance dans le système par répartition. D'aucuns prophétisent son extinction. Lors du récent conclave sur les retraites, Patrick Martin, patron du Medef, a partiellement dévoilé l'objectif poursuivi d'un glissement progressif du système de retraite par répartition issu du Conseil national de la Résistance vers la capitalisation.

Solidarité vs individualisme

L'idéologie libérale surfe sur la rhétorique du tous contre tous : les travailleurs contre les chômeurs, les immigrés contre les Français, les salariés du privé contre ceux du public ou encore les jeunes contre les vieux. Le discours sur les retraités privilégiés participe de la même logique anxiogène visant à briser la solidarité intergénérationnelle, fondement de notre système par répartition. Rappelons que dans un système par répartition, les salariés actifs cotisent au travers de leur salaire socialisé, non pour eux-mêmes, mais pour les pensions des retraités actuels. Les trimestres cotisés leur ouvrent des droits à des prestations définies… que des réformes peuvent remettre en cause. Tandis que dans la capitalisation, il n'y a pas de prestations définies, et c'est un compte individuel placé en bourse. La supériorité du système par capitalisation est toutefois loin d'être démontrée, notamment en termes de sécurisation du montant des retraites. En effet, celle-ci dépend des aléas boursiers. Par exemple, la crise de 2008 a créé un électrochoc en dépossédant des centaines de milliers d'Américains de leur retraite.  Par ailleurs, la capitalisation suppose d'avoir les capacités d'épargne que tous n'ont pas, ce qui pénalise en premier lieu les retraites des faibles revenus.

Les retraités mieux lotis ?

Au vu des sommes en jeu, la décrédibilisation du système par répartition est un enjeu stratégique pour les forces du capital, qui aimeraient pouvoir disposer librement de ces milliards sur les marchés financiers. Tout est bon pour attiser les peurs et les égoïsmes, y compris en délégitimant les cotisations qui alimenteraient une catégorie de privilégiés. Mais qu'en est-il de ces « privilégiés » dans la réalité ? Selon les derniers chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistique (DREES), le montant moyen de la pension des retraités se situerait à 1 829 euros net pour les hommes et 1 186 euros net pour les femmes.  Le dernier rapport du Conseil d'orientation des retraites précise : « Le niveau de vie moyen des retraités est quasiment équivalent à celui de l'ensemble de la population. […] Le niveau de vie relatif des retraités (rapport entre leur niveau de vie et celui de l'ensemble de la population) est resté globalement stable depuis 1996, alors qu'il avait fortement progressé depuis 1970 ; il devrait toutefois diminuer à long terme. »  Dit autrement, le mieux-vivre des retraités par rapport aux actifs n'est plus une réalité depuis une trentaine d'années et cela ne risque pas de s'améliorer avec les dernières mesures budgétaires.

La gifle Bayrou

Le 15 juillet dernier, les annonces du Premier ministre François Bayrou ont particulièrement ciblé les retraités : non-revalorisation des pensions en 2026, suppression de l'abattement fiscal de 10%, doublement des franchises médicales, remise en cause partielle des affections longue durée (ALD), modifications régressives des droits familiaux et conjugaux (pensions de réversion). Des perspectives qui provoquent l'inquiétude et la colère de l'ensemble des organisations syndicales de retraités qui chiffrent à 10 % la perte de pouvoir d'achat subie par les retraités depuis 2012. Le « Groupe des 9 », qui fédère neuf organisations de retraités, CGT, FO, CFTC, CFE-CGC, FSU, Solidaires, FGR-FP, LSR, Ensemble & Solidaires,  réclame un autre financement des retraites et de la Sécurité sociale, « en particulier par la suppression des exemptions de cotisations sociales consenties aux employeurs, par l'égalité salariale effective femmes/hommes, l'augmentation des salaires et des pensions, la lutte contre le chômage des jeunes et des seniors, la taxation des revenus du patrimoine des ultra-riches … ». Très remontés, les syndicats dénoncent « la gabegie des 211 milliards d'euros d'aides publiques accordées aux entreprises sans aucune contrepartie ni contrôle » ou encore « les 80 millions d'exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises ». Face à cette situation, les organisations de retraités préparent des fortes mobilisations pour octobre.