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PRÉCARITÉ

RSA, chômage : seize associations et syndicats réclament l'abrogation du décret « suspension-remobilisation »

23 octobre 2025 | Mise à jour le 23 octobre 2025
Par | Photo(s) : Bapoushoo
RSA, chômage : seize associations et syndicats réclament l'abrogation du décret « suspension-remobilisation »

Manifestation CGT des privés d'emploi et précaires à Paris, le 2 décembre 2017

Onze associations et cinq syndicats, dont la CGT, ont déposé des recours au Conseil d'État pour demander l'abrogation d'un décret publié le 30 mai 2025, qui prévoit de suspendre 30 à 100 % des allocations chômage ou du revenu de solidarité active (RSA) aux personnes qui commettraient un « manquement ». La CGT y voit « un durcissement sans précédent des politiques sociales dans notre pays ».

Oublier votre rendez-vous France Travail ou faire une erreur dans votre contrat d' « engagement » peut vous coûter cher. Un seul de ces « manquements » peut être passible d'une suspension totale de vos allocations, depuis la publication en mai du décret dit de «suspension-remobilisation ». Ce nouveau tour de vis s'inscrit dans la continuité de la loi « plein emploi » adoptée en décembre 2023, qui impose notamment 15 heures d'activité hebdomadaires pour continuer de percevoir le RSA, ainsi que l'inscription obligatoire à France Travail.

Seize associations et syndicats, dont la CGT, ont déposé quatre recours au Conseil d'État pour demander l'abrogation de ce décret, estimant qu'il constitue entre autres une « atteinte au droit et à des moyens convenables d'existence » et une « confusion entre chômage et RSA ». Une conférence de presse a eu lieu ce mercredi 22 octobre, à Paris.

31 millions de contrôles par an, 0,3 % de fraudeurs…

« Il est bien indiqué dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que les droits sont imprescriptibles, car ils sont attachés à la personne humaine », explique Nathalie Tehio, présidente de la Ligue des droits de l'homme, « c'est donc une obligation de l'État de mettre en œuvre ces droits. À ce titre, ce décret est au service d'une idéologie mortifère, qui voudrait que le RSA ou le chômage soient considérés comme une rétribution au mérite, évaluée par des dispositifs de contrôle toujours plus déshumanisants ».

Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), le taux de non-recours (c'est-à-dire les personnes qui ne bénéficient pas d'une prestation à laquelle elles auraient pourtant droit) était en 2022 de 34 % pour le RSA et de 30 % pour l'assurance-chômage. En parallèle, les situations de fraude au chômage avérées concerneraient 0,3 % des 13 millions d'allocataires selon la Cour des comptes. « Cela n'empêche pas que 31 millions de contrôles aient lieu par an, sur 6 millions de personnes, ce qui indique que les mêmes personnes se font contrôler plusieurs fois. Or, la fraude qui existe est marginale, et surtout professionnelle, organisée, très loin des clichés sur les allocataires lambda », précise Sophie Rigard, chargée de projet accès digne aux revenus au Secours Catholique.

Depuis la loi plein emploi, toute personne qui demande le RSA est automatiquement inscrite à France Travail, mais également son conjoint, même si celui-ci ou celle-ci travaille. Lors d'un contrôle, ils peuvent être tenus de transmettre l'ensemble de leurs relevés bancaires de l’année, ce qui, pour le collectif, constitue une « méconnaissance du droit à une vie privée familiale normale ». Par ailleurs, l'allocataire ne perçoit plus ses aides pendant la durée du contrôle, et elles ne sont pas rétribuées rétroactivement si aucune fraude n'est finalement détectée.

« La question de la fraude est un leurre. Si on en trouve, c'est du côté des employeurs qui ne payent pas les cotisations du travail illégal. » Denis Gravouil, secrétaire confédéral bureau confédéral de la CGT

Pour Denis Gravouil, du bureau confédéral de la CGT, « cette question de la fraude est un leurre. Si on en trouve, c'est du côté des employeurs qui ne payent pas les cotisations du travail illégal qui représenterait 6 à 8 milliards d'euros de manque à gagner », selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS). « Il nous faut des services publics ouverts, avec des agents qui sont là pour aider les usagers à accéder à leurs droits, et pas pour les fliquer ou pour faire des économies. »

Ce changement de doctrine des Caisses d’allocations familiales et de France Travail, tourné vers d'avantage de contrôle et de surveillance, entraîne également du mal-être chezles agents. « On est passé de l'accompagnement individualisé au traitement de masse, sans outil, sans moyens : la charge de travail a explosé », déplore Vincent Lalouette, secrétaire général adjoint FSU et agent France Travail, « les collègues ne se reconnaissent pas dans ces missions de contrôles qui leurs sont imposées. »

Des sanctions arbitraires

Le collectif dénonce également la dimension arbitraire des sanctions prévues par le décret du 30 mai 2025, et leur variabilité d'un territoire à l'autre. « À Orléans, par exemple, les agents doivent organiser un sondage pour décider de la valeur de la sanction. Tandis que dans le Val-de-Marne, le premier manquement relatif à l'élaboration du programme d'engagement est sanctionné d'une suspension à 100 %. C'est une décision locale, purement arbitraire, ce qu'ils appellent une marge de manœuvre », révèle Luc Chevalier, du syndicat Sud Emploi. Dix jours seulement sont accordés aux bénéficiaires pour contester une sanction. Dix jours qui ne sont pas, là non plus, suspensifs.

Les quatre recours devraient être examinés lors d'une séance unique, d'ici à la fin de l'année.