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INDUSTRIE

ACI Group dans la tourmente

20 novembre 2025 | Mise à jour le 10 décembre 2025
Par | Photo(s) : CGT ACI
ACI Group dans la tourmente

Assemblée Générale des salariés de RMT à Roche la Molière. Octobre 2025

La holding ACI Group, qui emploie près de 1 600 salariés dont 1 450 en France a été placée en redressement judiciaire. Alors que plusieurs filiales sont menacées, une délégation CGT était reçue à Bercy mardi 18 novembre 2025.  Les syndicats attendent des engagements forts pour sauver l'outil industriel.
Le redressement judiciaire du groupe ACI, décidé par le Tribunal de Commerce de Lyon fin septembre confirme la gravité d'une crise industrielle annoncée depuis des mois. Son passif est estimé à quelque 55 millions d'euros. Fondé en 2019 sur une stratégie de rachats massifs de PMI, le groupe a englouti une quarantaine d'entreprises de mécanique, usinage et fabrication de pièces critiques. Une fuite en avant financée par l'endettement, dénoncée depuis longtemps par les représentants du personnel, et aujourd'hui reconnue par l'État lui-même dans le lancement d'un audit officiel sur la gouvernance du groupe.
Pour les salariés, la sanction est lourde : des centaines de familles sont plongées dans l'incertitude. Plusieurs filiales – notamment dans la Loire – ont déjà basculé dans les procédures collectives. À Roche-la-Molière, l'entreprise Roche Meca Tech (RMT), qui compte 40 salariés, a déclaré la cessation de paiements après des mois d'alertes restées sans réponse. Les salariés ont dû se mobiliser pour le paiement de leur salaire qui ne leur avait pas été versé en septembre. Mais sur d'autres sites, les retards persistent, obligeant les travailleurs à se débrouiller pour survivre.
L'effondrement d'ACI risque d'affecter le tissu industriel français avec la disparition d’un savoir-faire unique et un réel impact sur la souveraineté nationale. En effet, ses activités se situent notamment dans la mécanique de précision, le ferroviaire, mais aussi dans des secteurs stratégiques sensibles pour la défense et l'énergie nucléaire. Or, plusieurs PME rachetées par ACI ont déjà été liquidées ces derniers mois.

Des responsabilités désormais pointées au grand jour

La gestion du dirigeant majoritaire, Philippe Rivière, est aujourd'hui sévèrement critiquée. Le tribunal de commerce de Lyon lui a retiré toute direction opérationnelle, confiant les clés du groupe à deux administrateurs judiciaires, avec une mission élargie. Les syndicats évoquent une « gestion calamiteuse » : absence de stratégie industrielle, décisions opaques, rachats non financés, trésoreries siphonnées entre filiales. Le retrait du fonds Fortuna, qui devait apporter jusqu'à 80 millions d’euros, a achevé de déstabiliser un édifice déjà fragile. A cela s'ajoutent de curieuses factures pour des voyages ou des véhicules de luxe, comme cette moto à 110 000 euros.  « Tout porte à croire que le PDG absorbe la trésorerie des entreprises rachetées, les fait remonter au niveau de la holding et encaisse les prêts garantis par l'Etat » s'indigne Samy Tabti, délégué CGT de RMT. « L'Etat a une sérieuse responsabilité car il a soutenu ce personnage dans ses opérations (…) On l'a vu aussi accompagner le président de la République pour représenter l'industrie française lors de déplacements à l'étranger », confie Ludwig Béraud, secrétaire de l'USTM CGT de la Loire. Pourtant, sa réputation sulfureuse est connue et décriée jusque dans les milieux patronaux.

L'État sommé d'intervenir

Face à cette situation explosive, la pression monte sur le gouvernement. Après une première interpellation au Parlement, le ministre de l'Économie, Roland Lescure, a annoncé un audit complet sur ACI. Une étape importante, mais insuffisante pour les salariés, qui veulent désormais des garanties. Malgré la gravité de la situation, certains sites conservent de réels atouts : équipes qualifiées, relations clients solides, expertise reconnue dans les pièces critiques. Pour les syndicats, ce potentiel doit être protégé avant qu'il ne soit trop tard. La période d'observation du redressement judiciaire court jusqu'à décembre. C'est dans ce contexte qu'une délégation CGT était reçue le 18 novembre 2025 à Bercy, où un échange a pu avoir lieu avec Sébastien Martin, ministre de l'Industrie.
La CGT y portait plusieurs revendications : La préservation immédiate des emplois, le paiement des salaires, la transparence et la recherche de repreneurs solides pour les filiales menacées.  « Nous avons largement débattu de la question de l'urgence sur les salaires » rapporte Ludwig Béraud. « Nous avons insisté aussi sur l'ouverture de la data room pour connaître les repreneurs dans les entreprises qui sont en redressement judiciaire. Sur cette question, le ministère semble sincère quand il nous dit qu'il est en train de négocier l'accès avec les administrateurs. Nous avons aussi insisté sur la question de la gestion du PDG, Philippe Rivière. » La balle est désormais du côté de l'Etat et de la Justice. Le Tribunal de Commerce de Lyon doit statuer le 25 novembre 2025. Un rassemblement est prévu à cette date devant le Tribunal.