7 novembre 2014 | Mise à jour le 18 avril 2017
Après la seconde guerre mondiale, la justice a connu l'un des plus grands procès de l'Histoire à Nuremberg. Mais cela a-t-il suffi à « purger » une société allemande qui avait massivement suivi Hitler ? Notamment pour la réparation des crimes subis par des citoyens allemands ? La question est au cœur de Terminus Allemagne, passionnant premier roman d'Ursula Krechel.
Ce roman aborde une thématique qu’aucun pays n’aime à voir refaire surface. Celui des crimes et des injustices commis contre ses propres citoyens. Et pourtant, le livre d’Ursula Krechel a connu un très grand succès dans son pays.
Nous y rencontrons Richard Kornitzer en août 1948. Ce juge, d’honnêteté scrupuleuse, est promis à un bel avenir. Mais il a tout perdu dès le début de la montée du nazisme. Richard Kornitzer est juif. Bien que non pratiquant et marié à une allemande, il a dû s'exiler à Cuba, alors sous la coupe de Battista. Le seul pays qui n’a pas refusé cet apatride solitaire et déboussolé
Le couple Kornitzer a été contraint de confier ses deux enfants à des institutions juives qui ont organisé des convois ver la Grande-Bretagne (Le Kindertransport) pour leur éviter les persécutions ou la mort.
Rentré après la défaite allemande dans un pays détruit par les bombardements, le juge Kornitzer va consacrer toute son énergie à obtenir une « réparation » de tout ce dont il a été spolié. Mais son pays est il décidé à reconnaître ceux qui ont été persécutés et à purger son administration des coupables de « crimes de bureau » ?
Et qui peut mesurer l’ampleur des pertes qu’il a subies ? Car, au-delà des biens matériels, si Kornitzer est vivant, qu’en est-il de sa famille atomisée dans trois pays ? Et ses enfants, si jeunes et malléables à leur départ, qui leur restituera les liens qui les unissaient à leur parents et que l’éloignement et les contacts devenus impossible ont définitivement tranché ?
Il ne suffit pas d’être fort de son bon droit, d’avoir été traqué, spolié et exilé, séparé des siens et de tout ce qui constituait son existence : Richard Kornitzer, représentant de la justice, va comprendre peu à peu qu’elle est une notion soumise à bien des fluctuations…
Un roman prenant, à la psychologie finement observée, qui plonge le lecteur dans le malaise d’une société qui, ayant généré l’horreur et l’inhumanité, a bien du mal à regarder en face une victime réclamant une impossible réparation.
Carnets Nord/Éditions Montparnasse. 439 pages, 19 €