12 septembre 2015 | Mise à jour le 3 mars 2017
Avec Youth, le cinéaste italien, Paolo Sorrentino, livre un drame fellinien sur l'inexorable passage du temps, sur l'art et le désir. Monumental et passionnant.
Dans un luxueux spa des alpages suisses, deux vieux amis artistes se retrouvent au crépuscule de leur vie. Fred est chef d'orchestre à la retraite et ne veut surtout pas reprendre la baguette même pour faire plaisir à la reine d'Angleterre ; Mick est cinéaste et ne peut se résoudre à lâcher, il planche sur son film-testament avec une jeune équipe motivée mais en panne d'inspiration.
Aux côtés de ces deux personnages principaux : la fille de Fred – assistante lasse, fille déçue et épouse en pleine débâcle amoureuse – et un jeune acteur hollywoodien qui rêve d'autres rôles que celui de robot qui l'a rendu célèbre. Et autour, encore, d'autres personnages comme ce Maradona boule de gras suffocante qui sait pourtant encore faire rebondir une balle de tennis comme personne, un couple élégant qui ne pipe pas mot au dîner mais baise frénétiquement dans les bois, une Miss Univers avec un corps de déesse, mais aussi un cerveau et de la répartie, une (très) jeune masseuse mutique et hyper-douée qui s'entraîne à danser devant son écran…
Cette galerie de personnages, que Paolo Sorrentino révèle à travers différentes scènes avant de les assembler progressivement, constitue une véritable comédie humaine. » Youth », le bien nommé, est un film à multiples tiroirs sur la jeunesse. Celle des corps, de l'esprit, du désir… bref, la vie dans un miroir, c'est-à-dire à l'épreuve du temps.
À partir de là, le scénario couvre les deux versants de l'humanité : le beau et le laid, la générosité et la mesquinerie. Le projet peut sembler prétentieux, il est assurément ambitieux. Le défi est abordé avec une démarche insolente d'assurance, mais jamais le regard du cinéaste ne va jusqu'au mépris.
Sorrentino se joue de ses personnages, de leurs faiblesses, mais jamais ne les abandonne totalement à leur côté sombre. Ainsi de cette actrice vieillissante – Jane Fonda, vertigineuse de cruauté – qui crache à la gueule de son pygmalion en refusant de faire son dernier film ; ainsi de ce vieillard d'Hitler qui apparaît à la table du petit déjeuner devant des pensionnaires médusés.
Son dernier film, « La Grande Belleza », hommage superbe et flamboyant à « La Dolce Vita » de Federico Fellini, avait fait sensation au Festival de Cannes en 2013. Et avait obtenu l'Oscar et le Golden Globe du meilleur film étranger. « Youth » confirme cette stature.
Et repose sur quelques évidences : la qualité de la photographie de Luca Bigazzi est époustouflante. Il filme la Suisse avec poésie et humour ; avec chaleur et froideur, entre pure beauté et carte postale clichée. La qualité des interprétations : Michael Cane et Harvey Keitel donnent, ici, une preuve majeure de leur art, tout en sobriété.Enfin, la musique de David Lang habille le film de bout en bout et confine en un bouquet final spectaculaire. « Une simple chanson » et du grand cinéma.
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Youth, de Paolo Sorrentino. 1 h 58. Sortie nationale : le 9 septembre 2015. |