Grève générale grecque contre l’austérité
Les travailleurs grecs ont massivement participé le 30 mai à la grève générale à laquelle appelaient les principaux syndicats du privé et du public. Lire la suite
« J'ai le devoir moral et l'obligation politique de me soumettre à votre jugement ». C'est avec ces mots qu'après sept mois à la tête du gouvernement, le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, a annoncé sa démission jeudi 20 août et a proposé la tenue d'élections législatives anticipées. Si les trois premiers partis après Syriza, appelés par le président, l'un après l'autre, à tenter de former un gouvernement de coalition dans un délai de trois jours, n'y parviennent pas, ces élections devraient se tenir vers le 20 septembre.
Le 25 janvier dernier, Syriza remportait les élections législatives autour d'un projet : renégocier la dette, refuser les diktats de la Troïka (BCE, Commission européenne et FMI) et mettre un terme aux politiques d'austérité des gouvernements précédents. Les mémorandums imposés à Athènes en échange de prêts censés éviter un défaut de paiement et ajourner la menace d'explosion de la zone euro, avaient en effet plongé le pays dans un désastre économique et social, avec un PIB en chute libre et quelque 25 % de la population active au chômage.
De nouveau, consultés par un référendum voulu par Alexis Tsipras, les électeurs grecs réitéraient le 5 juillet dernier leur refus des nouvelles mesures d'austérité exigées par les créanciers du pays. Le « non », auquel appelait le Premier ministre, l'emportait alors, avec 61,31 % des suffrages malgré les pressions internationales et médiatiques. Pourtant, le 13 juillet, à l'issue de négociations très âpres, la zone euro s'est accordée sur le principe d'un nouveau prêt, baptisé « Plan d'aide », mais conditionné à des mesures drastiques telles que des privatisations massives ou de nouvelles atteintes au système de retraite. Des mesures adoptées les 15 et 22 juillet par la Vouli (le Parlement grec) en dépit du refus de plusieurs élus de Syriza.
Enfin, le 11 août, les modalités d'un prêt pouvant atteindre environ 85 milliards d'euros ont été finalisées, puis adoptées par le Parlement avec les voix de l'opposition et malgré la défection de plus d'une quarantaine de députés de Syriza. La majorité parlementaire, relative, s'est réduite à 119 élus sur 300.
Une première tranche de prêt a permis de payer… les créanciers, les banques privées étant les premières bénéficiaires de la dette grecque. Et le Premier ministre a décidé à remettre son mandat en jeu. Dès le 21 août, plusieurs responsables de Syriza, condamnant un accord jugé infidèle aux choix des électeurs, ont annoncé la création d'un nouveau parti indépendant, « Unité populaire ». Ni Yanis Varoufakis (le ministre des Finances qui avait dû « démissionner » en juillet) ni Zoé Konstantopulou, la présidente de la Vouli (qui a elle aussi dénoncé le plan), n'y participent.
Par un chantage à la fermeture des banques et à un coûteux « Grexit », Angela Merkel et François Hollande sont parvenus à imposer à la Grèce un plan qui entérine une série de réformes dites « prioritaires » désastreuses pour la population autant que pour l'économie du pays. Parmi elles : la suppression de la plupart des dispositifs de retraite anticipée et l'objectif d'une retraite à 67 ans ; une réforme de la protection sociale ; la libéralisation du marché de l'énergie, des services, toute une série de privatisations, dont celles des ports du Pirée et de Thessalonique ; une réforme de l'administration et du « marché » du travail ; ainsi que la révision du droit du travail.
Si la lutte contre la fraude fiscale est annoncée, elle devrait s'accompagner de la suppression de certains impôts… Toutes les décisions du gouvernement ayant un impact budgétaire devront même être négociées avec les créanciers.
L'objectif de la Troïka est clair, si elles satisfont aux exigences des banques privées ou du patronat grec, de telles mesures ont surtout un dessein politique. Il s'agit d'affirmer qu'aucune alternative aux politiques européennes n'est envisageable. Et que ceux qui s'y risqueraient seraient soumis aux sanctions et au bulldozer médiatique de la délégitimation, voire acculés à la division…
« Ce n'était pas l'accord que j'espérais, mais c'est le meilleur accord que nous aurions pu signer », plaide Alexis Tsipras. Si certains voient dans le nouveau plan comme une trahison, le Premier ministre démissionnaire met en avant l'absence de rapport de force suffisant, pour résister au chantage de ceux qui défendent les traités au détriment des droits des peuples et de la démocratie. Et de la logique économique elle-même, puisque chacun s'accorde à reconnaître que la nouvelle purge imposée au peuple grec plombera davantage encore tout espoir de reprise.
Certes, son gouvernement et la Vouli peuvent s'honorer d'avoir fait adopter une loi d'aide aux plus précarisés, mis sur pied un ministère chargé de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, lancé un audit de la dette publique, et même fermé les camps de rétention pour migrants. Certes, l'accord négocié devrait permettre, sans certitude, de renégocier la dette à partir de l'automne…
Mais pour les électeurs comme pour Alexis Tsipras lui-même, on est là loin du compte. Et, si le Premier ministre démissionnaire avance : « Nous avons négocié dur et longtemps, nous avons résisté au chantage. […] La résistance de notre peuple est devenue un emblème pour d'autres pays européens », il ajoute : « Nous avons tenté, dans des conditions défavorables, avec un rapport de force difficile en Europe et dans le monde, de faire valoir la raison d'un peuple et la possibilité d'une voie alternative. » Sans conclure, il assure : « Au bout du compte, même si les puissants ont imposé leur volonté, ce qui reste c'est l'absolue confirmation, au niveau international, de l'impasse qu'est l'austérité ».
La Troïka, les zélateurs d'une orthodoxie budgétaire purement comptable, les promoteurs d'une déstructuration des acquis sociaux baptisée « modernité », les amateurs du dumping social généralisé, de la concurrence de tous contre tous, peuvent-ils continuer à s'entêter longtemps alors que les nationalismes les plus radicaux profitent de la désignation des boucs émissaires, en l'occurrence du peuple grec, pour progresser et proposer la guerre des pauvres contre les pauvres ?
De toute évidence, contre ces politiques dévastatrices autant que contre ces illusions nationalistes, c'est ensemble que les peuples et les travailleurs européens sont appelés à se mobiliser.
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