Préjudice d’anxiété. Ça tousse chez les anciens d’Arjuzanx
L'audience, délocalisée à L'Auberge Landaise à Mont-de-Marsan (40) afin d'accueillir quelque 300 personnes, a duré 5 heures. Les prud'hommes renvoient leur jugement en délibéré au 26 février.
COLÈRE ET HONTE
« Affirmer, comme l'a fait l'avocat qui représente les intérêts d'EDF, que la demande des 99 anciens salariés de la centrale thermique est à la limite du droit est indécent. » Jean-Louis Barthes, ancien secrétaire du syndicat CGT de l'entreprise et animateur du collectif de défense des victimes de l'amiante du Grand Sud-Ouest, ne mâche pas ses mots à l'issue de l'audience qui s'est déroulée le 27 novembre : « Il a même osé développé l'argument selon lequel les ex-Arjuzanx n'auraient pas été exposés massivement à l'amiante. »
LES SALARIÉS
EDF a pourtant été condamné à 80 reprises pour faute inexcusable. Un fait que rattrape une réalité plus sinistre et scandaleuse. Parmi les 1 323 agents qui travaillaient entre 1959 et 1992 au fonctionnement de la centrale thermique et à l'extraction de lignite à ciel ouvert, 121 ont développé une pathologie liée à l'amiante et 36 sont décédés.
LA POPULATION
La population de Morcenx souffre également : l'exposition au “cancer blanc” concernerait 2% des habitants d'après Michel Ledoux, l'un des avocats des anciens salariés. Certes la maladie épargne encore les 99 demandeurs, mais chacun demande la reconnaissante et l'indemnisation – à hauteur de 15 000 € – du préjudice d'anxiété dont il est victime. Ils réclament également, conformément au Code du travail, la délivrance de fiches d'exposition à tous les produits cancérogènes, mutagènes et neurotoxiques (CMR) afin de bénéficier du suivi médical post-professionnel adapté.
UN JUGEMENT À LA HAUTEUR DU SYMBOLE ?
La procédure est unique. La demande des anciens d'Arjuzanx s'appuie toutefois sur une jurisprudence établie par la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 11 mai 2010, qui donne droit aux prud'hommes de statuer sur le préjudice d'anxiété. Elle rend l'instance apte à se prononcer sur un contentieux qui porte sur l'exécution et les conditions du contrat de travail.
« L'affaire est importante et le sujet sérieux, ajoute Jean-Louis Barthes. La question que nous posons est celle de la santé au travail dans sa globalité. Le travail doit épanouir, non pas être une maladie mortelle. Nous travaillons pour gagner notre vie, non pour la perdre. Qu'il s'agisse d'exposer les salariés à des substances dangereuses qui portent atteinte à leur santé physique, ou à des organisations du travail qui nuisent à leur santé psychique, la réparation doit être au service de la prévention. Voilà pourquoi nous ne lâchons pas le morceau, et que nous veillons à entretenir les dynamiques de mobilisation et de revendication depuis toutes ces années. »
Le positionnement des juges tient désormais la CGT et le collectif de défense des victimes de l'amiante du Grand Sud Ouest en haleine. Les regards se tournent par ailleurs vers la Garde des Sceaux, interpellée ce jour-là sur le sort réservé à la plainte au pénal déposée en 1998 par deux anciens agents aujourd'hui décédés.