À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
SENIORS

Les seniors en plan

12 décembre 2014 | Mise à jour le 5 avril 2017
Par
Les seniors en plan

Le chômage des seniors a augmenté de plus de 11 % en un an. La principale cause est le recul de l'âge de la retraite, qui laisse sans perspectives d'emploi et sans ressources suffisantes une bonne partie des salariés privés d'emploi de plus de 50 ans. La CGT défend une politique de l'emploi qui, loin de la cure d'austérité infligée aux salariés, doit permettre à tous de ne pas être en concurrence dans l'emploi, dans la recherche d'emploi ni dans la file d'attente des allocataires, et aux plus âgés d'accéder à la retraite dans des conditions dignes.

Le taux de chômage des seniors suit une courbe ascendante depuis plusieurs années. En septembre, le nombre de demandeurs d'emploi de plus de 50 ans inscrits à Pôle emploi en catégorie A avait progressé de 1,1 % ; il a augmenté de plus de 11 % en un an, de juin 2013 à juin 2014, en dépit du « plan senior » élaboré par le ministre du Travail, François Rebsamen, au printemps dernier et remis en selle par François Hollande le 8 novembre dernier, lorsqu'il a annoncé des mesures à destination des demandeurs d'emploi âgés.

Le succès des différents contrats aidés favorisant l'embauche ou le maintien dans l'emploi des seniors étant plus que mitigé, le gouvernement semble aujourd'hui vouloir se replier sur un « aménagement » de la situation créée notamment par le recul de l'âge de la retraite en proposant une allocation de survie pour les sans-emploi entre 60 ans et 62 ans. « Une aumône », estime la CGT, qui demande le retour à la retraite à 60 ans pour tous, la reconnaissance de la pénibilité par un départ anticipé en retraite et l'encadrement des ruptures conventionnelles.

1. L'AUGMENTATION DU CHÔMAGE DES SENIORS

Sans emploi et âgé : l'impasse
Le nombre total de demandeurs d'emploi de catégorie A, c'est-à-dire sans aucune activité, en France métropolitaine, s'élevait à 3 432 500 en septembre. Parmi eux, 1,14 million de seniors, c'est-à-dire de personnes de 50 ans et plus. Ce nombre progresse deux fois plus vite (+11,5 % par an) que celui des autres tranches d'âge. Il n'a pas connu un seul mois de baisse depuis le deuxième trimestre 2008. Un rapport de l'OCDE, publié en janvier dernier, constate que moins d'un salarié français sur deux entre 55 et 64 ans a un emploi (45,9 %).

Les seniors constituent également une bonne part du million de demandeurs d'emploi de longue durée. Leur nombre de jours d'indemnisation est en moyenne de 447 jours, contre 284 jours pour les 25-49 ans. Les plus de 55 ans au chômage de longue durée représentent 62 % des seniors sans emploi. Pour la plupart d'entre eux, la seule porte de sortie est le passage à la retraite. Et pour ceux qui ont 55 ans aujourd'hui, cela signifie qu'il va falloir attendre 7 ans avant de pouvoir liquider leurs droits à la retraite, avec des dispositifs d'indemnisation qui se réduisent comme une peau de chagrin et/ou des allocations dérisoires.

 

Les causes
Les causes de cette augmentation préoccupante du nombre de chômeurs seniors sont connues. Outre le chômage endémique dû aux politiques ultralibérales d'austérité, la plus évidente parmi les causes spécifiques du chômage des seniors est la discrimination liée à l'âge au moment de l'embauche. Une enquête de la Dares réalisée en 2008 montre que l'âge à partir duquel un employeur considère un salarié comme « âgé » est de 58 ans, c'est-à-dire quatre ans avant l'âge légal de départ à la retraite dans le secteur privé. Mais c'est surtout leur « coût » relativement plus élevé par rapport aux salariés plus jeunes, et le rapport ­salaire-productivité (jugée inférieure a priori à celle d'un jeune travailleur) qui est le plus souvent cité comme un obstacle à leur maintien dans l'emploi et à leur recrutement.

En réalité, nombre de rapports nuancent l'image d'une progression de carrière linéaire et continue en fonction de l'âge : le maximum de progression est atteint entre 45 et 55 ans dans le secteur privé. Les salariés de plus de 55 ans subissent souvent une décote de salaire par rapport à leur carrière lorsqu'ils retrouvent un emploi.


Mais la principale raison de l'augmentation rapide du chômage des seniors est le recul de l'âge de la retraite suite aux différentes réformes des années 2000, qui laissent sur le carreau un grand nombre de chômeurs âgés sans perspectives de réemploi et sans possibilité de liquider leur retraite. Il s'est accompagné de la suppression progressive de l'ensemble des dispositifs de cessation d'activité. La suppression progressive de la dispense de recherche d'emploi entre 2008 et 2011 (devenue définitive le 1er janvier 2012) aurait ainsi, selon une étude de 2012 de la Dares, contribué pour plus d'un tiers à l'évolution du nombre de demandeurs d'emploi âgés de 50 ans ou plus en 2009, pour 80 % en 2010 et pour 75 % en 2011.

Le dispositif de préretraite – l'allocation équivalent retraite (AER) – financé par l'État a été supprimé en 2011, officiellement pour maintenir les seniors dans l'emploi. Dans les faits, les entreprises qui veulent se séparer d'un salarié âgé ont recours de plus en plus fréquemment aux ruptures conventionnelles.

2. LE « PLAN SENIOR »

Le ministre du Travail, François Rebsamen, avait dévoilé en juin dernier les grandes lignes de son plan pour lutter contre le chômage des plus de 50 ans, appelé « plan senior ». Il en prédisait des effets rapides, notamment une stabilisation du chômage des seniors dans les six mois, précisant dans une déclaration à l'AFP que les mesures seraient financées par « un redéploiement et une meilleure utilisation des enveloppes existantes ». En clair, à moindres frais. Ce plan devait être précisé avec les « partenaires sociaux » lors de la conférence sociale des 7 et 8 juillet, mais le « plan senior » est resté un canevas dont les modalités sont demeurées floues.

 

Incitation à l'embauche ?
Le ministre du Travail comptait notamment jouer sur l'incitation financière, en étendant la prime du contrat de génération à l'embauche d'un senior, tout en la doublant. Les entreprises de moins de 300 salariés devraient à présent toucher 4 000 euros pour l'embauche d'un salarié de plus de 57 ans, à la condition de recruter en CDI un jeune de moins de 26 ans, pour lequel ils reçoivent déjà 2 000 euros supplémentaires. Ce dispositif est boudé par les entreprises : seuls 29 000 contrats de génération (incluant le seul maintien d'un emploi senior) ont été signés depuis leur lancement en mars 2013, bien loin de l'objectif gouvernemental de 75 000 en un an.

 

« Redoubler d'efforts pour les plus âgés »
Le ministre entendait faire bénéficier les seniors au chômage de longue durée d'un « accompagnement renforcé » par Pôle emploi d'ici à la fin de l'année, avec un suivi personnalisé et un « accès facilité aux prestations ».
Une aide de 2 000 euros à l'embauche d'un salarié de plus de 45 ans en contrat de professionnalisation (très peu utilisé par les seniors) a été conçue, en plus de l'exonération totale des cotisations patronales. Il s'agit « d'adapter le contrat de professionnalisation existant aux caractéristiques des demandeurs d'emploi seniors, en améliorant la rémunération et en définissant des formations adaptées », a expliqué le ministre.

 

« Mobiliser les entreprises »
Il s'agissait de centrer les contrats aidés du secteur marchand sur les seniors et les chômeurs de très longue durée (plus de 3 ans), l'idée étant de doubler le pourcentage réservé aux seniors, aujourd'hui d'environ 25 %. Les contrats initiative-emploi (CIE) devaient être réservés en priorité aux seniors, aux côtés des demandeurs d'emploi de longue durée et des personnes handicapées. On prévoit 80 000 CIE en 2015.
Autre objectif affiché : « renforcer » la part des seniors dans le plan de 100 000 formations prioritaires destiné à orienter les chômeurs vers des secteurs qui recherchent de la main-d'œuvre.
Parmi la batterie de mesures proposées figurait également l'immersion de seniors en entreprise, notamment par un partenariat avec Pôle emploi, qui devait permettre de mobiliser 1 500 entreprises afin de réaliser 5 000 immersions en année pleine.

3. « NOUVELLES » ANNONCES GOUVERNEMENTALES

Lors de son intervention télévisée du 8 novembre dernier, François Hollande a annoncé des mesures à destination des demandeurs d'emplois âgés, qui reprennent en partie le plan senior exposé en juin. L'une d'elles est l'aménagement du contrat de professionnalisation pour qu'il corresponde mieux aux seniors. Baptisé « contrat nouvelles carrières », il devrait être effectif début 2015.

Le fléchage des contrats aidés sur les chômeurs seniors sera mis en œuvre.
François Hollande annonce enfin un « geste » pour les personnes de plus de 60 ans sans emploi qui ont tous leurs trimestres de cotisations mais pas encore l'âge légal de la retraite. Il promet de rétablir l'AER, qui assure un revenu à un chômeur senior qui a épuisé ses droits au chômage mais ne touche pas encore la retraite. L'AER n'avait été en son temps que très partiellement remplacée par l'actuelle allocation transitoire de solidarité (ATS). À la suite de cette décision, des milliers de seniors avaient été plongés dans une situation financière difficile, aggravée par le report de l'âge de la retraite de 60 à 62 ans. L'Élysée évoque un coût de l'ordre de 80 millions d'euros pour la rétablir.

Le chef de l'État a, semble-t-il, entretenu la confusion en faisant référence au décret signé le 5 mars 2013 par l'ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault étendant l'ATS. En réalité, le nombre d'allocataires de l'ATS va bien être augmenté. « Le bénéfice de cette allocation sera […] étendu à toutes les personnes, dès lors qu'elles auront atteint l'âge de 60 ans et cotisé suffisamment pour accéder à une retraite à taux plein, nées en 1954, en 1955 et en 1956 », a précisé le 12 novembre François Rebsamen, à l'occasion des questions d'actualité posées par les députés au gouvernement. Ainsi, à partir de 2015, les sans-emploi nés avant le 1er janvier 1957, ne percevant plus d'allocations chômage et justifiant du nombre de trimestres requis dans leur classe d'âge pour prétendre à une pension sans décote pourront toucher l'ATS à compter de leur soixantième anniversaire. Ils devront, en outre, ne pas dépasser un certain plafond de revenus mensuels (1 669,44 euros pour une personne seule, 2 399,83 euros pour un couple).

L'allocation journalière maximum serait de 34,78 euros (le montant est dégressif en fonction des ressources) qui viendra s'ajouter aux 16,11 euros par jour attribués au titre de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) octroyée aux chômeurs en fin de droits.


Dans le cas où le chômeur de plus de 60 ans n'a pas tous ses trimestres de retraite, il pourrait bénéficier d'un contrat aidé, « dans une entreprise ou une collectivité » afin de lui permettre d'acquérir les trimestres manquants. « Ce contrat aidé s'ajoutera à l'allocation spécifique de solidarité » (ASS, versée aux chômeurs en fin de droits), a-t-il indiqué. Mais l'annonce, là encore, n'en est pas vraiment une : cela revient peu ou prou à recourir au cumul de l'ASS et d'un emploi aidé, déjà possible mais peu utilisé.

Au vu des chiffres qui tous attestent de l'augmentation inexorable du nombre des sans-emploi de plus de 50 ans, les dispositifs existants ne bénéficient pas vraiment aux seniors. La solution gouvernementale consiste néanmoins à insister pour les rendre plus « attractifs » — du moins pour le patronat –, quand on sait qu'après 55 ans, les chances de retrouver un emploi sont très faibles. Il n'y a donc, en vérité, qu'une manière de lutter contre le chômage des plus anciens : c'est le maintien dans l'emploi, d'une part, et le retour à la retraite à 60 ans pour tous, de l'autre.

 

Ces conséquents étaient prévisibles

Dans un communiqué en date du 7 novembre, la CGT ne peut que constater que les réformes des retraites, y compris celle de 2014, produisent les dégâts prévisibles sur l'emploi des plus âgés. L'allocation réservée aux plus de 60 ans n'est qu'une allocation de survie, une aumône concédée par le gouvernement à une catégorie de travailleurs parmi les plus touchées par le chômage et la précarité. Les déclarations sur le compte pénibilité sont venues confirmer un positionnement qui consiste à faire en sorte que l'entreprise n'ait jamais à payer. La politique d'austérité infligée aux salariés, aux retraités, aux privés d'emploi, n'est aménageable que pour les entreprises et les actionnaires.

La CGT continuera de défendre le retour à la retraite à 60 ans pour tous, la préretraite pour ceux qui ont effectué des travaux pénibles et la fin des ruptures conventionnelles qui, dans le cas des seniors, revient à faire assumer les conséquences des licenciements par l'assurance chômage. C'est dans ces conditions d'une massification durable du chômage que le gouvernement veut s'en prendre aux chômeurs en renforçant les contrôles, rebaptisés « dispositifs d'accompagnement dans l'emploi », avec l'idée martelée par le Medef que les licenciements d'aujourd'hui préparent les emplois de demain.