Défendre et développer notre modèle social
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nvo : Les restructurations et réorganisations permanentes au sein du ministère de la Défense ont des conséquences sur la santé des salariés. Lesquelles ?
Frédéric Fourteau * : Ces réorganisations, avec parfois la fermeture pure et simple de certaines structures, placent les personnels dans une situation où il leur est impossible de se projeter dans un avenir proche. Nombreux sont celles et ceux qui ne savent pas où ils vont « atterrir ». Au terme de la période 2008-2019, il y aura eu dans notre ministère 85 000 suppressions de postes dont plus du tiers était occupé par du personnel civil. Si, jusqu'en 2012, les gens ont pu être reclassés dans un rayon de 100 kilomètres, ce qui n'est déjà pas rien, aujourd'hui ce n'est même plus possible. Changement de région, changement de fonction dans l'année sont des menaces permanentes qui génèrent des troubles psychosociaux bien réels. Le ministère a déjà été condamné deux fois pour faute inexcusable, notamment suite à une tentative de suicide à Montpellier, dans la mesure où il n'avait pas consacré les moyens nécessaires à la protection des salariés.
* Frédéric Fourteau est délégué fédéral régional pour la zone de défense sud ouest. Il a été élu CHSCT de 2002 à 2007 à l'atelier industriel de l'aéronautique de Bordeaux.
Le manque d'information, voire le secret, est visiblement de mise dans votre administration…
Oui, et ce sont des facteurs aggravants. On vient par exemple d'apprendre, sans que l'information ait été donnée officiellement, que l'hôpital des armées Robert-Picqué, à Bordeaux, ferait l'objet d'une restructuration prévoyant la suppression de trois quarts des postes. À côté de l'établissement, il y a une clinique privée dont le patron explique qu'il reprendra les activités ainsi supprimées, sans embaucher aucun des personnels. Imaginez l'ambiance créée dans cet hôpital militaire qui emploie 300 salariés civils. De la même manière, le ministère ne veut toujours pas nous dire quelles sont les substances éventuelles au contact desquelles ont été mis les matériels utilisés lors des opérations extérieures.
Dans ce contexte, quel rôle peuvent jouer les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ?
Rappelons tout d'abord qu'au ministère de la Défense, la notion de conditions de travail liée au comité d'hygiène et sécurité existe depuis 1982, contrairement au reste de la fonction publique où il a fallu attendre trente ans. Pour une fois, notre ministère avait un temps d'avance. Mais les textes nouveaux contiennent deux avancées notables. Tout d'abord un rôle important est attribué au secrétaire du CHSCT dans le fonctionnement de cette instance, ce qui va de pair avec un pouvoir substantiel accordé aux représentants du personnel. Ensuite, il y a désormais la possibilité de faire appel à un expert reconnu par les représentants du personnel pour procéder à une expertise sans que l'administration puisse en détourner les conclusions ou les recommandations. Dans mon établissement, où nous avons eu à déplorer plusieurs décès, mes collègues ont pu utiliser ces possibilités pour que soient mises au grand jour les nuisances pour la santé qu'a pu entraîner l'utilisation de certains produits. Même si le rôle des CHSCT ne se résume pas à cela, ce sont des moyens très importants qu'il faut utiliser. Et je pense indispensable de mettre en place, au plan fédéral, une réelle politique de formation permettant aux élus CHSCT de s'en emparer pleinement.
Pour autant, jugez-vous suffisants les moyens dont disposent les CHSCT ?
Outre la formation nécessaire, c'est parfois une bataille pour disposer des moyens que les textes donnent aux représentants du personnel au sein des CHSCT. Certains militaires jugent que les CHSCT leur enlèvent des pouvoirs et ont du mal à reconnaître les droits des mandatés. Par ailleurs, il faut mieux communiquer entre structures de la CGT. Il est dommage en effet qu'au moment des négociations avec l'administration, une mauvaise communication entre notre fédération et celle de la fonction publique se soit soldée par un recul des moyens dont nous disposions spécifiquement à la Défense. Chez nous, les anciens textes fixaient que « les représentants du personnel utilisent le temps nécessaire à l'exercice de leur mandat » au sein du CHSCT. Nous couvrons un champ très large allant du risque lié à la bureautique au risque radiologique-bactériologique, ce qui requiert des moyens adaptés. Le domaine des conditions de travail est vital pour les salariés. Comme en toute matière, il nous faut donc gagner des droits nouveaux.