À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
HÔPITAL

Jeudis noirs dans la ville rose

5 août 2014 | Mise à jour le 24 avril 2017
Par
Jeudis noirs dans la ville rose

Le malaise s'étend au sein du nouvel hôpital Pierre-Paul Riquet du CHU de Toulouse. Depuis son ouverture en avril, on en est au quatrième mouvement de grève. Après l'accueil, la réanimation neuro chirurgicale puis les blocs opératoires, c'est le service d'hospitalisation complète B3 qui est entré dans l'action.

Le dernier jour du mois de juillet a aussi été le premier « jeudi noir » du B3, l'un des services de neurochirurgie du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse, installé depuis quatre mois à peine dans l'hôpital flambant neuf Pierre-Paul Riquet. Cette action de grève d'une durée de une à deux heures et sa fréquence hebdomadaire, avaient été décidées par les personnels réunis en assemblée générale avec la CGT, le 16 juillet.
60% des salariés présents, pour l'essentiel des femmes infirmières et aides soignantes, ont cessé le travail. Ensemble, elles ont décidé de reconduire l'action dans le cadre d'un deuxième « jeudi noir », le 7 août.

Au cœur de leur mouvement : la surcharge de travail et l'impossibilité d'effectuer correctement leurs missions au service des patients. L'installation du service dans le nouvel hôpital a été l'occasion d'accroître son volume de cinq lits supplémentaires, sans augmenter des effectifs pourtant déjà insuffisants. Et sans qu'il ne soit procédé à aucune évaluation des risques ni de la charge de travail.

UN PLANNING EN INFRACTION AVEC LES RÈGLEMENTATIONS

Aujourd'hui, la direction est en permanente infraction au regard des réglementations sur le temps de travail des agents, enfreignant allègrement les règles qui régissent les repos obligatoires. Il n'est pas rare que des personnels soient rappelés, à leur domicile, pour venir travailler alors qu'ils sont en repos hebdomadaire. Bien trop souvent, les infirmières ne peuvent observer aucune pause dans la journée, pas même pour déjeuner. Les heures supplémentaires ne se comptent plus. Les départs et retours de congés annuels sont savamment encadrés de week-ends travaillés, en contradiction avec l'accord local sur les 35 heures. « Pour faire tourner normalement le planning », il faudrait créer 6,5 équivalents temps plein (ETP) chez les aides médicales et 2,5 ETP chez les infirmières dans ce service qui compte aujourd'hui 14 ETP chez les premières et 15,2 ETP chez les secondes….

L’OBSESSION DE LA RENTABILITÉ

Mais le manque de personnel est une donnée singulièrement aggravée par ce que la CGT qualifie de « dysfonctionnements organisationnels ». L'augmentation de la capacité d'accueil du service s'est accompagnée d'un accroissement du nombre de pathologies lourdes ou de patients en situation particulièrement sévère avec, du même coup, un besoin accru de soins palliatifs. En outre, rentabilité oblige, le service héberge très régulièrement des patients d'autres pôles pour une occupation maximale des lits. Courir à la découverte de protocoles attachés à l'ophtalmologie ou à d'autres spécialités requiert alors l'énergie précieuse des infirmières de neurochirurgie.

CULPABILISATION DES PERSONNELS

Dans ce contexte, « les personnels parent au plus urgent », déplore Nasahia Bouharira, élue CGT au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du CHU. Tout ce qui est de l'ordre du relationnel, pourtant si important pour les patients « est laissé de côté ». Pour ne parler que de cela. Quant à l'encadrement des étudiants et la transmission des savoirs, il est réduit.
Les difficultés à effectuer un travail de qualité dans la sécurité pour les patients, l'angoisse de la fatigue qui peut conduire à l'erreur, génèrent une souffrance palpable parmi les personnels victimes d'un management à tous égards « pathogène ».

Pour la direction, en effet, les seuls responsables des difficultés qu'ils rencontrent, seraient les personnels eux-mêmes appelés à mieux s'organiser. Renvoyés en permanence aux insuffisances qui seraient les leurs. Invités lorsqu'ils souhaitent prendre une journée de RTT à « voir avec leurs collègues » ce qui est possible. La culpabilisation est ainsi au cœur des méthodes de management dans le service B3, où deux personnes – une infirmière et une aide-soignante – sont en arrêt maladie pour épuisement professionnel. Le CHSCT a d'ailleurs lancé une procédure de danger grave et imminent (DGI) le 17 juillet dernier. L'enquête réalisée dès le lendemain a permis de recueillir les témoignages d'agents attestant des conséquences néfastes pour leur santé, des conditions de travail qui leur sont imposées. Depuis, les visites auprès du médecin du travail se multiplient. Mais droite dans ses bottes, la direction du CHU a choisi de contester l'existence même d'un danger grave et imminent.

AUX MÊMES MAUX, UN MÊME REMÈDE

Le B3 n'est pourtant pas le premier service du pôle neurosciences à sonner l'alerte. Après l'accueil puis la réanimation de neurochirurgie, le bloc opératoire a connu une grève massive en juin dernier. A plus de 90% le premier jour, les personnels ont reconduit le mouvement pendant cinq jours.

La mobilisation a été telle qu'au cinquième jour encore, plus de la moitié des opérations ont du être déprogrammées. Là aussi, les sous effectifs, la surcharge de travail, la polyvalence exigée dans les blocs était dénoncée. « Nous avons besoin de six infirmières et six aides soignantes de plus sans oublier d'embaucher les 10 infirmiers anesthésistes manquants », soulignait alors Isabelle Doré élue CGT au bloc. En assignant massivement les personnels, bien plus que nécessaire au fonctionnement des urgences, la direction du CHU a choisi la méthode forte. « Vous pouvez faire grève trois semaines ou trois mois, vous n'aurez rien », a asséné le Directeur général devant les grévistes qui s'étaient invités à la réunion du conseil de surveillance. Visiblement, cela n'aura pas eu l'effet attendu d'une anesthésie générale….

VERS LA CONVERGENCE DES ACTIONS

Les mobilisations dans les différents services sont toutes porteuses d'un même remède aux mêmes maux. La CGT entend, dès la rentrée, contribuer pleinement à leur convergence. Des embauches sont indispensables dans l'intérêt commun des personnels et des patients. 14,7 millions d'euros, c'est le montant des frais financiers versés par le CHU de Toulouse aux banques privées pour 2013. En augmentation de 29% sur l'année précédente et bien supérieur au déficit du centre hospitalier universitaire (9,6 millions) Une rente dont la CGT demande l'annulation en préconisant une réorientation bien plus utile de ces sommes, en faveur de l'emploi.