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L’IRES, un déclin qui tombe à pic ?

29 septembre 2014 | Mise à jour le 19 avril 2017
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L’IRES, un déclin qui tombe à pic ?

En manque de moyens depuis des années, l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES), laboratoire d'investigation des organisations syndicales, 
a lancé un nouvel appel à l'État cet été. Les syndicats font bloc pour exiger le sauvetage de cet outil stratégique.

« L'IRES se meurt. » Comme un appel au secours face au discours officiel, comme un cri d'alarme lâché au milieu du décorum institutionnel indifférent. C'est l'effet du communiqué publié, mi-juillet, par Frédéric Lerais, directeur général de l'IRES. « Alors que les autorités publiques ont toujours affirmé leur soutien au renforcement des capacités des organisations syndicales dans leur réflexion, l'IRES se meurt », écrivait-il en confirmation de la lettre envoyée quelques jours auparavant par les cinq syndicats historiques – CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO – et l'UNSA Éducation, pour « saisir le premier ministre de la situation dramatique de l'IRES à la veille de la Conférence sociale de 2014 ». Car comment l'État peut-il prétendre au dialogue social s'il n'assume pas ses engagements auprès des forces syndicales ?

UN OUTIL ORIGINAL ET STRATÉGIQUE

Créée en 1982, « à la suite d'un rapport sur la démocratisation de l'information économique et sociale en France », l'IRES a pour objectif spécifique de développer la recherche des organisations syndicales à travers un centre de recherches et de documentation, d'une part, et une agence d'objectifs qui finance les recherches des organisations syndicales elles-mêmes, d'autre part.

C'est un outil de réflexion à la croisée du monde du travail et de l'investigation scientifique qui présente la richesse de faire cohabiter deux accès à l'analyse de la réalité sociale. Autre caractéristique : il n'est pas « au service de la pensée patronale comme, par exemple, l'Institut d'études économiques Coe-Rexecode, auquel se réfèrent régulièrement les pouvoirs publics », note Michel Doneddu, représentant CGT à l'IRES, mais bien de celle des salariés. La CGT collabore, par exemple, actuellement, à une étude sur « Les conséquences de la loi sur la représentativité ».

Un outil 
de réflexion à la croisée du monde du travail
et de l'investigation scientifique

Parmi les dernières études menées : « Quelle prise en compte de la pénibilité par les partenaires sociaux dans le cadre des négociations collectives d'entreprise portant sur la prévention ? », « Conséquences de la loi de 2008 sur les délégués syndicaux », « À la recherche du coût du capital », mais aussi « Allemagne. L'introduction d'un salaire minimum légal : genèse et portée d'une rupture majeure »

La revue de l'IRES et Chronique internationale de l'IRES, qui constituent littéralement son image de marque, sont également deux publications reconnues par la sphère scientifique des sciences sociales. Et par le monde salarié dans son ensemble. Car l'originalité de cette organisation est de réunir, notamment, l'ensemble des organisations syndicales représentatives françaises au sein de son conseil d'administration, de son bureau et à tour de rôle de sa présidence.

BAISSE DE MOYENS

À ce titre, l'IRES bénéficie de mises à disposition de fonctionnaires à titre gratuit (MAD) et d'une subvention rattachée au budget du premier ministre (voir encadré). Or, après des années de baisse de moyens, le budget 2013 a été en forte baisse (–13% par rapport à 2012) tombant à 3,2 millions d'euros, et le nombre de mises à disposition ont continué à diminuer. « L'IRES est asséchée petit à petit, résume une chercheuse. Sa situation financière est fragile comme un peu partout dans la recherche et ses mises à disposition ne sont pas renouvelées. Une partie des chercheurs vient de la fonction publique, de l'Éducation, du Travail, de l'Insee. Or, eux-mêmes en difficulté, les ministères rappellent leurs troupes et les départs ne sont pas renouvelés suite à la RGPP. »

En 2010, l'IRES comptait une vingtaine de chercheurs. Ils ne sont plus que la moitié dont trois mises à disposition. À cela s'ajoutent des obstacles légaux qui n'autorisent plus les mises à disposition. Et les détachements supposent que l'IRES paie les salaires correspondants et augmente ses frais de fonctionnement d'autant…

Or, Michel Sapin a beau avoir assuré l'IRES du plus grand respect de l'État lors des cérémonies de son trentième anniversaire en janvier 2013, les faits ne suivent pas. « Des solutions budgétaires existent et ont été évoquées avec vos services, mais elles n'ont pas abouti jusqu'ici », rappellent les syndicats. Pis, ils s'inquiètent de voir les restrictions budgétaires prévues par la loi de Finances dans le cadre du nouveau budget triennal 2015-2017 aggraver la situation de l'IRES et remettre en cause « son existence même ».

LE SYMPTÔME

De leur côté, « les syndicats ont consenti à une baisse du budget des recherches directement menées par eux en faveur de la recherche autonome de l'IRES, ce qui correspond à une année de masse salariale », explique Frédéric Lerais. Ils savent que son déclin menace leurs « capacités de recherches, de réflexions, d'indépendance ». Car, « la perte en ressources humaines entraîne inévitablement une perte de substance de l'IRES, confie avec embarras une chercheuse. Certains syndicats ne sont plus aussi investis, la direction interne est à la peine et cela se traduit par une baisse de sa crédibilité scientifique et de son poids dans le débat ».

D'autres y voient le symptôme d'« une baisse de l'influence des syndicats par rapport au gouvernement, mais aussi du syndicalisme dans la sphère culturelle et intellectuelle ». Or, il y a plus que jamais besoin d'un lieu où le syndicalisme puisse faire de la recherche de façon autonome pour se poser des questions sur lui-même, s'il veut être en mesure de faire de vraies contrepropositions à venir.