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SALAIRE

Thalès, salaires ou dividendes ?

13 février 2015 | Mise à jour le 24 mars 2017
Par | Photo(s) : Fred Tanneau/AFP
Thalès, salaires ou dividendes ?

Les salariés du groupe se mobilisent dans l'unité pour des salaires décents et la rémunération des qualifications. Reportage.

«Motivés, motivés!» La sono résonne à fond. Aux mots de Zebda, succèdent ceux des Saltimbanques «on lâche rien!», puis ceux des Pink Floyd «Money, money!». Juste de quoi résumer la détermination des salariés de Thalès et leur laisser le temps de reprendre souffle et voix. Ils sont plus de 500, venus des différents sites d'Ile-de-France, rassemblés à la Défense en ce jeudi matin 12 février, plus de trois heures durant, au pied de la tour Carpe Diem. Le groupe y a installé son siège social début janvier. Spécialisé dans l'aérospatiale, le transport, la défense et la sécurité, Thalès emploie 66 000 salariés dans le monde dont la moitié en France.

Mobilisation unitaire

À l'appel commun des syndicats CGT, CFDT, CFE-CGC et CFTC, ils demandent la réouverture des négociations salariales dans toutes les sociétés et une augmentation répondant à «l'engagement dont chacun d'entre nous fait preuve, à notre savoir-faire et nos efforts constants pour maintenir et développer Thalès». Ils sont plus de 13 000 à avoir signé en quelques jours une pétition en ce sens dans toutes les sociétés implantées sur le territoire national. Des débrayages, des barrages filtrants aux portes des sites, les actions se sont multipliées au cours des deux dernières semaines et avaient lieu jeudi aussi dans les régions, simultanément avec le rassemblement parisien.

Rémunérer la qualification

Dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO), fidèles aux consignes du groupe, les directions des différentes sociétés ont toutes observé la même position qui s'apparente à de la «provocation». L'an dernier, Lydie a vu son salaire augmenter de 3,8%, mais devrait cette année se contenter de 1,9%. Assistante à Gennevilliers, elle a pourtant «récupéré la charge de 50 personnes supplémentaires» après le départ non remplacé d'une collègue. 2 500 euros net par mois avec près de 30 ans d'ancienneté, «c'est pas terrible».

À ses côtés, Sylvain, jeune ingénieur avec son bac plus 5, gagne 2 400 euros net mensuels, en poste depuis quatre ans, lui aussi à Gennevilliers. Avec trois heures de transport par jour, faute de pouvoir payer plus pour se loger à proximité de son lieu de travail. «Voilà le meilleur moyen de chasser les compétences qui font pourtant la richesse du groupe», commente de son côté Laurent, cadre à Vélizy, cédétiste. Il estime essentiel «même quand on a un meilleur salaire» de se battre pour faire barrage à la pression exercée sur les plus fragiles, notamment les jeunes embauchés et les prestataires auxquels le groupe fait de plus en plus appel.

40 % du résultat versé en dividendes

Abdel Kader est ajusteur mécanicien, 52 ans, 15 ans d'ancienneté chez Thalès à Velizy, 1 800 euros net mensuels. Au milieu des drapeaux CGT, son syndicat, il juge qu'il lui faudrait 300 euros de plus par mois, tout simplement pour vivre normalement.

«On est quand même plus modestes que Proglio», lance-t-il en souriant. C'est que dans un jeu de chaises musicales sans grand rapport avec l'avenir industriel de ce groupe, l'ex-PDG d'EDF devrait percevoir l'équivalent de 8 000 euros par jour «pour venir de temps en temps présider à la destinée du groupe», selon les mots de Laurent Trombini, coordinateur CGT de Thalès.

Une mesure en cohérence avec des choix guidés par l'intérêt des actionnaires au détriment des salariés. Les actionnaires ont ainsi touché en décembre dernier au titre de 2014, un acompte de 70 millions d'euros sur les dividendes, en hausse de 26% sur l'année précédente…

En 2014, 40% du résultat du groupe a été reversé en dividendes, dénonce Grégory, en précisant que la direction a annoncé son intention d'atteindre une rentabilité à 10% (contre 7,5% actuellement) à l'horizon 2018.…

Rouvrir les négociations salariales 

Il est plus de midi, la délégation formée de représentants de tous les syndicats ressort d'une entrevue qu'elle a obtenue avec le directeur des ressources humaines du groupe. Près de deux heures de discussion que la représentante de la CFTC qualifie de «discours du mépris», celui de la CFDT parlant de «provocation», celui de la CGC dénonçant un «diktat financier».

Pour l'instant, la direction campe sur sa position. «Nous allons donc retourner vers les salariés dans toutes les sociétés et élargir la mobilisation sur le plan national pour obtenir la réouverture des négociations salariales», indique pour sa part le coordinateur de la CGT.