Hôpital public : un démantèlement programmé ?
Samedi 14 septembre, à Nantes (Loire-Atlantique), près de 300 personnes se sont mobilisées pour dénoncer « le démantèlement du service public de santé ». Un appel... Lire la suite
« Nous dénonçons une direction qui brille par son absence, méprise son personnel comme ses résidents », lance Betty Niang Diop, du syndicat CGT de la maison d’accueil spécialisée (MAS) Monique-Mèze. Réuni sur le parvis adjacent à la résidence, l'ensemble du personnel en grève prend la parole à tour de rôle pour dire sa situation et celle des patients dont il a la charge.
« Nos conditions de travail se sont à ce point dégradées qu'il n'est quasiment plus possible d'assurer la qualité des soins spécifiques que nous devons prodiguer aux résidents », explique un aide-soignant.
Reprise par Habitat & Soins (groupe SOS Habitat) deux ans en amont, l'établissement Monique-Mèze est exclusivement spécialisé dans l'accueil de personnes atteintes de sclérose en plaques. Cette pathologie, dégénérative, handicape ceux qui en sont atteints, les rendant totalement dépendants de soins et d’équipements spécifiques.
Or, à force de restrictions tous azimuts – à commencer par la réduction drastique des effectifs – les aides-soignants ne sont plus en capacité d'assister dignement et correctement leurs patients. Plus grave : ils dénoncent aujourd'hui des risques de maltraitance induits par la gestion particulièrement pingre de leur directeur, David Sery.
« Les bouteilles d'eau pour les patients sont délivrées au compte-gouttes, numérotées, et doivent durer trois jours », témoigne Louisa, une résidente. Mais il faut savoir qu'en dépit de ce parcimonieux rationnement en eau, la plupart des résidents ont pris le pli de s'abstenir de boire.
Et pour cause : « les protections contre l'incontinence sont de si mauvaise qualité qu'elles provoquent des irritations, surtout lorsqu'on reste trop longtemps trempé », déplore pour sa part une aide-soignante, en illustrant l'un des effets délétères de la politique de réduction des personnels et des moyens de l'établissement.
Et de fait, les effectifs ont littéralement fondu, passant de 117 à 75 en moins de deux ans, à parité de résidents à assister. Telle est la première conséquence d'un plan drastique de redressement des comptes de l'entreprise, décidé par l'ARS (Agence régionale de santé), et que la nouvelle direction de l'établissement s'applique à infliger à tous, indistinctement, aux soignants comme aux résidents, et sans le moindre discernement.
« Il faut venir ici le midi, pour voir comment nous sommes contraints de leur donner à manger : comme à des oies que l'on gave, faute de temps alors que nous tenons avant tout à respecter nos patients », confie au bord des larmes Éléonore, aide-soignante.
« J'ai été levée plusieurs fois à 14 h 30, faute de personnel suffisant pour me lever en temps et en heure », témoigne une résidente. Une autre indique qu'à plusieurs reprises, elle a dû être couchée à 17 h, faute de personnels en nocturne pour la coucher à 21 h.
Sans compter les « irruptions intempestives en chambre » par des cadres santé zélés, au beau milieu de la toilette des résidents, sans nécessité de service et au motif que c'est le seul moment pour donner les directives aux soignants.
« Tentatives d'intimidation », leur rétorquent les personnels.
Côté personnel soignant, les effets de cette politique d'austérité budgétaire sidèrent : les formations, quand elles ont lieu, sont délivrées pendant les jours de congé ; les primes diverses ont soudainement disparu des fiches de paie, sans explication ni justification ; les pauses réglementaires de 20 minutes en nocturne ne peuvent être prises du fait de la carence en personnels, et ces heures non prises ne sont jamais payées. De même, les jours de repos consécutif déclenchés par le surplus d’heures nocturnes – 16 à 17 nuits par mois en moyenne, alors que le plafond légal est de 14 nuits par mois – ne sont jamais ni récupérés ni rémunérés au tarif nocturne. Les fiches de paie sont devenues illisibles, imprimées en recto-verso sur papier brouillon.
« Chaque mois, c'est la surprise, à la baisse, de notre rémunération, qui n'en finit plus de fluctuer, sans que nous puissions obtenir la moindre explication, faute de service comptable au sein de l'établissement à qui nous adresser », indique Alain.
« On m'a retiré 4,75 euros pour un retard de 4 minutes, que j'avais pourtant justifié », explique, en riant jaune, une aide-soignante. « Même l'appellation de nos diplômes a été modifiée sur les bulletins de paie, où nous sommes passés du statut d'AMP (aide médicale professionnelle) à celui d'auxiliaire de soins. »
« Nous attendons toujours une salle de repos pour souffler, et que notre ancienneté professionnelle figure à nouveau sur les fiches de paie d'où elle a disparu, mais aussi le rétablissement de diverses primes qui ont été supprimées au motif qu'elles ne nous étaient pas dues, comme la prime décentralisée, qui représente 5 % du salaire brut, et qui n’a pas été versée, sans autre explication. Comble de l'aberration, le repos hebdomadaire légal, de deux journées consécutives, a été tout simplement banni par la nouvelle direction, qui évoque inlassablement des raisons budgétaires insoutenables pour mieux se dédouaner de ses responsabilités. »
Bref, le plan de redressement des comptes de l'établissement — qui a pourtant bénéficié de 4 millions d'euros accordés par l'ARS au moment du changement de direction — semble clairement reposer sur les salaires des personnels et sur les moyens de la résidence, au détriment évident et scandaleux des patients et du personnel censé assurer leur dignité humaine.
« Nous mettre en grève, ça n'a rien d'évident dans la mesure où l'impact de notre action se répercutera d'abord sur les résidents dont nous avons la charge physique et morale, que nous voulons assumer, parce que c'est notre vocation, mais que la direction nous empêche d'assurer. »
Saisis des appels à la détresse lancés par le syndicat CGT de Monique-Mèze, les secrétaires de l'union locale (Jean-Louis Bétoux) et de l'union départementale CGT (Olivier Champetier) ont fait le déplacement en plein piquet de grève, le 14 septembre ; d'abord, pour tenter le dialogue avec la direction de l'établissement, cette même direction qui le refuse depuis des mois à ses salariés.
Peine perdue : alerté de la présence de la presse et de la CGT, le directeur, David Sery, a concédé une fugace apparition qui s'est soldée par deux sentences. À la presse, qui voulait l'interroger : « Vous écrirez ce que vous voudrez, je ne répondrai pas à vos questions. » À son syndicat CGT, une proposition de rencontre avec la secrétaire, mais assortie de cette condition : « Si vos questions sont les mêmes qu'auparavant, mes réponses seront les mêmes. »
Dont acte ! Pour Jean-Louis Bétoux, l'affaire est entendue : la suite de la partie se jouera auprès de la préfecture et de l'ARS : « Nous allons solliciter une réunion tripartite entre les membres de la MAS Monique-Mèze, les services de l'ARS et la Préfecture de l'Essonne », a indiqué la CGT de l'Essonne. D'ici là, les salariés de l'établissement resteront mobilisés, avec les patients solidaires à leurs côtés.
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