Fichiers de police : en attente d’un jugement sur le fond
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« Faut-il faire des lois d'exception dans l'émotion ? Je me pose la question… » Invité sur France Inter, le 17 novembre, Me Henri Leclerc, président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme, mettait en garde quant à la prolongation de l'état d'urgence décrété au lendemain des attentats. Rappelant la mise en place de cette loi de 1955, en pleine guerre d'Algérie, l'avocat déclarait : « Je sais que je suis inaudible pour la plupart des citoyens qui sont inquiets et réclament des mesures… Mais qu'on se rende bien compte que l'état d'urgence, sur le long terme, ce n'est pas rien. C'est, par exemple, ce qui a causé en partie les événements de Charonne, en 1962. »
Fi, le texte voté par l'Assemblée et le Sénat, les 19 et 20 novembre, a prolongé l'état d'urgence jusqu'au 26 février 2016. Parmi les dispositions : les assignations à résidence, les perquisitions de jour comme de nuit sans autorisation d'un juge, comme la déchéance de la nationalité. Nombre de dérapages sont d'ores et déjà signalés (voir le recensement mis en place par la Quadrature du Net et Le Monde).
Si, face à des attentats sans précédent, les mesures sont exceptionnelles, elles pourraient bien être gravées dans le marbre dès lors que le gouvernement prévoit une révision de la Constitution dans les trois mois pour y intégrer le texte. Dès le 18 novembre, à l'issue de son comité confédéral national, la CGT déclare qu'elle « refuse que les salariés et la population française, à travers des modifications de la Constitution, soient placés de fait dans un état d'urgence permanent ».
Des juristes de renom tirent également la sonnette d'alarme, telle Mireille Delmas-Marty, professeur honoraire au Collège de France : « L'inquiétant est que chaque attentat terroriste est suivi d'un renforcement de l'arsenal législatif, sans résultat satisfaisant. Il y a là une sorte de course qui, à terme, pourrait être mortelle pour la démocratie. »
Depuis 1986, quinze textes de loi censés lutter contre le terrorisme ont été votés en France. Autrement dit, l'arsenal législatif est d'ores et déjà bien musclé pour faire face aux menaces et n'a nullement besoin d'un état d'urgence pour être activé.
N'est-ce pas paradoxal de vouloir restreindre les libertés publiques pour défendre la liberté ? Les inquiétudes sont d'autant plus vives que le texte sur l'état d'urgence ne mentionne pas explicitement la menace terroriste. Il se réfère à la notion floue d'« atteinte à l'ordre public », ce qui peut permettre, selon la Ligue des droits de l'homme, « à tout gouvernement de s'en prendre au mouvement social ». D'autant plus que le public visé est élargi à toute personne « à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics » et non plus seulement à celle dont « l'activité se révèle dangereuse ».
Dans son exposé, le projet de loi stipule encore que les préfets « peuvent prononcer la fermeture provisoire de lieux de réunions de toute nature, ainsi qu'interdire des réunions […] ».
Comme le déclarait le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, à Médiapart, le 19 novembre : « Nous avons des craintes, car une politique de sécurité et une politique sécuritaire, ce n'est pas tout à fait la même chose. Il y a le risque de pouvoir par là-même bâillonner toute forme d'expression. Or les problèmes sociaux restent entiers et exigent des mobilisations ». La vigilance est plus que jamais de mise.
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