Feu de paille ?
Le week-end aura été moins pire que prévu. Accord a minima pour la COP21, mais satisfecit maxima pour le gouvernement. Parions qu’une COP22, puis 23, etc. actera les... Lire la suite
Au soir du premier tour des élections régionales, le Front national était crédité du score historique de 27,9 % recueillant plus de 6 millions de voix. Il arrivait en tête au plan national et dans six régions sur treize.
Son score dépassait celui des élections européennes de 2014 (un peu plus de 4,7 millions de voix) et des élections départementales de mars dernier (5,1 millions de voix au premier tour). Certes, l'abstention demeure massive, même si elle a régressé.
Mais, parmi les votants, le FN, à l'occasion de ces dernières élections avant la présidentielle, se consolide. Et sa lente progression, même si elle n'est pas linéaire, se confirme de scrutin en scrutin. Cet enracinement ne constitue donc pas une totale surprise ; mais les scores atteints n'en inquiètent pas moins, tant pour l'immédiat, à la veille du second tour, que pour le plus long terme.
Le contexte, après les attentats terroristes d'une ampleur inédite qui ont frappé la France, a joué sans aucun doute un rôle important dans les résultats de ce 6 décembre. D'autant plus que la politique ultra-sécuritaire mise en place par le gouvernement, l'état d'urgence et l'ensemble des mesures l'accompagnant, ont contribué à légitimer ou à banaliser un peu plus les thèses de l'extrême droite.
Mais au-delà de la conjoncture, voici beau temps que, au lieu d'affronter sur le fond les thèses et « propositions » de l'extrême droite, certains politiciens, jusqu'au sommet du pouvoir, préfèrent en reprendre tout ou partie à leur compte, croyant ainsi flatter les attentes de l'électorat frontiste. Un électorat gagné par la peur puis le rejet de tous ceux qui sont présentés comme des concurrents économiques potentiels, et comme les responsables de la mise en concurrence des salariés les uns avec les autres, dans le cadre de la mondialisation économique libérale. Un électorat miné également par l'insécurité identitaire dangereusement cultivée par les mêmes, qui font de l'Autre en général et de l'immigré ou du musulman en particulier l'ennemi caché de l'intérieur. Un électorat taraudé enfin par la fièvre nationaliste, xénophobe ou raciste.
Mais l'audience de ces thèses relève aussi d'un sentiment légitime d'abandon sinon de trahison. Ces dernières années, le reniement des promesses de changement, la poursuite sinon l'intensification de politiques ultralibérales, la montée continue de la courbe du chômage, la pression sur les salaires, les attaques permanentes contre le droit du travail, la restriction des budgets et des services publics, le maintien d'une fiscalité trop peu progressive, les cadeaux attribués au grand patronat sans contrepartie, la croissance de la précarité, des inégalités et de la pauvreté, le mépris affiché à l'égard des plus pauvres… contribuent à nourrir la thèse d'une absence d'alternative. Ou de la nécessité de sortir du « système » par quelque moyen que ce soit, fut-ce le pire.
Face à la crise et à son actuelle gestion, deux scénarios se présentent. Totalement antagonistes.
Soit une réorientation économique articulant justice sociale, solidarité, efficacité économique, et défense de l'égalité des droits et des libertés. C'est ce que défend notamment le mouvement syndical et en particulier la CGT.
Soit, à l'inverse, un scénario autoritaire, plongeant l'économie dans une autarcie perdante, divisant la société entre ceux qui auraient des droits et les autres, remplaçant la question centrale de la répartition des richesses par celle de l'appartenance, voire de l'origine nationale, faisant de l'immigration la cause de tous les maux nationaux, et proposant la suspicion comme mode de vie en société… C'est la perspective dans laquelle s'inscrit l'extrême droite, qui représente de ce fait un véritable danger pour la démocratie, la cohésion sociale, les intérêts et les droits des salariés et du monde du travail.
Après les années 1980 reaganiennes, le mouvement lepéniste tente, depuis plusieurs années, et dès avant l'accession de Marine Le Pen et de ses lieutenants aux manettes, de présenter un programme économique et social attractif pour le monde du travail et les salariés.
À l'instar de plusieurs organisations d'extrême droite en Europe, le FN a opéré une réorientation programmatique dans le sens d'un « socialisme national », ou « national socialisme », servant une stratégie de conquête du pouvoir : il s'agit pour le mouvement lepéniste de draguer, au-delà de l'électorat d'extrême droite traditionnel et au-delà des petits artisans et commerçants, le monde ouvrier, les employés, les plus précaires, les ruraux isolés, les « petits », les « oubliés » et les « invisibles ».
En prétendant parler en leur nom. Ainsi le FN défend-il l'idée d'une augmentation du SMIC, des pensions de retraite ou du minimum vieillesse, mais en réclamant, comme le rappelle la CGT, la suppression des cotisations sociales et de l'impôt sur la fortune. Ou encore le déremboursement de ce que Marine Le Pen appelle les « avortements de confort ». Ou en dénonçant le « service public en mode Pol Pot »… Et en réservant des « droits » aux seuls « nationaux », appelant par ailleurs à renvoyer tous les migrants de Calais chez eux, « même ceux de pays en guerre »…
Dès avant le premier tour, la CGT appelait à « Voter, un acte pour la démocratie » et rappelait que voter FN, « pour le monde du travail, c'est se tirer une balle dans le pied ». Analysant, au lendemain du premier tour, que « ces résultats sont encore une fois le signe de la grave crise démocratique et sociale que traverse notre pays et sur laquelle la CGT ne cesse d'alerter », la confédération souligne : « Il y a urgence à ce que les leçons soient tirées ». Par le gouvernement qui a renié ses promesses, comme par l'ensemble des partis républicains.
Le syndicalisme est aussi interpellé par ce résultat. La CGT, pour ce qui la concerne, renforcera son travail de terrain et de proximité. Et de mettre une nouvelle fois en garde : « Le Front national n'est pas un parti comme les autres et constitue une grave menace pour la démocratie et le monde du travail. La CGT le combat parce que son approche est fondée sur l'inégalité, en fonction des nationalités, des origines, des religions, des couleurs ou des sexes. Le FN divise et met en opposition le monde du travail, et fait ainsi le jeu du patronat. Il porte un projet de régression sociale […].
Dans les collectivités qu'il dirige, le FN s'attaque à la culture, aux associations et aux droits des femmes et casse le lien social. Il remet en cause notre système de solidarité, en portant la suppression des cotisations sociales. Il menace les libertés durement conquises par les travailleurs, la liberté d'expression au travail comme dans la société, la liberté de la presse, ou encore la liberté de mobilisation et d'organisation ».
Aussi, engagée à faire vivre la déclaration unitaire intersyndicale de juin 2015 « Vivre ensemble, travailler ensemble », souhaitant amplifier le débat avec ses syndiqués et les salariés, la CGT appelle-t-elle résolument « à mettre en échec partout le Front national sur ses prétentions électorales et ses objectifs politiques et sociaux ».
Sylvain Crépon, Alexandre Dézé, Nonna Mayer (dir) : Les faux-semblants du Front national, Les presses de Sciences Po, 608 pages, 2 015, 26 euros.
Le week-end aura été moins pire que prévu. Accord a minima pour la COP21, mais satisfecit maxima pour le gouvernement. Parions qu’une COP22, puis 23, etc. actera les... Lire la suite
La situation est inédite : arrivé en tête dans six régions sur treize, le FN risque d'être aux commandes du nord au sud de la France. Raciste, anxiogène, le parti des fille... Lire la suite