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ONF

Casse du service public : la forêt s’enflamme

29 décembre 2015 | Mise à jour le 22 février 2017
Par | Photo(s) : Daniel Maunoury
Casse du service public : la forêt s’enflamme

Loin des défis de la COP21, le contrat d'objectifs et de performances (2016-2020 COP) signé entre l'Office national des forêts et l'État entérine la logique de rationalisation et de casse du service public forestier. Sale temps pour les forêts et ses personnels.

Trente-huit suicides en dix ans. Comment aborder les enjeux auxquels est confronté aujourd'hui l'ONF1 sans commencer par ce chiffre tristement révélateur du malaise qui y règne ?

« Nous étions 15 000 en 1986. Depuis, nous avons perdu 40 % de nos effectifs, explique Véronique Delleaux, co-secrétaire de la CGT forêt. Les gouvernements successifs nous sacrifient aux desideratas de la filière bois et aux injonctions libérales. Au départ, les forestiers ont cru qu'en faisant des efforts, en étant de bons petits soldats qui acceptaient plus de charges, ils arriveraient à prouver qu'il y avait un seuil minimum à ne pas franchir. Ça n'a pas été le cas. Beaucoup se retrouvent en souffrance, se sentent trahis par rapport à l'effort consenti… Et on continue à nous en demander toujours plus. Le COP 2016-2020 est le 4e plan qui entérine la logique de casse du service public. »

En effet, alors que l'Office compte aujourd'hui 9 200 agents, dont 6 000 fonctionnaires, ce contrat prévoit plus de 600 suppressions de postes dont 140 postes de fonctionnaires qui devraient être supprimés et remplacés par des embauches sous contrat de droit privé.

Pour Dimitri Demange, cosecrétaire du la CGT forêt et administrateur CGT au conseil d'administration de l'ONF, « la manœuvre vise à casser le statut, à nous marginaliser petit à petit. Le budget 2016 de 880 millions d'euros reste plombé par le paiement des pensions civiles de nos retraités (102 millions d’euros), qui devraient être à la charge de l’État. Mais elles sont toujours financées par l'ONF, ce qui est une manière de nous stigmatiser. La CGT demande que l'État reprenne ce financement à sa charge et rembourse l'ONF des sommes versées depuis une dizaine d’années2 (1,2 milliard d'euros).

En attendant, le budget a validé :

– la prochaine fermeture du centre national de formation ONF (CNFF) et la vente de la zone d'activité de Velaine-en-Haye (Meurthe-et-Moselle) pourtant extrêmement rentable ;

– l'augmentation de la récolte de bois alors qu'on est déjà au maximum en forêt domaniale ;

– le remplacement des futurs 2500 retraités dans les cinq années à venir par l'embauche de personnels de droit privé et surtout au statut précaire. »
La mobilisation syndicale, qui avait mené les forestiers de terrain à placarder des autocollants « forêt à vendre » sur les panneaux des forêts domaniales, aura permis de faire barrage à la « rationalisation du foncier domanial », le mot « cession » étant supprimé du texte. Ce sera la seule avancée… qui reste à surveiller.

Quelques chiffres sur l'ONF

Données sur l'ONF

Ainsi, au conseil d’administration de l'ONF du 17 décembre dernier, les sept organisations syndicales et la fédération France nature environnement (FNE), qui rassemble les associations de protection de l'environnement, votaient contre le projet d'établissement et le budget 2016 (880 millions d'euros).

« Dans un contexte de COP21 et de forts enjeux écologiques, nous espérions que ce contrat 2016-2020 serait plus ambitieux pour la forêt et ses personnels, conclut Dimitri Demange. Mais l'ONF – seul EPIC à compter des fonctionnaires d'État grâce à la bataille menée par ses personnels au moment de sa création – est directement mis en danger par la politique libérale du gouvernement, la réforme territoriale, les injonctions européennes à la réduction des services publics, les grands traités : Tisa [accord sur le commerce des services, Ndlr], Tafta [Traité de libre-échange transatlantique, Nldr] Tout comme certaines espèces végétales ou animales, le service public d'État est en voie d'extinction. »

1. L'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC depuis 1966) chargé d'administrer et d'exploiter les bois et les forêts françaises.

2. Le compte d’affectation spéciale dit « CAS Pensions » a été prévu par l’article 21 de la loi organique relative aux lois de Finances et créé par l’article 51 de la loi de Finances 2006.

 

 Notre reportage en 3 volets sur l'ONF et ses agents :

1 – Tempête et biodiversité

2 – Casse du service public : la forêt s'enflamme

3 – Position et propositions de la CGT