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SYNDICALISME

Goodyear, un verdict politique

14 janvier 2016 | Mise à jour le 21 février 2017
Par | Photo(s) : François Nascimbeni/AFP
Goodyear, un verdict politique

Abasourdis. C'est la situation dans laquelle se sont retrouvés les huit de Goodyear, condamnés à neuf mois de prison ferme, pour avoir retenu deux cadres de la direction de l'usine Amiens-Nord durant 30 heures. Une première qui soulève indignation et réactions.

« Ignoble », « un choc », « un scandale pur et simple », « une émotion fraternelle », « un signal d'intimidation… ». À gauche, le jugement du tribunal correctionnel d'Amiens indigne responsables syndicaux et politiques. S'il s'inscrit dans le mouvement de criminalisation du mouvement social dont la liste ne cesse de s'allonger, il surprend par son extrême sévérité.

D'autant plus que les deux dirigeants « séquestrés » avaient assez rapidement retiré leur plainte. C'est donc le parquet, dépendant du ministère de la Justice, qui a décidé de poursuivre les syndicalistes. Le 24 novembre, lors de l'audience, il avait requis deux ans d'emprisonnement, dont un an ferme aménageable. Les juges, qui n'ont pas voulu entendre la « détresse sociale » de ceux qui perdent leur emploi et leur usine, ont tapé fort : neuf mois ferme.

Un verdict d'une sévérité inédite pour des actes qui n'ont causé aucune violence physique aux deux directeurs retenus. Pour Maître Fiodor Rilov, l'avocat des syndicalistes de Goodyear, ce jugement est « le signal d'un déclenchement d'une vraie campagne pour menacer tous les salariés qui voudraient exprimer leur révolte sociale de manière forte ».

La CGT Goodyear Amiens-Nord acte ce « jugement inacceptable » qu'elle qualifie d'arme « avec laquelle Hollande, Valls, Taubira et l'ensemble du gouvernement ont décidé d'intimider tous les salariés qui se battent pour leur droit et leurs emplois ».

Elle appelle à une « campagne nationale de solidarité pour que cesse la répression antisociale du gouvernement ». Cette première, en tout cas, va laisser des traces indélébiles dans les rapports entre le gouvernement et la CGT.

« C'est la première fois dans l'histoire de la République que, sous un gouvernement dit “de gauche”, de telles peines sont infligées à des syndicalistes, le gouvernement devra rendre des comptes aux salariés, à la population, aux électeurs le moment venu […], note dans un communiqué la CGT qui précise : une justice qui place le militant syndical au rang de délinquant est une justice de classe […] ».

La centrale syndicale assure qu'elle ne laissera pas emprisonner ses militants. « Si le gouvernement veut déclarer la guerre au syndicalisme CGT, il devra en assumer les conséquences ». L'affaire Goodyear ne fait que commencer.


Rappel des faits

– En janvier 2013, la direction de Goodyear Amiens, usine de production de pneus agricoles, avait programmé la fermeture du site.
– Plus de 1 000 travailleurs sans emploi.
– Investissements et projets industriels en rade pendant 6 ans.
– Fin 2013, les salariés bloquent les stocks.
– En janvier 2014, rencontre entre direction et syndicats. Elle laisse les syndicalistes sans réponse sur la situation et le devenir de l'entreprise et des salariés.
– Le 6 janvier, 200 salariés de l'équipe de nuit présents sur le site retiennent deux directeurs durant 30 heures.
– 20 000 euros par salarié, c'est la somme de départ que proposait la direction.

 

L'appel de la CGT

RELAXE POUR LES HUIT DE GOODYEAR

 

Il est du devoir des syndicalistes de se battre pour sauver les emplois et le développement économique et social de nos territoires.

 

Il est du devoir des syndicalistes de rétablir des liens sociaux trop souvent rompus par désespoir social.

 

Il est du devoir des syndicalistes de dénoncer les stratégies des actionnaires, affairistes et liquidateurs, qui ont pour seul objectif de s’enrichir au détriment de tous les autres.

 

Il est du devoir des syndicalistes d’alerter sur les politiques économiques désastreuses menées par les gouvernements successifs.

 

C’est pour avoir accompli leurs devoirs de syndicalistes que les huit de Goodyear viennent d’être condamnés à vingt-quatre mois de prison dont neuf mois ferme !

 

Après sept ans de lutte face à la multinationale Goodyear marqués de conflits durs avec un patronat violent, usant de manœuvres indignes, l’entreprise a finalement fermé ses portes pour s’installer en Russie. Rien n’est dit de la violence des employeurs qui, face à des propositions pour maintenir et développer l'emploi, ne répondent que par le mépris, les licenciements et la répression.

 

C’est une des condamnations pénales les plus lourdes de ces trente dernières années. Cette condamnation s’inscrit dans un mouvement de criminalisation de l’action syndicale, qui s’accentue jour après jour. La répression syndicale est une stratégie qui va bien au-delà des rangs du patronat, puisque le procureur de la République a décidé de poursuivre les militants de Goodyear, alors même que l’entreprise avait abandonné toutes les plaintes.

 

Le gouvernement a décidé d’intimider tous les salariés qui se battent pour leurs droits et leurs emplois. Ce sont les fondements mêmes de notre démocratie qui sont atteints lorsque les libertés syndicales sont attaquées. Les huit militants doivent être relaxés.

 

Syndicalistes, juristes, universitaires, responsables politiques, créateurs ou artistes, plus plus de 200 personnalités se sont déjà associées à cet appel.

 

Les signatures sont à adresser à : cabsg@cgt.fr

ou à communiquer au 01 55 82 83 06.