À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
TEMPS DE TRAVAIL

La fonction publique dans le viseur

1 juin 2016 | Mise à jour le 14 février 2017
Par | Photo(s) : Jean Michel Leligny/Andia
La fonction publique dans le viseur

Le rapport sur le temps de travail dans la fonction publique, établi sous la direction de Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, vient d'être rendu public. Il conteste la diversité des situations locales pour mieux renforcer partout les contraintes des agents…

Attaquant sans le dire explicitement le principe de libre administration des collectivités territoriales, le rapport sur le temps de travail dans la fonction publique dénonce les disparités entre les différentes collectivités en la matière.

Alors que dans nombre de secteurs, les heures de travail réel s'allongent, il pointe la difficulté à mesurer le temps de travail effectif des agents, la confusion existant souvent entre « jours de RTT » et jours de congé payés, l'existence de traditions locales favorables aux salariés sans fondement légal explicite, les difficultés générées par les jours fériés dans le décompte annuel du temps de travail…

Le rapport pourrait dès lors dénoncer ces disparités pour tenter d'améliorer le sort de certains agents exerçant des métiers à fortes contraintes, en termes de continuité du service public, et qui travaillent manifestement trop. En réalité, tel ne semble guère être l'esprit des 34 recommandations qui concluent ce rapport…

UN TEMPS SOUVENT ANNUALISÉ

Réglementer le temps de travail, c'est en principe fixer le maximum de temps que l'on peut passer à travailler dans la semaine ; il s'agit d'une mesure destinée à protéger les salariés. Mais dans de nombreux services, le passage attendu aux 35 heures s'est en fait accompagné de l'annualisation du temps de travail : les modes de calcul ne prennent plus la semaine mais l'année comme référence (1 607 heures).

Ce qui suppose inconvénients et compensations pour les agents concernés.

Le dépassement des 35 heures hebdomadaires, ainsi que les heures d'astreinte ou la contrainte d'horaires atypiques liés à la continuité du service public (travail de nuit, du dimanche…) donnent lieu à des repos compensateurs. Leur mode de calcul peut varier aux marges, selon les collectivités, mais la pratique la plus courante est celle des « jours de RTT ».

Ceux-ci sont souvent gérés au même titre que les congés payés et permettent à chacun, dans les limites des nécessités du service, de disposer de jours ou de semaine(s) libres.

Cette souplesse, tant vantée pour les entreprises privées, est frontalement remise en cause pour la fonction publique par le rapport de Philippe Laurent.

HARMONISER PAR LE BAS

Ainsi le rapport préconise-t-il, entre autres :

  • De réduire les possibilités de choix laissées aux agents quant à leur temps de travail et régime de récupération, quand la CGT auditionnée revendique au contraire « la mise en place de RTT choisie par les agents et non imposée ». Il conviendrait d'autre part, selon ce rapport, d'obliger les collectivités locales à gérer différemment congés annuels et RTT afin que les temps d'absence des salariés (congé maladie, notamment) limitent leur droit à RTT.
  • De mettre fin aux mesures nationales dérogatoires favorables aux agents, depuis les temps partiels légèrement sur-rémunérés (85 % de la rémunération pour un 80 % et 91,4 % pour un 90 %.) jusqu'aux « jours de fractionnement » (un ou deux jours de congé annuel supplémentaire lorsque celui-ci n'est pris qu'en petite partie dans la période juin-juillet-août-septembre), améliorant la continuité du service public puisqu’elles incitent à poser des congés hors saison.
  • De mettre fin aux mesures locales dérogatoires favorables aux agents, depuis l'attribution d'un « jour du maire » (souvent à l'occasion d'un pont) jusqu'au décompte des congés pour enfant malade. Seulement ridicule ou franchement vexatoire tant pour les élus locaux que pour les fonctionnaires territoriaux, la recommandation 24 veut « rendre obligatoire une étude d'impact financier avant toute création d'une autorisation spéciale d'absence » et la recommandation 25 « mieux informer les employeurs publics sur leur responsabilité de faire respecter les obligations annuelles de travail ».

RÉFORME TERRITORIALE, FLUX TENDUS ET CONTRAINTES

En revanche, le rapport du CSFPT n'aborde pratiquement pas une question d'actualité pourtant essentielle : avec la réforme territoriale et la création des grandes régions, des agents issus de conseils régionaux différents, avec des histoires, des luttes, des cultures professionnelles et des acquis différents, sont amenés à fusionner.

La CGT rappelle à cette occasion la « nécessité de préserver les droits acquis par les personnels issus d'administrations différentes » et invite d'autre part – compte tenu des distances qui existeront désormais – à « l'ouverture d’une concertation puis la publication d’un décret sur le travail nomade et le travail à distance ».

N'est pas vraiment évoquée non plus, comme le constate Mireille Stivala, secrétaire générale de la fédération CGT de la santé et de l’action sociale, la réalité massive à l'hôpital : travaillant à « flux tendu », obligés de remplacer au pied levé les absences, les agents ne peuvent tout simplement pas prendre leurs repos.

APPARENT PARADOXE

D'un côté, donc, dans les trois versants de la fonction publique, il faudrait des règles nationales plus fermes et des modes de vérification plus tatillons ; de l'autre, dans les entreprises privées, il faudrait faire confiance à la négociation au plus petit niveau. Cet apparent paradoxe est un vrai révélateur : partout, il s'agit de remettre en cause la réduction du temps de travail comme facteur de progrès social…