Le Medef en réclame toujours plus
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Le 29 juin dernier, Pierre Gattaz, numéro 1 du Medef, a franchi un palier supplémentaire dans sa stratégie de communication musclée contre tout ce qui n'irait pas exactement dans le sens des revendications du mouvement patronal.
Et qui entraverait, selon lui, la compétitivité et la liberté des entreprises. Une posture que le patron des patrons adopte sur toutes les questions sociales – au mépris de la négociation collective et du paritarisme – avec pour dernière cible en date le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) dont les nouveaux critères sont entrés en vigueur le 1er juillet 2016.
Patrons, ne respectez pas la loi ! C'est en quelque sorte ce caricatural appel à la désobéissance civile que Pierre Gattaz a lancé le 29 juin en affirmant publiquement que les obligations liées au C3P ne seront pas appliquées par les entreprises alors que six nouveaux critères entraient en vigueur le 1er juillet.
La raison ? « De toute bonne foi […] nous ne savons pas comment faire », a affirmé, Pierre Gattaz pour justifier ce qui est en réalité une énième tentative de se soustraire au dispositif issu de la réforme des retraites de 2 013. Il le qualifie d'« usine à gaz », de « trop compliqué », d'« inapplicable », relayé en cela par la CGPME, la FNSEA et l'UPA (artisanat) qui n'ont jamais digéré cette loi et prétendent y voir, de plus, une source de « tensions » potentielle entre salariés.
En plein conflit sur la loi « travail », l'exécutif leur a, cette fois, refusé le « délai supplémentaire » demandé pour la mise en œuvre du C3P et balayé d'un revers de manche leurs plaintes au sujet des nouvelles « contraintes » imposées aux entreprises. Il faut dire que le gouvernement considère cette loi comme une des avancées sociales du quinquennat.
En 2013 la négociation de la réforme des retraites avait notamment abouti à la mise en place d'un compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), a minima, qui avait suffi à la CFDT pour valider la réforme. Instauré par la loi du 20 janvier 2014, il fait depuis l'objet des constantes jérémiades du Medef qui refuse le dialogue social sur la question et traîne des pieds pour le mettre en œuvre.
Le C3P visait à « compenser » l'allongement de la durée de cotisation pour les salariés ayant exercé des tâches pénibles : via un système de cumul de points, il doit leur permettre de bénéficier d'un départ à la retraite anticipée, d'un temps partiel sans perte de salaire ou d'une formation pour accéder à un poste moins ou pas exposé à la pénibilité.
Selon le gouvernement, environ 3 millions de personnes sont concernées par les dix critères qui ont été retenus pour définir la pénibilité. Si quatre de ces critères ont été adoptés le 1er janvier 2015 (travail de nuit, répétitif, en horaire alterné ou en milieu sous-marin), c'est sous la pression des organisations patronales que les six autres ont pris un an de retard et ne sont entrés en vigueur que ce 1er juillet (postures pénibles, manutentions manuelles de charges, agents chimiques, vibrations mécaniques, températures extrêmes et bruit).
De plus, face à la grogne du patronat le gouvernement a mis en place des référentiels de branches (décrets du 31 décembre 2015, qui complètent la loi Rebsamen) afin de simplifier la tâche des entreprises. Sans davantage de succès : seule la branche « boissons » a présenté un référentiel. Quelques branches seraient encore en train de plancher sur la question (services automobiles, récupération, BTP…) quand une dizaine d'autres auraient jeté l'éponge. D'où la conclusion hâtive de Pierre Gattaz qu'elles « ne savent pas faire ».
Avec cet épisode, Pierre Gattaz s'est attiré le courroux d'un exécutif qui, dans une mauvaise passe avec sa loi « travail », ne peut se permettre de contrarier une CFDT très attachée au C3P. « Le Medef ne peut pas choisir les lois qu'il applique », et « la démocratie ne s'arrête pas aux portes du patronat », s'est ainsi indignée Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales.
Le caprice de Pierre Gattaz sur la pénibilité était pourtant probablement très calculé. Il n'est en effet pas sans savoir que la date de mise en œuvre des nouveaux critères n'a rien d'un couperet.
En effet si les entreprises doivent commencer la recension des personnels concernés, elles ne devront effectuer la déclaration que début 2017 et pourront les modifier jusqu'en septembre 2017, voire en 2019 si la rectification du poste de travail joue en faveur du salarié.
De quoi voir venir. Alors pourquoi Pierre Gattaz crie-t-il au loup ?
Rappelons-nous que le patron du Medef n'en est pas à son coup d'essai en matière de propos outrancier. Plus c'est gros, plus ça fait le buzz, plus cela passe, et même plaît, dans les rangs du Medef et autre FNSEA. Ne serait-ce que dans la toute dernière période, Pierre Gattaz est aussi allé jusqu'à traiter les syndicalistes de la CGT de « voyous » et de « terroristes » à propos de la contestation de la loi « travail », à s'en prendre au manque de « pragmatisme » de la CFDT, voire à exercer du chantage en menaçant de quitter la négociation sur l'assurance chômage en cas d'absence d'amélioration sur la loi « travail »…
Tout observateur du Medef sait que, faisant ainsi, il adopte une posture politique et radicale favorable à la composante la plus dure de son organisation. Celle qui prône notamment la grève de la négociation jusqu'en 2017. Pierre Gattaz aurait-il donc choisi de ne plus laisser aucun espace au dialogue social ? De remettre sciemment en cause le paritarisme ? La posture outrancière qu'il adopte systématiquement le laisse penser. Quitte à faire le jeu de tous les extrêmes. Un jeu dangereux.
Prévention de la pénibilité, le compte n'y est pas, Laurent Milet, NVO n° 3546, février 2016, page 38.
Le compte personnel de prévention de la pénibilité, Laurent Milet, RPDS n° 851, mars 2016.
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