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Sécurité nucléaire : aux civils pas aux militaires

30 septembre 2016 | Mise à jour le 2 février 2017
Par | Photo(s) : DR
Sécurité nucléaire : aux civils pas aux militaires

Les Formations Locales de Sécurité des huit commissariats à l'énergie atomique en France (CEA) exigent le maintien de leurs missions de sécurité que le ministère de la Défense entend attribuer aux gendarmes. Premiers retours de lutte.

Discrètement mobilisés depuis le mois de juin mais toujours pas entendus, ni par leurs directions du CEA, ni par le ministre de la Défense, les Formations Locales de Sécurité (FLS) ont décidé de hausser le ton. Jeudi 28 septembre, les agents spéciaux de la FLS organisaient un premier grand rassemblement national des personnels de tous les centres CEA concernés (Cadarache, Valduc, Saclay, Fontenay, Bruyères, Cesta, Marcoule, Le Ripault…)

La manifestation s'est déclinée en deux temps forts : le matin, rassemblement très sonore devant l'immeuble du CEA, Le Ponant, (Paris XVe) où se tenait ce jour-là un conseil d'administration. Puis, Bis repetita l'après-midi, devant le ministère de la Défense.

Se faire entendre­

Toutes sirènes, klaxons, alarmes déployées et manivelles activées, 300 agents spéciaux des FLS ont envahi le patio du Ponant, l'immeuble sis au 25, rue Leblanc à Paris, dès 10 heures du matin. En uniforme de combat flanqué d'un smiley rose « Je soutiens ma FLS », ils ont installé la banderole de l'intersyndicale CGT-CFTC-FO-UNSA à l'entrée principale de l'édifice, puis ont animé le lieu à grand renfort de décibels pendant toute la durée du conseil d'administration.
Leur principale revendication ? « Pour la sécurité de tous, les Formations Locales de Sécurité du CEA doivent conserver toutes leurs missions », pouvait-on lire sur la banderole.

Militaires contre civils, le jeu de bonneteau?

Petit rappel de la genèse de cette lutte : le 7 juin, les représentants syndicaux des FLS sont informés par la Direction de la protection des installations et activités de la Défense (DPID) de la volonté du Ministère de la Défense de confier certaines de leurs missions de sécurité – notamment la protection physique des personnes et des bâtiments et installations – à des Pelotons Spécialisés de Protection de la Gendarmerie (PSPG).
Motif officiel ? Renforcer la sécurité des sites dits « sensibles » dans le contexte de menaces terroristes et de risques d’attaques de haute intensité ciblant des installations de la dissuasion nucléaire. «C’est avant tout une décision politique, pour donner des gages à la population, véhiculer le message que le gouvernement met tous les moyens pour assurer la protection des personnes », analyse Claire De Pascale, responsable nationale de la CGT du CEA.
De l’avis des agents civils des FLS et de leurs représentants syndicaux, ces remplacements d’agents civils par des militaires risquent de s’avérer au mieux superfétatoires, au pire contreproductifs. Car, de fait, les FLS sont parfaitement qualifiés pour remplir les missions que le Ministère de la défense (Mindef) compte attribuer aux gendarmes. Ces agents spéciaux sont d’ailleurs formés aux mêmes écoles d’excellence que leurs homologues militaires (GIGN et/ou RAID) et la plupart d’entre eux sont issus de la gendarmerie, anciens pompiers ou vétérans militaires. « Dès lors, les déposséder d'une partie de leurs missions est vécu comme une remise en cause leur engagement et de leurs capacités à répondre à l’ensemble du spectre de la menace en cas d’attaque de haute intensité, autrement dit, c’est les insulter », explique Claire De Pascale.

Des avancées « encourageantes » ?

En grève illimitée depuis le 7 juin, mais chaque jour réquisitionnés au poste de travail conformément à leur engagement, les agents des FLS se sont d’abord mobilisés localement, sur chaque site du CEA, pour manifester leur refus ferme du déploiement de gendarmes à l’intérieur des centres, pour exprimer leurs craintes de pertes d’effectifs (estimées autour de 30 %), réclamer la requalification des contrats CDD en CDI et pour obtenir audience auprès de la direction du CEA et du ministère de la Défense à qui ils comptent présenter un projet alternatif. « On ne va tout de même pas s’opposer à une décision de l’Etat », a d’abord rétorqué la direction du CEA, tandis que le ministère, trois fois sollicité par courrier, était aux abonnés absents.

L’action nationale du 28 septembre aura au moins permis de rompre ce silence ministériel. Mieux encore, une délégation de l’intersyndicale CGT-FO-CFTC-UNSA a été reçue ce même jour par l’administrateur général du CEA, par le directeur de la protection des installations et activités de la défense puis par le conseiller social au cabinet du Ministre.

Plusieurs avancées et clarifications en ressortent :
– s’agissant de la demande d’évolution du statut des agents (pour une meilleure reconnaissance de leur métier et plus de moyens d'intervention.) le CEA s’est engagé à la création d’un groupe de travail qui étudiera cette question.
– s’agissant de l’évolution des effectifs CDD en CDI, le CEA a validé la reprise des recrutements, mais pour les seuls centres civils.

Côté Mindef, la position de la DPID en date du 7 juin reste inchangée : dans le cadre de la réévaluation des menaces, elle demande au CEA un plan de protection spécifique pour chacun des huit sites intéressant la Dissuasion qui permette de répondre à une attaque de haute intensité. La DPID impose au CEA que cette capacité soit assurée par des forces militaires dédiées. Seules évolutions – non négligeables – la DPID ne remet pas en cause les activités de protection physique des FLS qui préservent leurs missions de contrôles d’accès, d’équipes cynophiles, de rondes, de levées de doute, de maintien de l’armement, etc.

La DPID a cependant assuré que les tâches confiées aux PSPG seront sans impact sur les FLS. Quant au calendrier de ce déploiement de forces militaires à l’intérieur des sites du CEA, il démarrera dès l’été 2017, à commencer par le site de Valduc, et en 2018 pour celui de Cadarache. Enfin, s’agissant de la responsabilité des PSPG, elle reviendra à la direction de chaque site, sachant que ces forces militaires seront positionnées en périphérie immédiate des installations critiques puisque non-qualifiées pour pénétrer à l’intérieur des bâtiments pour des raisons de sûreté nucléaires.

Bien que la revendication centrale des FLS, « pas de gendarmes à l'intérieur des centres » n’ait pas encore obtenu pleine satisfaction, l’intersyndicale reconnait des avancées. Mais elle s'inquiète des aspects opérationnels entre PSPG et FLS qui pourraient in fine conduire à un transfert de missions vers les PSPG. Insistant sur l’importance du dialogue social, elle a plaidé pour une prise en compte du projet alternatif des FSL. L’administrateur général du CEA s’est engagé à l’étudier, avec les représentants du personnel. »