Mouvements sociaux : les femmes en première ligne
Pour Michelle Zancarini-Fournel, historienne et professeure émérite à l’université Lyon 1, nous vivons un moment d’insurrection féministe généralisée. Droit à... Lire la suite
Quand la chanson « À cause de Macron ! » retentit, c'est tout de suite l'attroupement. Les manifestants, hommes et femmes se massent, les portables se lèvent pour filmer ce qui est devenu le tube du mouvement de lutte contre la réforme des retraites. Mireille 68 ans, arbore une veste de travail bleue et sur ses cheveux blancs, une serviette rouge à carreaux est nouée en bandeau. Jeudi 16 janvier, cette professeure de mathématiques à la retraite, manifeste pour la première fois dans le cortège dansant féministe.
Clara et Valérie, enseignante et documentaliste à la cité scolaire Lavoisier (Paris Ve), elles aussi en bleu de travail et foulard rouge, pourraient presque faire figure d'habituées. Elles ont défilé en dansant le jeudi et le samedi précédent.
« Nous nous étions rassemblées à sept ou huit, mercredi dans le centre de documentation du collège. Notre petit groupe réunissait non seulement des profs, mais aussi du personnel administratif et des AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap). Ensemble, nous avons travaillé la chorégraphie grâce au tutoriel et, le lendemain, après un petit tour dans une friperie pour trouver les combis, on était prêtes, raconte Valérie, documentaliste. Le vendredi, les collégiens nous chantaient entre les dents “à cause de Macron !”, s'amuse-t-elle. De nombreux lycéens sont venus nous parler. Cela a également interpellé et fait entrer dans l'action des collègues qui étaient très en retrait. »
Cette semaine, ce sont des élèves qui portent la banderole de la cité scolaire. Mina, Noa, Manon et Olivia, lycéennes en terminale, regardent le petit groupe qui s'entraîne derrière le camion d'Attac. Puis, après avoir un peu hésité, trois d'entre elles se lancent.
C'est Attac qui est à l'origine de cette chorégraphie. « Nous avions travaillé avec la CGT, Solidaires et la Fondation Copernic sur l'enjeu de cette réforme pour les femmes », explique Huayra Llanque, membre de la Commission genre et mondialisation de l'association. « Les déclarations d'Emmanuel Macron et d'Édouard Philippe expliquant que les femmes allaient être les grandes gagnantes de cette réforme des retraites ont été le déclencheur », ajoute Youlie Yamamoto, membre de la Commission actions qui se définit comme « artiviste ». Le choix de la musique s'impose très vite, comme celui du code vestimentaire.
« À cause des garçons a été un grand tube dans les années 1980 et il possédait une vraie dimension féministe tout comme la figure de Rosie la Riveteuse », ajoute-t-elle. L'ouvrière serrant le poing et faisant saillir ses biceps symbolise les femmes entrées en masse dans l'industrie américaine pendant la Seconde Guerre mondiale.
« Le travail est un des leviers d'émancipation des femmes et cette réforme, en appauvrissant largement les retraitées, va rendre encore plus difficile une sortie des violences », souligne Aurélie Trouvé, porte-parole d'Attac. Une fois la chanson écrite, un clip est rapidement réalisé. « Nous avons puisé dans les compétences existant en interne, une copine vidéaste, une autre chanteuse… ont permis de donner un résultat pro », apprécie Youlie Yamamoto.
« S'il est drôle, le texte est très travaillé et permet de bien faire comprendre l'impact dévastateur de la réforme des retraites pour les femmes, entre la prise en compte de l'intégralité de la carrière et la modification de la pension de réversion. Ce message féministe permet aussi de sortir du piège des régimes spéciaux », souligne Aurélie Trouvé.
Le 24 décembre, comme un cadeau de Noël ironique pour le président, le clip est en ligne. Musique pop, texte incisif, couleurs vives (foulard rouge, bleu de travail, gants jaunes), les ingrédients du buzz sont au rendez-vous. La vidéo est largement partagée sur les réseaux sociaux.
L'idée d'associer la chanson à une chorégraphie très simple sur le modèle des flashmobs (rassemblement public d'un groupe de personnes pour effectuer une courte action – danse, etc. – avant de se disperser) émerge, un tutoriel est mis en ligne. « Les femmes s'en sont tout de suite emparées, nous avons presque été débordées. Même celles qui ne connaissaient pas bien les pas avaient envie d'aller en première ligne », s'amuse Youlie Yamamoto.
Zoé, 24 ans, chômeuse, a beaucoup arpenté Paris pendant les manifestations des Gilets jaunes et rejoindra peut-être dans un moment le cortège de tête. Elle a enfilé une veste de bleu et noué un foulard rouge qu'elle rendra en repartant et vient de terminer la « choré » pour la deuxième fois.
« Ce n'est pas encore très gracieux, mais ça va venir ! », sourit-elle. À ses côtés, Anne, la quarantaine, free-lance en communication, souligne les sensations éprouvées en dansant. « Ça donne de la force. C'est non seulement créatif, festif mais cela permet d'expérimenter par le corps une forme de puissance. Quand tu danses, tu n'es plus passive, tu ne subis plus ! » Mettre à terre Macron et les vautours de BlackRock à la fin n'est pas le moindre des plaisirs !
Pour Michelle Zancarini-Fournel, historienne et professeure émérite à l’université Lyon 1, nous vivons un moment d’insurrection féministe généralisée. Droit à... Lire la suite
Ne ratez pas la diffusion ce 8 mars à 21h00 sur LCP du documentaire de François Perlier, qui retrace l’histoire de Martha Desrumaux, résistante, syndicaliste à la CGT, et... Lire la suite