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Réforme des retraites

À Cherbourg, la CGT organise un débat sur les retraites pour informer et agir

6 septembre 2019 | Mise à jour le 9 septembre 2019
Par | Photo(s) : UD CGT Manche
À Cherbourg, la CGT organise un débat sur les retraites pour informer et agir

« Ensemble, défendons notre protection sociale, notre retraite ». C'est sur ce thème que plus de cent personnes ont participé jeudi 5 septembre à un débat public organisé par l'union départementale CGT de la Manche, à Cherbourg-en-Cotentin, en Normandie. En jeu : le décryptage du projet gouvernemental, mais aussi les clés d’une mobilisation réussie pour une autre réforme en faveur du progrès social.

Jusqu'à quel âge faudrait-il travailler si le projet de réforme gouvernemental était adopté ? Le montant des pensions ne risquerait-il pas de baisser ? Le régime à points préconisé par Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire délégué à la réforme des retraites par l’exécutif, ne le rendrait-il pas aléatoire et dangereusement fluctuant ?

Ce jeudi 5 septembre, plus de cent personnes ont pu échanger durant plus de deux heures, à Cherbourg-en-Cotentin, dans la Manche, à l'occasion d'un débat public organisé par l'union départementale CGT sur le thème « Ensemble, défendons notre protection sociale, notre retraite ».

S'informer pour mieux défendre la solidarité

Retraités, mais aussi actifs jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, ouvriers de l'arsenal, cheminots, enseignants… Tous ont pu débattre avec deux spécialistes en la matière, Pierre-Yves Chanu (conseiller confédéral CGT, vice-président de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et membre du conseil d'orientation des retraites) et Christian Letellier (administrateur CGT à la Caisse nationale d'assurance vieillesse).

Au programme : un décryptage des enjeux du plan Delevoye sur les retraites ; une réflexion sur les propositions de la CGT pour une vraie réforme de progrès social et les moyens de son financement dans ce domaine ; ainsi qu’un débat sur l'organisation d'une mobilisation la plus large possible pour défendre le principe même de la solidarité.

[Le] rapport Delevoye défend une réforme injuste, individualiste, qui va pousser une grande partie des retraités à vivre dans la précarité et les travailleurs à s'épuiser au travail avant de pouvoir partir à la retraite. Nathalie Bazire, secrétaire générale de l'UD de la Manche.

« Le vaste chantier de la réforme des retraites a franchi un cap, le 18 juillet dernier », avec la présentation du rapport Delevoye « qui défend une réforme injuste, individualiste, qui va pousser une grande partie des retraités à vivre dans la précarité et les travailleurs à s'épuiser au travail avant de pouvoir partir à la retraite », soulignait d'emblée Nathalie Bazire, secrétaire générale de l'UD de la Manche.

Avant de préciser que « pour le gouvernement Macron », qui entend « faire des économies sur le dos des salariés », l'enjeu est de « toucher aux fondements de notre système solidaire en altérant le lien unissant la retraite des pensionnés au salaire des actifs, en accélérant la baisse des pensions, et en reculant l'âge de départ à la retraite. »

Retraités, actifs, précaires : les inquiétudes sont multiples

C'est d'abord l'inquiétude qui s'exprime ce jeudi soir. Avec le projet gouvernemental, que deviendraient les carrières longues ? Quid des pensions de réversion ? Quid de l'âge de départ en retraite si, en dépit du maintien officiel d'un âge légal, une décote est appliquée en-deçà d'un autre âge, dit « pivot » ? Quid des garanties sur le montant des pensions, si elles dépendent d'une accumulation individualisée de points sans connaître à l'avance la valeur de ceux-ci ?

Un ouvrier de l'arsenal témoigne des calculs qu'il a réalisés : avec la réforme Balladur de 1993, qui a fait dépendre le calcul de la pension non plus des dix mais des vingt-cinq meilleures années de salaires, le montant mensuel de sa retraite, s'il part sans décote, est déjà tombée de 1 500 à 1 200 euros mensuels. S'il faut tenir compte ni de dix ans ni de vingt-cinq ans, mais de toute la carrière comme le veut le gouvernement, alors elle tomberait à 1 000 euros seulement. Inacceptable.

Pour la CGT, il est urgent, à la fois, de faire de la prévention, ce qui passe par une véritable politique de santé au travail, et de réduire le nombre de trimestres travaillés de tous ceux et de toutes celles qui subissent la pénibilité. Christian Letellier, administrateur CGT à la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Un autre intervenant revient sur le lien entre la pénibilité et la retraite. Christian Letellier précise : « Pour la CGT, il est urgent, à la fois, de faire de la prévention, ce qui passe par une véritable politique de santé au travail, et de réduire le nombre de trimestres travaillés de tous ceux et de toutes celles qui subissent la pénibilité. »

D'autres interrogations portent sur l'avenir des régimes spéciaux, chèrement conquis par les luttes dans plusieurs métiers, que le gouvernement voudrait supprimer au nom d'une égalité conçue exclusivement comme un nivellement général par le bas.

Pour d'autres, ce sont aussi les carrières courtes qui méritent d'être prises en compte. Celles des salariés précarisés et, en particulier, des femmes qui subissent des carrières hachées, ou bien des jeunes multipliant le petits boulots avant d'espérer obtenir des contrats plus sûrs, quand ils ne sont pas étudiants et paient en fin de carrière leurs années d'études en devant repousser l'âge de leur retraite…

Une réforme de progrès social est possible

« Pour la CGT, ce projet de réforme ne peut constituer une base de négociation », plaide Nathalie Bazire. De fait, comme l'expliquent Pierre-Yves Chanu et Christian Letellier, la CGT revendique la retraite à 60 ans avec un taux de remplacement d'au moins 75% du salaire et un minimum de 1 200 euros net. L’organisation syndicale revendique aussi un départ anticipé pour tous les salariés exposés aux travaux pénibles.

Pure utopie ? Selon le gouvernement, l'accroissement de l'espérance de vie exigerait mécaniquement d'augmenter l'âge de départ en retraite, et les finances des caisses de sécurité sociale en général et de retraites en particulier imposeraient de réduire les dépenses.

Comme l'a mis en lumière le débat, le calcul du gouvernement se révèle faux dans les deux cas. D'une part, parce que l'espérance de vie en bonne santé est bien inférieure à l'espérance de vie, et que toutes les professions ne sont pas à égalité en la matière.

D'autre part, parce que la Sécurité sociale ne souffre pas de dépenses trop élevées, mais bien d'un déficit de recettes. En cause : les milliards d'exonération de cotisations patronales – de l'ordre de 40 milliards d’euros en 2017 et de 69 milliards en 2019 –, deux ans après l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir. Ou encore le manque à gagner que constituent les petits salaires, et l'inégalité salariale entre les femmes et les hommes…

Les heureux  bénéficiaires des augmentations sans précédents des dividendes de leurs actions dans les entreprises du CAC 40 ont beau jeu de réclamer que les retraités actuels et futurs se serrent la ceinture.

Informer, débattre, pour agir… ensemble !

Dans ce contexte, pour les participants, pas question de renoncer. C'est aussi ce dont a témoigné un responsable de Force ouvrière venu participer au débat.

Pour les présents, rejeter le projet gouvernemental est indispensable, mais le dire ne suffit pas. Rassembler, largement et de façon aussi unitaire que possible, suppose d'informer, de proposer et de débattre. Plusieurs intervenants insistent à ce sujet sur la nécessité de débats publics et dans les médias, en particulier à la télévision.

Il s'agit aussi de s'adresser au plus grand nombre, c'est-à-dire à toutes les catégories et à toutes les générations. Certains pointent les difficultés à débattre des retraites avec les jeunes : précaires pour beaucoup d'entre eux, ce ne sont pas en premier lieu les retraites qui les préoccupent.

Mais, souligne une retraitée, discuter avec les jeunes d'un régime solidaire suppose d'être solidaire de leur situation au présent, de prendre en compte leurs préoccupations et leurs revendications en termes d'emplois, de salaires, de perspectives…

Afin de s’offrir d’autres perspectives que celles promises par l’exécutif, d’autres rendez-vous sont d’ores et déjà programmés. D'une part, l’organisation de débats et de réunions d'information orchestrés par les syndicats  – ce qu'ont commencé à faire plusieurs syndicats du département (à l'instar de la CGT de l'arsenal de Cherbourg qui avait diffusé quelque 2 500 flyers pour le débat public du 5 septembre) – et de toute la région (comme en ont témoigné les responsables CGT présents des autres départements de Normandie) ; d'autre part, en préparant partout la mobilisation en vue de la journée de grève et d'action du 24 septembre, portée par la CGT. Une première démonstration de force qui devrait, nécessairement, en appeler d'autres.