À Suresnes, les femmes de chambre continuent la lutte
Malgré le bruit, les sifflets et les cris qui appellent à la « Solidarité ! », l'hôtel accueille toujours les clients comme si de rien n'était. En grève depuis le 19 août, les quatorze employés de l'hôtel Première Classe et Campanile de Suresnes poursuivent leur mobilisation. Les revendications des grévistes syndiquées à la CGT-HPE (Hôtels de Prestige et économiques) restent inchangées : augmentation du salaire de base en l'indexant sur l'inflation ; instauration d'une prime exceptionnelle pour le pouvoir d'achat ; arrêt des pratiques de déstabilisation des salarié.es ; et réintégration de leur collègue Magassa, injustement licenciée cet été. Employée depuis 2013, cette dernière a égaré sa carte de séjour lors de ses congés au Mali. La direction de l'hôtel est prévenue de la situation par la déléguée syndicale. Mais estimant qu'elle n'a pas été informée par écrit, la direction licencie Magassa début août pour absence injustifiée. Cette décision, inacceptable au regard de ses collègues, sera l'élément déclencheur de la grève.
La direction en appelle à la police
Jeudi 12 septembre, un rassemblement se tient devant le siège du groupe, mais la direction refuse de recevoir les grévistes. Onze jours plus tard, une première négociation a lieu le 23 septembre, en présence d'une représentante de l'union départementale CGT des Hauts-de-Seine… sans succès. La direction ne veut rien concéder et refuse de revenir sur le licenciement de Magassa. « Depuis l'arrivée du nouveau directeur, il y a deux ans, on nous demande toujours plus de polyvalence sans hausse de salaire. Trois camarades sont en arrêt maladie depuis deux ans, entre autres pour des douleurs musculaires. On subit aussi à un management brutal, des ruptures conventionnelles infondées. Comme syndicalistes, on est traités comme des voyous », dénonce Kande, femme de chambre et représentante du personnel CGT-HPE. Samedi 5 octobre, deux grévistes sont emmenées par la police, menottes aux poignets. Elles seront retenues plus de six heures en garde à vue. La direction justifie le recours aux forces de l'ordre au motif d'agression sonore. Une décision qui scandalise davantage les femmes de chambre de l'hôtel sans pour autant les affaiblir. « La direction devrait savoir que vous ne lâcherez pas, que vous êtes spécialiste des grèves de longue durée », martèle Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, venue en soutien, le 11 octobre.
Ce n'est pas le premier mouvement de grève de ce genre, comme le rappelle Thibaud*, du syndicat HPE d'Île-de-France : « Pendant près de deux ans, de 2019 à 2021, les femmes de chambre de l'hôtel Ibis les Batignolles, à Paris, ont fait grève pour dénoncer leurs conditions de travail et les mauvais traitements. Ces deux problématiques sont générales, avec toujours plus d'exigences de polyvalence (sans le salaire qui va avec) et l'aménagement des horaires. » Le syndicaliste, qui souhaite rester anonyme, dénonce aussi une forte répression syndicale. « Il n'y pas de place pour les revendications. C’est l'image qui prime et ce sont les petites mains de l'hôtel qui trinquent. » Le secteur hôtelier est d'ailleurs en permanence à la recherche de femmes de chambre. En cause, la pénibilité au travail, les horaires décalés ainsi que les faibles salaires. Une caisse de grève a été mise en place, les femmes de chambre étant sans salaire depuis deux mois. Pour elles, l'heure est plus que jamais à la réouverture de négociations.
*Le prénom a été modifié