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PALESTINE

Après un an de guerre, briser le silence face au « génocide en cours »

27 novembre 2024 | Mise à jour le 27 novembre 2024
Par | Photo(s) : Omar al-Qattaa / AFP
Après un an de guerre, briser le silence face au « génocide en cours »

Avec 70 % de femmes et d’enfants parmi les morts civils à Gaza, les massacres commis par l’armée israélienne pourraient constituer un « génocide probable », selon l’Organisation des Nations unies. Plus d'une trentaine d'associations et syndicats françaises appelaient à se rassembler le 27 novembre en soutien au peuple palestinien devant le Parlement, à Strasbourg, afin d’exiger un cessez-le feu immédiat.

Après plus d'un an de guerre menée par l'armée israélienne en réaction à l'attaque meurtrière du Hamas du 7 octobre 2023, le bilan humain dans la bande de Gaza ne cesse de s'alourdir de jour en jour : 41 870 personnes ont trouvé la mort dans l’enclave palestinienne, d'après les chiffres livrés par le ministère de la Santé de la bande de Gaza. Mais d'autres études laissent penser que le bilan pourrait être bien plus meurtrier. « Il n’est pas invraisemblable d’estimer que jusqu’à 186 000 morts, voire plus, pourraient être imputables au conflit actuel à Gaza », estimait en juillet dernier la revue scientifique The Lancet. Pour aboutir à ce chiffre, les chercheurs du journal médical ont pris en compte tous les décès à venir liés aux répercussions de la guerre sur la santé des habitants : manque de soins, absence d’abris, malnutrition aiguë…

Niveau sans précédent de morts

C'est pour stopper ce drame qui se joue sous nos yeux depuis un an que de nombreuses organisations françaises – dont l'Association France Palestine, la Ligue des droits de l’homme, le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples la CGT, la FSU… -, rejointes par d'autres organisations européennes, ont appelé à se rassembler le 27 novembre devant le Parlement européen afin d'appeler l'Union européenne « à prendre ses responsabilités et assurer la protection du peuple palestinien » et briser le silence complice d’une partie de la communauté internationale face au « génocide en cours ».

« La guerre dure depuis plus d'un an et on atteint des niveaux qu'on ne pouvait pas imaginer, avec la destruction totale de Gaza, des populations civiles massacrées, notamment des femmes et des enfants. On en appelle aux instances internationales car les discours ne suffisent plus, il faut des actes ! » Boris Plazzi, responsable des questions internationales, au bureau confédéral de la CGT

Selon les estimations réalisées par l'Organisation des Nations unies (ONU), les femmes et les enfants représentent environ 70 % des morts dans la bande de Gaza. Depuis un an, il n’existe plus de zones sûres pour les familles où se réfugier et ces morts civils en surnombre pourraient être la preuve, selon le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, d'une violation du principe de proportionnalité. Elle « démontre une indifférence apparente à la mort de civils et à l'impact des moyens et méthodes de guerre choisis », les agissements des forces israéliennes ayant « provoqué un niveau sans précédent de morts, de blessés, de famine, de maladies, de déplacement et de destruction » dans les populations civiles.

Crimes contre l’humanité

Disparitions forcées, enfants ciblés par des snipers ou des drones, traitements inhumains infligés aux détenus palestiniens, blocage des convois humanitaires pour provoquer la famine, les faits documentés depuis le 7 octobre constituent des crimes de guerre. Dans certains cas, les violations relevées dans le rapport publié le 8 novembre par l’ONU pourraient même relever de « crimes contre l'humanité ». S’il s'avérait qu'elles ont été commises dans l’intention de détruire, totalement ou partiellement, la population palestinienne de Gaza, l’Organisation des Nations unies considère qu’elles seraient également passibles de « constituer un génocide ». Ces faits, d'une extrême gravité, ont convaincu la Cour pénale internationale (CPI) de lancer le 21 novembre un mandat d'arrêt contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, ainsi que contre son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant.

Dans son mandat, la CPI considère « avoir des motifs raisonnables de croire » que les deux responsables politiques d'extrême droite portent la responsabilité pénale de « crimes de guerre consistant à utiliser la famine comme méthode de guerre », « crimes contre l'humanité », et la perpétration d'« attaques intentionnellement dirigées contre la population civile ». Si les Pays-Bas, la Belgique, l'Espagne et l'Irlande ont annoncé qu'ils respecteront la décision de la CPI en lançant des mandats d'arrêt contre les deux hommes politiques s’ils pénètrent sur leurs territoires, d'autres pays, comme la France, ne se sont pas exprimés aussi clairement. « La France a toujours une voix importante dans le monde du fait de sa place au Conseil de sécurité de l'ONU. Elle devrait franchir un cap et reconnaître l'État de Palestine, comme l'a fait notamment l'Espagne, et dire qu'elle appliquera le mandat d'arrêt sur son territoire », estime Boris Plazzi.

Destruction totale de Gaza

Depuis le 7 octobre, plusieurs responsables israéliens de premier plan ont tenu des propos qui pourraient s'apparenter à des incitations au génocide. « Pas d'électricité, pas de nourriture, pas d'eau, pas de gaz […] Nous combattons des animaux et nous agissons en conséquence », a ainsi déclaré le 7 octobre Yoav Gallant, au lendemain de l'attaque contre Israël. Ou encore l’appel, le 9 octobre 2023, par le général Giora Eiland à rendre Gaza inhabitable quand il déclarait : « L'État d'Israël n'a pas d'autre choix que de faire de Gaza un lieu où il ne sera temporairement, ou pour toujours, impossible de vivre. »

La bande de Gaza, sous blocus imposé par Israël depuis 2007, était déjà avant la guerre en situation de « catastrophe humanitaire » avec 80% de la population dépendant de l'aide humanitaire. Une situation en « résultat direct des actions de l'État d'Israël », selon un rapport de l'organisation non gouvernementale (ONG) israélienne B'Tselem. Depuis le début de la guerre, l'essentiel de ses infrastructures – universités, hôpitaux, infrastructures de distribution d'eau… – mais aussi son patrimoine historique et culturel a été ciblé par des bombardements et en très grande partie détruit. « L’équivalent de deux bombes nucléaires » se sont abattues sur l’enclave, au point que la notion d'urbicide est mobilisée pour décrire l'ampleur des ravages constatés. Selon la banque mondiale, au 21 juin, 64 % des habitations étaient endommagées ou détruites et 75 % de la population de Gaza avait été déplacée, au point de rendre extrêmement précaire l'existence des Palestiniens vivant dans la bande. Une réduction à l’état de ruine de tout un territoire qui interroge sur le projet politique qui sous-tend cet anéantissement.

Dans la préface du Livre noir de Gaza, qui s’appuie sur les principaux rapports d’ONG et articles de presse pour dresser un bilan de la guerre, le médecin israélien Rony Brauman, ex-président de Médecins Sans frontières, s'interroge : « Que va devenir la population de Gaza enfermée dans un champ de ruines, et celle de Cisjordanie qu’asphyxient l'emprise et les raids continuels de colons ? Que faire avec cette haine qui s’étend ? Une guerre sans fin s’annonce, que seule une réaction internationale déterminée pourra enrayer. »